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Coronavirus : la psychose se propage plus vite que l’épidémie

Coronavirus La classification de l’OMS est provisoire.

L’épidémie de coronavirus est désormais une « urgence internationale ». Décision prise le jeudi 30 janvier par l’Organisation mondiale de la santé après la réunion d’un comité d’experts. Le bilan à samedi s’élevait à 259 morts. Tous les pays ont renforcé leurs mesures de précaution pour éviter toute contamination. Maurice n’est pas en reste. Mais au-delà de la maladie elle-même, il y a la psychose qu’elle a engendrée et qui grandit au fil des jours. Le point sur la situation.

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Rapatriements, évacuations d’urgence, mises en quarantaine, renforcement des mesures de détection à l’aéroport et à l’aéroport… Les images de ces scènes dignes d’une apocalypse inondent le Web et les réseaux sociaux depuis que le nouveau coronavirus 2019-nCoV a été identifié début janvier. Près de 10 000 cas et 259 décès plus tard, le virus inquiète de plus en plus à travers le monde. Même si jusqu’à présent, le coronavirus est considéré comme étant moins fatal que le Middle East Respiratory Syndrome et le Severe Acute Respiratory Syndrome, la peur est là. Il semblerait même que la psychose se soit propagée bien plus vite que l’épidémie. Les commentaires sur les éventuelles causes de l’émergence du virus ont fusé de toutes part, dont certains sont jugés hautement discriminatoire et suscitent encore de vives réactions de la part des internautes.

Et Maurice dans tout cela ? Sommes-nous à l’abri ? Des experts indiquent que Maurice n’a rien à craindre. Contacté, le Dr Laurent Musango, représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Maurice appelle la population à ne pas céder à la panique. Il explique que le décret d’une urgence internationale a plusieurs implications, précisant qu’il s’agit d’une classification provisoire. Le Dr Laurent Musango concède que le danger est réel, mais il souligne que le risque de contamination à Maurice est faible, vu les mesures prises par l’Etat pour empêcher le virus d’atteindre l’île.

Avis partagé par le Dr Vasantrao Gujadhur, directeur du service de santé. « Pour évaluer les risques, il faut tenir compte de l’effet du virus, de sa vitesse de propagation et de la capacité d’un pays à le contenir. En ce qui concerne Maurice, il n’y a pas de risques », estime-t-il. De toute façon, poursuit-il, s’il arrive que le virus atteigne nos côtes, « nous sauront le contenir ». Il cite les mesures prises aux frontières, dont des équipements de détection et une route sécurisée (approuvée par l’OMS) pour acheminer les cas suspects vers le centre d’isolement de Souillac.

Il n’y a pas lieu de paniquer, selon le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal. Répondant à une question de la presse jeudi lors d’une visite à l’aéroport de Plaisance, il a expliqué que le virus n’est pas dans l’air. « Il se transmet d’un être humain à un autre. Il n’y a pas lieu de paniquer. » Le ministre s’appuie notamment sur le fait que le système de détection et d’isolement de Maurice est efficace et que toutes les précautions nécessaires ont été prises et ce, bien avant d’autres pays. « Il ne faut pas céder à la peur, car le virus n’est pas présent à Maurice », a fait comprendre le ministre de la Santé.

Le virus peut muter

  • Le taux de létalité des nouveaux coronavirus est estimé à 2 %, selon l’OMS. Celle-ci précise toutefois que le taux de mortalité peut changer, car un virus peut muter.
  • Le taux de létalité de la grippe saisonnière est, lui, inférieur à 0,01 %, tandis que le taux de mortalité lié au SARS était de 9,6 % et celui du MERS de 34,4 %.
  • Selon l’OMS, le 2019-nCoV est contagieux.
  • Chaque année, entre 300 000 et 650 000 personnes meurent dans le monde des complications liées aux virus de la grippe saisonnière.

Le Dr Vasantrao Gujadhur, directeur du service de santé : « Si le virus atteint nos côtes, nous pourrons le contenir »

Dr Vasantrao Gujadhur

À quel point le coronavirus est-il dangereux ?
Le virus en lui-même est comme tous les autres virus. Ce qui est dangereux, en revanche, c’est sa vitesse de propagation. Depuis le 9 janvier, plus de 7 000 personnes ont été infectées en Chine et sur chaque continent du globe. Il faut être prudent, même très prudent.

Peut-on le comparer au Middle East Respiratory Syndrome (MERS) et au Severe Acute Respiratory Syndrome (SRAS) ?
Pas pour le moment. Car il ne faut pas oublier que la Chine est en congé. Les activités reprendront ce lundi 3 février. Il y aura donc plus de mouvement et les risques de propagation augmenteront. Nous saurons alors vraiment à quelle vitesse se propage le virus.

