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Croissance, réformes nécessaires…Maurice face au verdict du FMI : analyses de trois économistes 

Trois économistes livrent une lecture nuancée du rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié le mercredi 18 juin 2025 à l’issue de l’Article IV Consultation. Georges Chung salue l’optimisme de l’institution mais alerte sur la nécessité de réformes parfois douloureuses. Anthony Leung Shing plaide pour une consolidation budgétaire ciblée, tandis que Chandan Jankee s’inquiète d’une croissance prévue à 3 %, jugée insuffisante face aux enjeux actuels. 

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Georges Chung : « Le FMI paraît plutôt optimiste par rapport au moyen terme de notre économie » 

georges« Ma première réaction en lisant le rapport est d’abord que l’endettement public et le déficit de la balance commerciale sont le talon d’Achille de notre économie et doivent être pris au sérieux de manière urgente tout en sauvegardant les acquis sociaux des plus vulnérables », indique l’économiste Georges Chung. 

Ainsi, poursuit-il, le gouvernement doit en premier lieu : « réduire ses dépenses budgétaires à la fois dans le court et moyen terme, sans doute, même si le rapport ne le dit pas, faire référence à l’épineux problème de la pension universelle ». Le FMI appelle, en effet, appelle au renforcement de la politique fiscale afin de créer de l’espace pour l’assouplir ensuite, souligne Georges Chung. « Cela veut dire augmenter la taxe et réduire ses dépenses de manière simultanée, ce que fait de toute évidence le Budget de 2025 et de « tirer sur tout ce qui bouge », ajoute l’économiste. 

Pour Georges Chung, le FMI semble « plutôt optimiste par rapport au moyen terme de notre économie, si l’on arrive à réajuster nos faiblesses que le rapport évoque surtout les 88 % de l’endettement de notre pays ». 

« Le FMI prévoit même que nous pouvions pratiquement doubler notre produit national entre 2020 et 2030, soit de 11 milliards de dollars à 21 milliards de dollars en 2030. Le Mauricien moyen arriverait même aussi à presque doubler son revenu par tête d’habitant de 9 000 dollars à 17 000 dollars de 2020 à 2030 », fait ressortir l’économiste. 

Georges Chung a conclu en ajoutant : « Le dernier diagnostique du FMI me semble être une bouffée d’air frais, surtout par rapport au pessimisme dont s’est éprise la population depuis ces derniers temps. Mais pourvu que l’on arrive à bien avaler les médicaments prescrits, certes, de manière trop forte pour beaucoup. »

Dr Chandan Jankee : « Je suis inquiet par la prévision d’une croissance moyenne de 3 % » 

jankeeLe Dr Chandan Jankee, économiste, est catégorique : « Le rapport du FMI confirme une fois de plus la résilience et la robustesse de l’économie mauricienne, notamment après la pandémie et la fermeture de nos frontières. La croissance est de 4,7 % en 2024, un taux louable après la pandémie. De même, le pays dispose des réserves équivalentes à près de 12 mois d’importations. Et parallèlement, le taux de chômage et celui de l’inflation est en train de reculer ». 

Pour l’économiste, l’économie mauricienne dispose de bases solides pour poursuivre une stratégie économique qui stimulera la croissance, l’investissement et la création de richesses. « Il est vrai que nous rencontrons des problèmes de fiscalité, avec une dette et un déficit budgétaire élevés liés à la période de la pandémie ou qu’il était nécessaire à l’époque de maintenir l’économie, l’emploi, les activités des entreprises et d’augmenter les prestations sociales. De même, il est vrai que depuis des décennies, plusieurs gouvernements ont dû faire face à des problèmes structurels liés à la diversification de l’économie, à l’amélioration de la compétitivité du pays à l’international et la mise en œuvre des réformes nécessaires pour moderniser l’économie afin que nous puissions nous adapter et utiliser au plus vite les nouvelles technologies dont l’IA », soutient Chandan Jankee. 

Pour lui, il est essentiel d’accroître la productivité pour développer davantage les secteurs du pays. « Nous devons nous servir de la résilience de notre économie comme une base pour promouvoir une croissance tirée par le secteur privé, grâce à l’innovation et avec le gouvernement comme facilitateur », recommande-t-il. 

Chandan Jankee se dit cependant « préoccupé » par la prévision d’une croissance moyenne de 3 %. « C’est très faible par rapport à la moyenne de 2022 à 2024. Les problèmes structurels doivent être résolus, mais nous devons le plus vite possible augmenter les investissements y compris l’investissement public pour accélérer la croissance. De même, il ne faudrait pas crée une psychose que l’économie est chaotique. Il nous faut impérativement continuer à créer de la richesse et augmenter la croissance pour combler la dette », insiste-t-il. 

Il déplore au passage que, dans le Budget, les facilités et incitations accordées aux investisseurs, y compris aux PME, ont été « phased out ». « Cela nuira à la facilité de faire des affaires. Face à l’incertitude du marché mondial, l’accent devrait être mis sur la production locale et la substitution aux importations pour maintenir la croissance », a-t-il conclu. 

Anthony Leung Shing : « Une gestion rigoureuse des finances publiques est essentielle pour une croissance plus forte » 

anthony« Le FMI dresse un constat pertinent. Une croissance de 4,7 % et une inflation en recul sont des signaux encourageants, mais il ne faut pas ignorer les déséquilibres qui persistent : un déficit courant élevé et une dette publique avoisinant les 90 % du PIB appellent un plan d’action courageux », commente Anthony Leung Shing, Country Senior Partner à PwC Mauritius. 
Pour l’économiste, il est donc temps de prendre les décisions qui s’imposent. « Je rejoins pleinement l’appel du FMI à engager une consolidation budgétaire compatible avec la croissance. Cela ne veut pas dire couper partout, mais de mieux orienter l’argent public : améliorer la collecte des recettes sans freiner l’activité, contenir les dépenses peu productives et avancer résolument sur la réforme des retraites », soutient Anthony Leung Shing. Et de conclure : « Cela dégagera les marges nécessaires pour investir dans les véritables priorités : l’éducation, la transformation numérique, les infrastructures et la productivité. Le secteur privé doit être pleinement associé à cette transformation, mais il a besoin d’un cadre clair, stable et prévisible. Une gestion rigoureuse des finances publiques est essentielle pour bâtir une croissance plus forte et durable. » 

  • Nou Lacaz

 

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