L’initiation à la musique carnatique ne fait pas de distinction. Dans les cours offerts par Sharvan Boyjoonauth, le maître de cette tradition musicale du sud de l’Inde à Maurice, se côtoient des passionnés de toutes les générations et couches socioprofessionnelles. Cinq d’entre eux expliquent leur engouement pour les disciples de Nisha Rajagopalan.
« Il existe une liberté totale dans la classe et c’est une ambiance familiale qui régit nos relations. Il n’y a pas de relation de maître à élève, ni de préjugés sociaux... »
Quel est le dénominateur commun entre un môme de cinq ans qui apprend le violon, un enquêteur de police, deux femmes et une ado qui font leurs vocalises au domicile de Sharvan Boyjoonauth, situé à Belle-Rose, où il donne ses cours ? « C’est la musique carnatique, répond ce dernier, et le souffle lyrique, le calme et la sérénité qu’elle apporte. »
Guccina Gungabissoon, 19 ans, inscrite à Polytechnics Mauritius, est d’abord passée par la musique de Bollywood avant de s’intéresser au chant carnatique. Titulaire d’un grade 1V en violon de la Royal School of Music, elle a commencé ses vocalises au sein d’Ebanez Music, une formation de Belle-Rose, où elle est domiciliée. Mais elle était déjà imprégnée des kirtaan, ces morceaux sacrés très populaires à Maurice.
C’est aussi avec Ibanez Music qu’elle s’est rendue en Inde, en 2014, pour participer à trois concerts donnés par la formation mauricienne. Presque tous les samedis, elle accompagne celle-ci pour animer des soirées de mariage où elle est la chanteuse vedette. Depuis l’année dernière, elle a rejoint les classes de Sharvan « pour passer à un cap supérieur, élargir son registre et se former professionnellement ». Dans cette famille de trois filles, elle peut aussi compter sur des parents qui l’ont toujours soutenue dans ses choix.
Le chant carnatique et les ‘kirtaan’
À Stanley, dans sa résidence située au fond d’une cour, Simla Velleyen, 47 ans, mariée et mère de deux garçons, tente le pari de jeter un pont entre le chant carnatique et les kirtaan. « Dans l’immédiat, je ne peux que me servir des bases du carnatique, certaines notes sont utiles mais, pour le reste, j’ai des doutes tellement la musique carnatique est spécieuse », confie la quadragénaire aussi inscrite aux cours à Belle-Rose. Depuis que son fils Ashvin travaille, c’est elle qui a repris son harmonium pour animer les soirées de ‘kirtaan’.
« Toute la famille est impliquée dans la musique, mon mari Sandeep joue le manjira et mon autre fils, Kevin, est tabliste. » C’est sur Facebook qu’elle a été captivée par les morceaux de Sharvan. « C’est la première fois que j’entendais ce type de chanson, c’était différent. J’étais fascinée. J'ai contacté Sharvan, j’ai appris qu’il donnait des cours et je me suis inscrite », raconte-t-elle.
Est-ce pour rompre avec son quotidien frénétique d’enquêteur dans la force policière que Moogome Chawrimootoo a poussé les portes de l’école de Belle-Rose ? Il confie : « La musique apporte un certain équilibre à ma vie mais c’est aussi un plaisir et un passe-temps. J’ai toujours chanté sous la douche mais là, j’apprends de manière rigoureuse. »
Durant les cours, le quinquagénaire, issu de Providence, est accompagné de sa fille, étudiante en journalisme à l’Université de Maurice, et formée aux vocalises au Mahatma Gandhi Institute. « On répète ensemble pour identifier et corriger nos erreurs, et l’idéal serait de chanter pour un concert », dit-il en souriant.
Épanouissement holistique
Comme la plupart des autres élèves, venus avec un parent, Madvee Pyneeandee-Ramroch a fini par s’inscrire après avoir fait enrôler son fils Nelwin qui apprend le violon. « J’ai toujours pensé que la musique était un élément essentiel à l’épanouissement holistique de tout individu, et à plus forte raison, celui d’un enfant. Elle aide à développer leurs psychomoteurs afin qu’ils soient en confiance », fait valoir cette jeune mère, employée chez CIM Finance.
Elle aussi est tombée sur les chansons de Sharvan sur Facebook. Le déclic a été immédiat. « En général, j’aime tous les styles de musique et dans les kovil, je suis sensible à la musique sacrée. Toutefois avec le chant carnatique, il y a une rigueur et une profondeur qui m’ont séduite et on est en présence d’un registre de voix particulier », souligne-t-elle.
Avec ses mots à lui, le petit Nelwin explique tout l’intérêt qu’il a pour son maître de musique en qui il voit un modèle, selon sa mère. « Autant qu’il le souhaite, son père et moi-même aimerions qu’il continue à suivre ces cours. Nous sommes convaincus qu’au fur et à mesure qu’il avance, son intérêt ira en grandissant. Cela fera de lui une personne accomplie. »
Il existe un fait sur lequel s’accordent les personnes rencontrées : c’est la personnalité même de Sharvan et son approche qui les motivent durant chaque cour. « Il existe une liberté totale dans la classe et c’est une ambiance familiale qui régit nos relations. Il n’y a pas de relation de maître à élève, ni de préjugés sociaux ou de compartimentages, explique Simla Velleyen. Ce qui ressort, c’est l’humilité dans l’apprentissage. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !