Les avis sont diamétralement opposés quant aux coups de feu tirés par un officier de police sur Bhavish Rosun, le jeudi 2 janvier. L’a-t-il fait dans un moment de panique ? S’agit-il de la légitime défense dans un réflexe de survie ou alors est-ce carrément un homicide, puisque les balles ont touché des points vitaux du jeune homme ?
Pour le tireur d’élite mauricien, Jean Bruneau Laurette, il s’agirait ni plus ni moins que d’un « homicide ». La raison de ce raisonnement ? « De mon point de vue, l’incident survenu à Henrietta paraît comme un homicide. Le policier a bien fait de tirer sur le présumé agresseur. Mais, il semblerait qu’il n’a pas laissé de chance de survie à la victime, étant donné les zones où les balles ont été logées », répond-il.
Aurait-il été exonéré de tout blâme s’il avait tiré sur d’autres parties du corps de l’assaillant ? Jean Bruneau Laurette est catégorique sur la question : « Pourquoi le policier n’a-t-il pas tiré une balle à la jambe ou encore au bras du présumé l’agresseur afin de l’immobiliser par la suite ? C’est clair qu’une balle à la jambe ou au bras aurait jeté la victime à terre. Au moins, le tireur aurait démontré son intention d’immobiliser le présumé agresseur. »
Se pourrait-il que le policier ait pensé avant tout à la sécurité de la maman et de ses deux enfants, de même qu’à celle de ses deux collègues vis-à-vis d’un agresseur armé d’un sabre ? « Tout dépend de la situation à laquelle le tireur était confronté. Il y a le fait que l’épouse, ainsi que les enfants étaient en danger de mort, entre autres », avance le tireur d’élite Jean Bruneau Laurette. Celui-ci, qui est expert en balistique, en combats à mains nues et en armes à feu, précise que « dans un réflexe de survie et afin de protéger tout le monde, le policier a ouvert le feu sur l’abdomen de Bhavish Rosun ».
Tirs de panique ?
Il enfonce davantage le clou pour le tireur : « J’insiste : le policier aurait pu tirer sur les points non-vitaux du présumé agresseur. L’angle de tir du tireur est déterminant. Il faut également analyser le positionnement du tireur au moment des faits, afin de savoir s’il s’agit bel et bien d’un homicide ou de la légitime défense. De par la nature des coups de feu, je suis d’avis que ce sont des tirs de panique, étant donné que le policier a réagi instinctivement à la situation. »
Mais encore ? « En gros, les balles sont éparpillées sur l’upper part of the body. Ce ne sont pas des tirs groupés vers une zone, où les balles se situent dans un rayon de 10 centimètres », poursuit le tireur d’élite.
Jean Bruneau Laurette souligne également qu’il est important de déterminer le degré d’insécurité auquel l’épouse et les présumés agresseurs, mais principalement le tireur, était confronté. « La proportionnalité est un facteur important à considérer, lorsqu’une personne ouvre le feu sur un autre individu. Si deux personnes avec une arme à feu en main s’affrontent, c’est une chose. Mais à Henrietta, le présumé agresseur avait un sabre à la main et le policier… une arme à feu », poursuit-il.
étant donné les zones où les balles se sont logées, des sources au niveau des Casernes centrales précisent que « la loi ne punit pas une personne qui blesse ou qui tue un individu lorsqu’il est en train de se défendre ».
Les Casernes : quatre règles cardinales
Ces coups de feu survenus à Henrietta font grand bruit aux Casernes centrales. Des hauts gradés basés au bureau du commissaire de police, Mario Nobin, ont été sollicités par téléphone et donnent des explications, en s’appuyant sur l’aspect légal qui régit la police dans l’utilisation d’une arme à feu.
« Il y a deux aspects à considérer dans cette affaire : la loi et les ordres administratifs », précisent nos interlocuteurs. « De l’aspect légal, la section 246 du Criminal Code (Homicide, Wounds and Blows in Self Defense) stipule que la loi ne punit personne qui blesse ou qui tue un autre individu en se défendant ou en défendant l’autrui ou ses biens. »
La section 108 des Standing Orders de la police, régit par la section 6 de la Police Act datée de 1974, est plus précise sur la question. Elle stipule « qu’un officier de police a le droit d’ouvrir le feu sur un individu, s’il se sent en danger ou s’il est confronté à des actes d’intimidation. »
Les policiers affectés à l’Emergency Response Service (ERS) de la force policière sont pourvus d’armes à feu semi-automatiques de marque Glock. « Il y a des ordres administratifs qui sont émis lors de l’utilisation de revolvers. Au sein de la police, nous nous basons sur le Plan, lorsque nous sommes appelés à ouvrir le feu sur un individu armé. C’est-à-dire la proportionnalité, la légalité, l’accountability et la nécessité », dit-on aux Casernes centrales.
En clair, un policier en service se doit-il impérativement de respecter ces quatre règles cardinales avant d’utiliser son arme ? Réponse d’un haut gradé : « Si le policier impliqué dans le coup de feu survenu à Henrietta arrive à expliquer qu’il a suivi ces quatre règles, il ne sera aucunement impliqué. Mais il doit aussi expliquer pourquoi les balles ont été logées dans les points vitaux du présumé agresseur. »
Shiva Coothen : « Il a fait son devoir dans l’exercice de ses fonctions »
Dans une déclaration à Le Dimanche/L’Hebdo, l’inspecteur Shiva Coothen, de la cellule de presse de la police, souligne que le tireur a agi « non seulement en légitime défense, mais également parce que la vie de trois personnes (Ndlr : l’épouse et ses deux enfants en bas âge) était en danger ».
Le tireur, poursuit l’inspecteur Shiva Coothen, n’a pas été arrêté et est déjà en fonctions. « La victime avait perdu le contrôle de tous ses sens et il n’était pas raisonnable. Le policier, qui n’avait d’autre choix que de sauver l’épouse et ses deux enfants, a fait son devoir dans l’exercice de ses fonctions. Il n’a pas commis d’homicide. L’important est le fait que le policier a essayé de ramener Bhavish Rosun à la raison à travers le dialogue et a lâché du Federal Streamer (FS), car la porte de la maison était bloquée », dit-il.
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