Avons-nous les moyens nécessaires ici, à Maurice, pour le contenir ?
Absolument. Notre système de détection au port et à l’aéroport est efficace. Notre mode de quarantaine est approuvé par l’OMS. Toute est sous contrôle. Si le virus atteint nos côtes, nous pourrons le contenir, et ce rapidement.

Faut-il toujours envoyer les échantillons à l’étranger pour les analyses ?
À partir de lundi, nous pourrons faire les examens à Maurice. Nos virologues se rendent en Afrique du Sud pour récupérer des éprouvettes et avoir des informations sur les méthodes d’analyse. Nous calibrons l’appareil que nous possédons ce dimanche. Nous entamerons les examens ce lundi sur notre sol.


Coronavirus vs d’autres virus

Jusqu’à présent, le 2019-nCoV n’a pas surpassé les autres coronavirus en termes de taux de mortalité. Comparé au SARS qui a ravagé plusieurs pays en 2003, la propagation du 2019-nCoV est plus rapide mais moins mortelle. Le SARS, un coronavirus originaire de Chine, avait touché 29 pays, infecté plus de 8 100 personnes et tué 774 autres. Ce qui faisait un taux de mortalité de 9,6 %. Le MERS, qui a frappé la planète en 2012, a infecté 2 494 personnes et tué 858 autres, ce qui représente un taux de mortalité de 34,4 %. Dans la presse internationale, le directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, avait fait ressortir que la plupart des gens qui sont décédés des suites du nouveau coronavirus avaient d’autres complications de santé telles que l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires, entre autres.


Mauriciens en chine - Olivier : « Nous achetons la nourriture en ligne »

Alors que le plan d’évacuation de 11 étudiants et d’un enfant de Wuhan a été activé, d’autres Mauriciens se trouvent toujours dans d’autres régions de Chine. Qu’ils soient étudiants ou employés, certains préfèrent rentrer à Maurice. D’autres, en revanche, ne veulent pas prendre de risques, préférant rester là où ils se trouvent. Mais ils suivent la situation de près pour décider de la marche à suivre.  

À l’instar d’Olivier qui vit à Shanghai avec son épouse d’origine chinoise et leur fils de sept ans. Depuis que l’épidémie a éclaté et que la situation est devenue alarmante, ils ne sortent plus de chez eux. Même pas pour s’approvisionner en nourriture. « On préfère acheter en ligne auprès des supermarchés qui livrent à domicile », raconte le trentenaire.

Ne veut-il pas quitter la Chine, comme les Mauriciens de Wuhan ? Non, répond Olivier. Il se sent en sécurité à Shanghai. « Nous suivons de près tout ce qui se passe. Nous évitons de sortir pour ne pas prendre le risque d’être infectés. Nous en profitons pour passer de bons moments en famille », poursuit notre interlocuteur.

Olivier estime que ces deux prochaines semaines seront décisives. « Le virus a pu être isolé, mais il n’y pas encore d’antidote. Le processus est lent. Le gouvernement fait de son mieux pour gérer la situation », indique notre compatriote. Pour lui, la prolifération du virus fait peur, car on peut le contracter sans le savoir et infecter d’autres personnes. C’est pour cette raison qu’il préfère rester chez lui. S’il lui arrive de sortir, ce n’est jamais sans son masque.

Azib, un enseignant mauricien qui habite Nanning dans le Guangxi avec son épouse, affirme que les masques ne sont plus disponibles dans les pharmacies. « J’ai dû acheter trois masques à 150 yuans, soit Rs 750, avec un ami », dit-il. Les masques sont un « must », précise-t-il. Azib affirme toutefois que le gouvernement chinois prend toutes les mesures possibles pour protéger les gens. Selon Azib, afin d’assurer un meilleur contrôle, les autorités chinoises ont installé des caméras pouvant lire la température un peu partout.

« Pour savoir tout ce qui se passe, avec d’autres Mauriciens on a créé un groupe en ligne permettant d’avoir des échanges. C’est chaotique ici. Si la situation s’envenime, on pense retourner à Maurice », souligne-t-il. Ce qui l’inquiète c’est le nombre de cas qui ne cesse d’augmenter. « Chaque jour il y a une dizaine de cas recensés. Les gens ont peur. Les marchés grouillent de monde, alors que les étagères des supermarchés sont vides. Les gens évitent de sortir », soutient Azib, qui souligne que les cinémas et les clubs sont fermés.

Si certains comme Azib sont en mode « wait-and-see », d’autres ont aussitôt fait le choix de rentrer à Maurice. C’est le cas de Kavina, qui est âgée de 28 ans et qui étudie à Shanghai. Elle a pris l’avion jeudi de peur de ne pas pouvoir rentrer à Maurice, vu que des compagnies aériennes, dont Air Mauritius, ont suspendu leurs vols depuis la Chine. « Ma famille est inquiète. Elle préfère que je rentre. Au début je me sentais en sécurité. Mais le fait de ne pas pouvoir sortir et de voir que la situation empirer m’inquiète sérieusement », déplore la jeune femme. Pour ce qui est de ses cours à l’université, elle indique que la date de la rentrée a été repoussée et que l’université envisage de donner des cours en ligne.

