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Cour d’investigation sur l’affaire Wakashio : légère déviation vers une zone où les marins ne captaient pas le réseau

Les deux marins auditionnés lundi ont mis à mal la thèse du rapprochement pour capter Internet.

Le capitaine est de plus en plus contredit. Les membres de l’équipage du MV Wakashio démontent la thèse selon laquelle il se serait rapproché des côtes pour capter une connexion Internet. Le lundi 25 janvier 2021, deux autres marins ont été auditionnés devant la Cour d’investigation. 

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Les travaux de la cour d’investigation sur l’affaire Wakashio se sont poursuivis le lundi 25 janvier 2021. Deux autres membres de l’équipage du navire ont été auditionnés : Antony Rabosa Baja, troisième officier et Jomar Unica, le quatrième ingénieur et le « Birthday Boy » du 25 juillet 2020. 

Ils ont été interrogés par l’ancien Puisne Judge Abdurrafeek Hamuth, président de la Court of Investigation et ses deux assesseurs, Jean Mario Geneviève et Johnny Lam Kai Leung. L’Assistant Solicitor General Rajkumar Baungally, le représentant du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) Ricky Bookhun, ainsi que les avocats Khushal Lobine et Ilshad Munsoor étaient aussi présents. 

Une théorie a été mise en pièces par les deux marins : celle du capitaine à l’effet qu’il s’est rapproché des côtes de Maurice afin de capter un réseau Internet. Dans la déposition qu’il avait faite au cours de l’enquête, Sunil Kumar Nandeshwar avait affirmé que les membres de l’équipage lui avaient demandé de rapprocher le MV Wakashio des côtes mauriciennes pour qu’ils communiquent avec leurs proches. 

« Nous ne captons pas de connexions à Maurice avec les cartes SIM que nous utilisons. Je ne sais pas si les autres ont demandé, mais je ne suis pas au courant d’une telle demande. D’ailleurs, c’est le capitaine qui décide », a fait comprendre le troisième officier. 

Version confortée par Jomar Unica. Il affirme qu’avec la carte SIM utilisée, ils captent le réseau uniquement dans la zone d’Asie du Sud-Est et en Australie. La dernière fois où il a communiqué avec sa famille, il se trouvait autour de Singapour et surtout dans le détroit de Malacca (entre la péninsule malaisienne et l’Indonésie). D’ailleurs, vendredi, Euliogio Espellarga et d’Amisto Sarausos, second et troisième ingénieurs du MV Wakashio, avaient avancé cet argument. 

Autre information fournie par Antony Rabosa Baja. Il a dit avoir constaté, le 23 juillet, une légère déviation de trois degrés par rapport à la trajectoire initiale. Il a précisé que cela n’a pas affecté la navigation. Il a toutefois éprouvé des difficultés à répondre à la question de savoir pourquoi c’est un Small Scale Chart qui a été utilisé lors d’un passage à proximité de Maurice au lieu d’un Large Scale Chart. 

Johnny Lam Kai Leung, qui interrogeait alors le marin, lui a fait comprendre que sur le Large Scale Chart, des lignes parallèles indiquent les zones non navigables près des côtes. Le troisième officier a rétorqué que c’est le capitaine qui décide et qu’il n’y a pas de discussion entre le « master » et les officiers de rangs inférieurs. Jomar Unica a souligné que les navires qui voguent vers le Brésil en sortant de la Chine passent toujours au sud de Maurice pour économiser du carburant.

Quatre témoins attendus ce mercredi 

Les auditions reprendront ce mercredi 27 janvier 2021 à 10 heures. Quatre témoins sont attendus. Deux Able Bodied Seamen (matelots), un cadet et un Mess Boy déposeront.

Le moral au top

Les deux membres d’équipage ont aussi dit que le moral des marins était bon et qu’ils s’étaient fait à l’idée de prolonger leur séjour à bord au-delà de la durée de leurs contrats. Raison invoquée : la pandémie. Sur les 20 marins, moins de 10 voulaient rentrer, mais la relation avec le capitaine était cordiale, selon Jomar Unica. 


