L’état d’urgence sanitaire est levé alors que le nombre de cas de COVID-19 à Maurice est en hausse, avec quatre décès enregistrés en une semaine. Ce paradoxe s’explique par l’arrivée de l’hiver à Maurice, alors que sur le plan international, la pandémie est devenue endémique et sous contrôle.
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En une semaine, 119 cas de COVID-19 ont été signalés (tests PCR). Le ministère de la Santé a aussi annoncé le décès de quatre patients alors qu’il y a eu 24 personnes admises au New ENT Hospital. Ce sont les chiffres du vendredi 5 mai 2023. Ils diffèrent de ceux des semaines précédentes où la moyenne était de 20 à 30 cas par semaine. Le Dr Shameem Jaumdally, épidémiologiste, prévient que le virus continuera à circuler et à muter. « C’est à nous de prendre nos dispositions pour nous protéger et protéger les autres », indique-t-il.
Commentant la levée de l’état d’urgence sanitaire sur le plan mondial par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il précise qu’elle n’aurait pas pris cette décision si la pandémie n’était pas sous contrôle. Il revient sur les débuts de la pandémie, lorsqu’il n’y avait aucune information sur le virus et où la situation était dévastatrice avec des vagues faisant des millions de morts. Trois ans après, dit-il, le virus fait partie de notre quotidien. « Maintenant qu’il est endémique avec des résurgences régulières, il est possible d’estimer que le problème n’est plus aigu mais chronique », précise-t-il.
Il précise qu’il y a davantage de décès liés aux pathologies chroniques, telles que le diabète, le cancer et les maladies cardiovasculaires. « Il y a d’autres maladies qui tuent beaucoup plus que la COVID-19. En Afrique, par exemple, les gens meurent davantage de la tuberculose que du coronavirus. »
Mémoire immunologique
L’épidémiologiste ajoute qu’on retrouve des sous-variants qui continueront d’apparaître, mais que leur répercussion sur les hospitalisations et les décès a baissé. « C’est grâce à l’immunité acquise à travers la vaccination et les infections. Bon nombre de personnes ont contracté le virus. Elles ont désormais une mémoire immunologique face à la COVID-19 », explique le Dr Shameem Jaumdally.
En revanche, il tire la sonnette d’alarme sur l’importance de continuer à prendre des précautions. « Le fait que le niveau d’alerte de l’OMS change ne signifie pas pour autant que le virus n’est plus dangereux. Il l’est toujours pour les plus vulnérables. D’ailleurs, les récents chiffres enregistrés à Maurice le soulignent. Il faut donc continuer à prendre des précautions », ajoute l’épidémiologiste.
Il fait une observation sur l’infection répétitive qui entraînerait des complications chez les patients. « Nous avons noté des problèmes cardiaques et cérébraux chez les patients ayant contracté la COVID-19 plusieurs fois. Cela s’explique par une inflammation répétée dans l’organisme », explique-t-il. Il souligne qu’une inflammation est le processus derrière la plupart des pathologies. Une « dose répétée » d’inflammation peut entraîner de multiples complications de santé.
Cela exacerbera aussi les risques qu’encourt une personne face à une maladie. « Quelqu’un qui en est au stade prédiabétique peut devenir diabétique. Si elle présentait déjà des dispositions à l’hypertension, elle peut devenir hypertensive avec le temps. C’est l’inflammation qui accentuera le processus », prévient-il.
Le Dr Yasheel Aukhojee, de Médecin à Domicile, indique que depuis quatre semaines, les personnes testées positives à la COVID-19 sont plus nombreuses. « On va chez le patient et cela nous a permis de faire un constat qu’il y a, en ce moment, une recrudescence des cas. Jeunes et moins jeunes sont affectés. Certains nous appellent parce qu’ils ont des symptômes directement liés à la COVID-19. Pour d’autres, les symptômes ressemblent beaucoup à ceux de la grippe et de la gastroentérite », constate-t-il.
Il ajoute que le changement de saison pourrait expliquer cette situation. « À l’approche de l’hiver, notre défense immunitaire est affaiblie. Elle peut facilement être affectée. C’est pour cette raison qu’il faut rester vigilant en portant le masque quand il le faut. »
Il recommande le vaccin pour ceux qui ne l’ont pas encore fait parce qu’en analysant les données, on se rend compte que les personnes décédées sont principalement celles qui n’ont pas été vaccinées. « Le vaccin protège », souligne-t-il. Il indique que la levée de l’état d’urgence sanitaire par l’OMS ne doit pas être prise comme un feu vert pour abandonner les mesures prises ces trois dernières années. « Le virus circule encore. »
Hausse des cas liés au sous-variant XBB.1.16
Chaque sous-variant qui arrivera entraînera une poussée de cas, selon le Dr Shameem Jaumdally. C’est le cas actuellement avec le sous-variant XBB.1.16. « Il faut s’habituer à voir les chiffres grimper à chaque fois que le virus mutera. C’est ce qui est prévisible », fait-il ressortir. Du coup, il estime qu’il faut suivre l’évolution du virus constamment et les autorités doivent communiquer à chaque fois qu’un sous-variant est découvert afin que la population prenne plus de précautions.
L’OMS lève l’alerte maximale
L’OMS a levé vendredi son plus haut niveau d’alerte sur la pandémie de COVID-19, estimant qu’elle était désormais suffisamment sous contrôle. « C’est avec beaucoup d’espoir que je déclare que le COVID-19 n’est plus une urgence sanitaire de portée internationale », a affirmé le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, estimant que la pandémie avait fait « au moins 20 millions » de morts, presque trois fois plus que le bilan officiel de son organisation.
La phase de crise de la pandémie « est passée, mais pas le COVID-19 », a mis en garde vendredi Maria Van Kerkhove, en charge de la lutte contre la COVID-19 au sein de l’OMS. « La pire chose qu’un pays puisse faire maintenant est d’utiliser cette nouvelle comme une raison de baisser la garde, de démanteler les systèmes qu’il a construits ou d’envoyer le message à son peuple que le COVID-19 n’a rien d’inquiétant », a renchéri Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Pour ce qui est de la vaccination, plus de 13 milliards de doses ont été administrées dans le monde, mais avec un accès très inégalitaire entre pays pauvres et riches. Si les vaccins protègent toujours bien des formes graves de la maladie, ils n’empêchent pas toutefois de transmettre la COVID-19 et leur efficacité s’érode avec le temps.
Des doses de rappel restent recommandées, au moins pour les plus vulnérables. Ils sont possibles désormais avec des vaccins ciblant plusieurs variants. Faudra-t-il une injection annuelle à l’avenir ? La question reste ouverte.
(Source : AFP)
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