12 Mauriciens évacués ce dimanche

Les 12 Mauriciens, soit 11 adultes et un enfant, bloqués à Wuhan, en Chine, ont été évacués de leur campus universitaire samedi. Selon le ministère des Affaires étrangères, ils ont été transportés à l’ambassade de France à Wuhan où ils ont subi des examens médicaux. Les 12 ressortissants mauriciens ont été contrôlés négatifs au nouveau Coronavirus. À samedi soir, ils se trouvaient déjà à l’aéroport de Wuhan et il était prévu qu’ils embarquent sur un vol pour Paris le dimanche 2 février 2020 aux petites heures. Une fois en France, ils seront placés en quarantaine pendant 14 jours avant de pouvoir regagner Maurice.

Avez-vous peur ?

Shalina AlwarShalina Alwar - Entrepreneur (29 ans), de Quatre-Bornes :

« Je suis inquiète puisqu’il s’agit d’un virus extrêmement contagieux et dangereux, voire mortel. Il pourrait encore muter et il deviendrait encore plus difficile à contenir. Je croise les doigts pour qu’il n’y ait jamais de cas confirmé ici. Je m’informe tous les jours sur l’évolution du coronavirus. J’essaie de protéger ma famille en m’informant sur les mesures de précautions à prendre. J’ai déjà acheté des masques à la pharmacie et du gel antibactérien pour mes proches et moi. Mieux vaut prévenir que guérir. »


Lindley MorvanLinley Morvan - Âgé de 26 ans et habitant Beau-Bassin :

« Je ne panique pas vraiment, mais je reste attentif. Je surveille la situation de près. Je lis des journaux à ce sujet tous les jours. Il est vrai que cela me fait peur de voir le nombre d’infections doubler chaque jour. Je pense que les autorités mauriciennes auraient dû suspendre les vols vers et depuis la Chine plus tôt. À Maurice, vous attrapez un rhume toutes les deux semaines. J’espère que nous n’allons pas tomber dans la paranoïa. De mon côté, je suis les recommandations de l’OMS. Je me lave les mains régulièrement. Je me couvre la bouche quand je tousse ou que j’éternue. »


Asmaa ChummunAsmaa Chummun - Âgée de 19 ans et habitant Notre-Dame :

« Ce nouveau coronavirus se répand comme un feu de forêt. Impossible de passer une journée sans en entendre parler. Les informations présentées ici sont si différentes que le public est incapable de mettre le doigt sur la véritable cause. Pour la majorité, le « coronavirus » n’est qu’un nom fantaisiste donné à une maladie qui a pris naissance à Wuhan. »


Anisha SuffeeAnisha Suffee - Juriste (29 ans), de Coromandel :

« La situation est alarmante.  Ce qui est bien c’est que l’Australie soit parvenue à répliquer le virus en laboratoire. Cela donne de l’espoir qu’un vaccin puisse être créé. Maurice a pris quelques bonnes mesures, mais tardivement.. Mais cela suffit-il ? Avons-nous les bons outils ? Qu’en est-il de la façon dont les gens ont été mis en quarantaine ? Il y a un masque particulier qui doit être utilisé. Le personnel médical en a-t-il été informé ? La possibilité que le virus apparaisse à Maurice à tout moment est là. Nous devons juste prendre nos propres mesures de précaution. »


Ali NuchchadyAli Nuchchady - Âgé de 26 ans et habitant Beau-Bassin :

« C’est une situation stressante. Nous avons déjà huit cas suspects de coronavirus sur l’île. Ce n’est qu’hier (mercredi 29 janvier ; NdlR) qu’Air Mauritius a décidé de suspendre tous les vols vers et en provenance de la Chine. Je suppose que c’est parce que les touristes chinois contribuent grandement à notre industrie touristique. »


Malini SevunthanaMalini Sevunthana - Âgée de 49 ans et habitant Chemin-Grenier :

« Je ne me fais pas trop de soucis pour l’instant. Les autorités prennent les mesures nécessaires et aucun cas n’a été détecté jusqu’à présent. En sus de cela, les vols provenant de la Chine et allant vers la Chine ont été suspendus. Cela me rassure. Mais si cette épidémie atteint nos côtes, je serai définitivement inquiète. Notre population est petite et d’après les informations qui circulent, ce nouveau coronavirus se propage à une vitesse alarmante. Si un remède ou un vaccin n’est pas trouvé, Maurice sera d’autant plus vulnérable. »

 

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