Premier décaissement des compensations individuelles

C’est ce mardi 26 janvier que l’assureur du MV Wakashio, la Japan P&I Club, déboursera une partie des compensations. Ce paiement sera effectué à un premier groupe de 50 personnes, car il s’agit de réclamations individuelles. Cela concerne les volontaires et pêcheurs qui ont été impliqués dans le nettoyage des zones affectées. Ces paiements ne dépasseront pas les Rs 40 000 par individu. L’assureur procédera au déboursement de la compensation destinée au Solidarity Fund au début de février.


L’alcool coulait à flots 

Jomar Unica est celui qui fêtait son anniversaire (ses 31 ans ; NdlR) le 25 juillet 2020. Ce jour-là, l’ingénieur avait terminé son service à midi mais il devait descendre à la salle des machines pour une vérification vers 16h30. 

Cependant, ses amis lui avaient organisé une fête d’anniversaire depuis deux semaines. Ils avaient commandé les boissons suivantes : deux bouteilles de Whisky de 750 millilitres chacune et 24 cannettes de bière au centre de stockage du navire. 

Vers 16 h 30, après sa tâche, il s’est dirigé vers la salle commune où il a rencontré le second officier qui lui a fait part du mécontentement du capitaine. « Il était en colère. Il a dit que s’il n’était pas invité,  ce serait la dernière fois que je célébrais mon anniversaire à bord. Je l’ai alors appelé pour l’inviter. »

Le second ingénieur et le Chief Officer n’étaient pas de la partie, car ils devaient assurer la garde. C’est donc le chef ingénieur, le capitaine, le « birthday boy » et ceux qui travaillent de jour qui se sont regroupés. Antony Rabosa Baja était, lui, dans sa cabine. 

Selon Jomar Unica, cinq à six personnes étaient présentes à la fête donnée à la salle commune. L’ingénieur affirme avoir goûté à un verre de whisky. Il a ajouté que le capitaine et le chef ingénieur sont arrivés vers 17 h 30. 

Jomar Unica dit être resté une trentaine de minutes après l’arrivée des deux supérieurs avant de regagner sa cabine. Il affirme que vers 18 h 15, il a rencontré le capitaine dans les escaliers et que celui-ci lui a dit qu’il se rendait sur le pont pour capter le réseau mobile. Selon ses dires, le capitaine avait son cellulaire à la main. Le chef ingénieur, était, lui, sur le pont. 

Répondant à une question de l’ancien Puisne Judge, Jomar Unica a répondu qu’après l’échouement, il ne restait qu’un quart de bouteille de whisky. Il n’aurait pas aperçu l’autre bouteille et les canettes de bière.

Les vibrations 

Les deux témoins du jour affirment tous deux qu’ils étaient dans leurs cabines lorsqu’ils ont ressenti une vibration. C’était à 19 h 20, selon eux. Jomar Unica dit s’être rendu sur le pont avant de regagner la salle des machines à 19 h 40. « Le moteur tournait toujours en mode inversé (pour faire reculer le navire ; NdlR), mais celui-ci ne bougeait pas. Le moteur a tourné comme cela pendant 15 à 20 minutes à 68 rotations par minute », a détaillé le quatrième ingénieur. C’est à 20 h 29 que l’alerte a été donnée, car l’eau pénétrait la salle des machines. 

Jomar Unica a soutenu que les « general service pumps » ont été utilisées pour pomper l’eau de la salle des machines vers la « Slot Tank Number 5 ». Il a ajouté que ce n’est qu’à partir du 31 juillet que l’eau a été pompée vers la cale numéro huit. 

Cependant, à une question de l’ancien Puisne Judge, Antony Rabosa Baja a répondu que chaque jour, il relevait le Chief Officer sur le pont à 18 h 30 pendant environ 20 minutes pour que celui-ci puisse dîner. Ce jour-là, le Chief Officer était sur le pont et il aurait demandé au troisième officier de lui envoyer des cacahuètes.  Ce dernier aurait envoyé un cadet pour s’occuper de la besogne. Personne ne peut toutefois affirmer si de l’alcool a été livré à des postes autres que la salle commune. 

Autre révélation : le troisième officier a affirmé que ce n’est pas lui qu’on entend sur le Voyage  Data Recorder. Cette voix intervient d’abord à deux reprises pour donner l’instruction d’inverser la marche du moteur et de remplir les ballasts. Une troisième intervention a lieu pour demander aux membres de l’équipage de rester en « stand-by ». Le marin répondait à une question de Jean Mario Geneviève.

 

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