Ah, la politique mauricienne, cette pièce de théâtre où les rebondissements n’ont rien à envier aux meilleures séries télévisées. Attardons-nous sur l’élection d’Adrien Duval comme Speaker, qui peut être vue sous deux angles aussi tragi-comiques que révélateurs.
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D’abord, parlons de ce qui semble être le sport national préféré de la classe politique : la dynastie. On a eu un aperçu la semaine dernière. Face aux critiques de l’opposition, Xavier-Luc Duval est sorti de ses gonds pour menacer tous ceux qui s’en prennent à son fils Adrien. C’est vrai, la famille Duval a un héritage profondément enraciné au sein du PMSD, passant de sir Gaëtan à Xavier-Luc, et sans doute Adrien à l’avenir. Pourquoi ne pas renommer le Parti Mauricien Social Démocrate en Parti Mauricien Social Duval ? Après tout, la tradition se perpétue avec une telle ferveur qu’il serait dommage de ne pas l’honorer.
Mais attendez, ne soyons pas injustes. Le Mouvement Socialiste Mauricien (MSM) pourrait tout aussi bien être rebaptisé Mouvement Socialiste Jugnauth. Qui peut dire que ce ne sera pas un autre membre de la famille Jugnauth qui succédera à Pravind, lui-même héritier du leadership de son père, sir Anerood, d’autant plus qu’il y a le Sun Trust en jeu ? La dynastie est une affaire de famille après tout, tout comme les recettes de grand-mère.
Et que dire du Mouvement Militant Mauricien (MMM) ? Après Paul, pourquoi ne pas imaginer un autre Bérenger, nommément Joanna, prendre les rênes à la demande de la majorité des membres ? Cela pourra être le souhait d’un courant majoritaire au sein du parti du cœur pour ne pas perdre une partie des fidèles mauves. Nous pourrions alors tranquillement rebaptiser ce parti en Mouvement Militant Bérenger. Et hop, une autre dynastie de plus !
Quant au Parti Travailliste (PTr), ne serait-il pas judicieux d’anticiper qu’un membre de la famille Ramgoolam sorte du néant pour être propulsé à sa tête ? Après tout, certains sont allés chercher Navin Ramgoolam à Londres pour prendre le leadership occupé par sir Satcam Boolell après le retrait politique de sir Seewoosagur, le père de Navin. Alors, pourquoi ne pas directement renommer ce parti en Parti Ramgoolam ? Ce serait tellement plus simple et clair pour tout le monde.
UNE MALADIE HÉRÉDITAIRE
Ce n’est pas de la politique-fiction. C’est une tendance manifeste. Une dystopie dynastique déguisée en démocratie, avec une touche de soap-opera pour le plaisir des amateurs de drames familiaux.
Ah, la passion dynastique ! Cette maladie héréditaire qui coule dans les veines des membres de nos partis politiques. C'est fascinant de voir comment ils prêtent serment, non pas à une idéologie, non pas à un parti, mais à une personne. Oui, une seule personne, élevée au rang d’un leader suprême, infaillible et éternel.
Imaginez donc, ces valeureux soldats politiques qui, contre toute logique et raison, se battent bec et ongles pour garder leur leader sur son trône. Peu importe que ce dernier ait dirigé le parti vers deux, trois, voire quatre défaites électorales successives. Ah, mais qu'est-ce qu'une défaite électorale, après tout ? Un simple contretemps, une bagatelle !
Ils pratiquent l'art subtil de l'autruche avec une maîtrise sans pareille. La tête bien enfoncée dans le sable, ils refusent de voir la réalité. Et quand ils ne sont pas des autruches, ils se transforment en brebis dociles, suivant aveuglément leur berger, même si ce dernier les mène droit vers le précipice. Qui a besoin de clairvoyance quand on a une telle fidélité aveugle ?
Prenons le cas de ce bon Arvin Boolell et de ses compagnons rouges. Quelle hérésie ont-ils commise ? Ils ont osé, oui osé, envisager de prendre les rênes du Parti travailliste après le scandale des Rs 220 millions trouvées dans deux coffres-forts. Comment ont-ils pu ? Ne savent-ils pas que toucher au leadership sacré est un péché capital ? Leur audace leur a valu une expérience cauchemardesque, digne des plus sombres récits de l'enfer politique. Mais qu'importe, tant que la dynastie reste en place, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
QUAND « ROD LAGRATEL » DEVIENT UN ART
Le deuxième angle d’analyse nous plonge dans l’art du mauvais calcul politique. En politique, comme dans la vie, il ne faut pas bouger le mauvais pion. Nul besoin d’aller « rod lagratel », car on finit souvent par « ress grate mem ». En nommant Adrien Duval comme Speaker, le MSM et le PMSD ont probablement « rod lagratel ». Ils se sont attiré les foudres de l’opposition, une opposition qui se réveille de sa torpeur pour tirer à boulets rouges sur ce coup qui paraît maladroit. Sooroojdev Phokeer aurait pu être remplacé par quelqu’un d’autre, de préférence du giron orange.
En fait, c’est offrir sur un plateau d’argent une nouvelle énergie à une opposition qui était jusque-là plutôt léthargique. C’est un peu comme réveiller un lion endormi en lui chatouillant les moustaches avec une plume. Les résultats risquent d’être spectaculaires, et pas dans le bon sens pour ceux qui ont initié ce mouvement. Un meeting sur les menaces à la démocratie parlementaire sera d’ailleurs tenu le 11 août, histoire de mettre un peu plus d’huile sur le feu.
Ainsi va la politique mauricienne, où les dynasties familiales dictent les règles du jeu et où chaque faux pas est une opportunité pour l’opposition de se revigorer. Une cynique symphonie orchestrée par ceux qui prétendent servir le peuple mais ne semblent finalement qu’assurer la pérennité de leur propre héritage, avec en prime un spectacle digne des meilleures comédies.
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