Croissance économique : comment gagner le pari des 5 % cette année?

Les projections de croissance pour un pays oscillent toujours dans une fourchette comprise entre anticipations réaliste et optimiste. Si les institutions internationales et MCB Focus prévoient une croissance légèrement supérieure à 4 % pour Maurice en 2023, les autorités locales se montrent plus ambitieuses. Quoi qu’il en soit, la progression de notre produit intérieur brut cette année dépendra grandement de la stratégie mise en place au niveau national.  

Qui, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de MCB Focus d’un côté, qui tablent sur une croissance d’un peu plus de 4 % pour Maurice en 2023, ou de Statistics Mauritius et de la Banque de Maurice de l’autre, dont la prévision est de 5 %, aura vu juste ? 

L’économiste Vinaye Ancharaz fait observer que le FMI a revu toutes les prévisions de croissance mondiale à la baisse. La progression de l’économie locale, explique-t-il, devrait être influencée par le ralentissement qui est déjà d’actualité dans la zone euro. « Le Royaume-Uni est entré officiellement en récession l’année dernière. La croissance pour la zone euro sera inférieure à 1 % et sera négative en Allemagne cette année. L’Europe est le principal marché touristique de Maurice. Une récession entraîne de l’incertitude, ce qui place les investisseurs en mode attentiste. » Cependant, Pierre Dinan voit les choses différemment. Selon lui, l’après-pandémie ne permet pas de faire des comparaisons justes concernant la croissance d’une année à une autre. « Est-ce que la valeur de la roupie sur laquelle est calculée le produit intérieur brut est la même en 2023 par rapport à l’année précédente ? » souligne-t-il.  

Les projections sont susceptibles d’être de nouveau révisées à la fin du premier semestre ou à l’entame du second. Ce qui est sûr, c’est que les autorités mauriciennes entendent bien se donner les moyens de réaliser une croissance de 5 % en 2023, puis de réitérer cette performance les années suivantes. Les économistes sont unanimes sur le fait qu’une croissance de 5 % passera indéniablement par la mise en place de stratégies adéquates. 

Déploiement des ressources

Après une croissance de 7,8 % de l’économie mauricienne en 2022 (selon les chiffres du ministère des Finances), les objectifs pour cette année sont fixés. Pour les atteindre, il faudrait, selon Vinaye Ancharaz, de prime abord introduire des mesures à court terme visant à amortir le choc dans le sillage de la crise. L’économie mauricienne nécessitera également, pour le long terme, des mesures structurées autour de secteurs comme l’agriculture et la manufacture. « Ces deux secteurs sont aujourd’hui en déclin. Nous avons malheureusement diversifié notre économie vers des secteurs qui sont vulnérables. Il faut un retour aux sources et rentabiliser les secteurs de l’agriculture qui incluent le sucre, l’agro-processing et l’agriculture verte », argue Vinaye Ancharaz. 

Une utilisation efficace des ressources dont dispose le pays ne serait que bénéfique à l’économie locale. Ce n’est pas Pierre Dinan qui dira le contraire. Il suggère premièrement le déploiement optimal du capital humain mauricien. Dans les années 1980, rappelle-t-il, cela avait permis au pays de franchir un palier. « Nous devons également suivre les conseils du FMI et nous mettre au travail », soutient l’économiste. 

Autre piste qui pourrait permettre d’aspirer à une croissance de 5 % pour les prochaines années : le développement réel de l’économie bleue. Pierre Dinan estime qu’il est grand temps de mettre fin aux effets d’annonce annuels concernant ce secteur et de présenter une stratégie concrète. « Il faut penser à l’échelle de la République, qui comprend Maurice, Rodrigues, Agaléga et tout le territoire maritime, lorsqu’on aborde le sujet de l’économie bleue. C’est essentiel d’avoir une bonne politique et de chercher des spécialistes pour, par exemple, augmenter la production des produits de la pêche. » Notre interlocuteur suggère également la mise en avant de notre patrimoine culturel comme moyen de faire croître les revenus touristiques. « Toute cette stratégie devra être menée par des personnes compétentes à la tête du pays », ajoute-t-il.