Live News

COP26 à Glasgow : les enjeux pour Maurice

Les premiers à souffrir sont les petits États insulaires, qui subissent les impacts, comme les inondations.

Présidée cette année par le Royaume-Uni, la COP26 se tient à Glasgow (Écosse) du 31 octobre au 12 novembre 2021. Étant un petit État insulaire, Maurice est à risque quant aux aléas du changement climatique. 

Publicité

L’océanographe et ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo considère que les enjeux sont multiples pour Maurice à la COP26. Selon lui, les grands pays sont les principaux émetteurs de carbone. « La Chine, les États-Unis et l’Inde ont pris l’engagement de réduire les gaz à effet de serre. Or, la Chine atteindra le pic en 2030 et ne sera pas carboneutre avant 2050 à 2060. Face à l’urgence climatique, ce sera trop tard. Il faut que Maurice fasse pression pour que ces pays s’engagent », affirme-t-il.

Selon lui, c’est le moment où le pays doit mener un groupe pour prendre la parole, car il subit les impacts. Le Brésil, l’Inde et l’Indonésie l’ont fait en 1961 avec le mouvement des non-alignés par rapport au changement climatique. « Mais les grands pays vont malheureusement  se servir de la pandémie comme prétexte. C’est l’économie bleue et verte qui doit primer, mais c’est l’économie classique qui aura le plus d’importance », estime-t-il.

Trouver des fonds pour décarboniser 

« La conférence ne sera pas un succès, contrairement à la COP21, à Paris avec l’engagement d’une réduction de 1,5 à 2 degrés. Là, on se dirige vers une catastrophe climatique. Les premiers à souffrir sont les petits États insulaires qui subissent les impacts, comme les  inondations », ajoute Vassen Kauppaymuthoo. Il dit craindre que Maurice ne se fasse pas entendre.Si le pays ne peut obtenir un engagement politique international, il faudrait recevoir un soutien financier du Green Finance Fund. Ces fonds serviront à minimiser les changements climatiques et à s’y adapter.  « On doit se préparer et se mobiliser pour s’adapter aux impacts inévitables », indique-t-il. L’océanographe précise que Maurice souhaite atteindre 60 % d’énergie renouvelable d’ici 2030. Pour cela, il faut trouver des fonds pour décarboniser. Il souligne aussi que l’adaptation au changement climatique coûte cher, car il faut relocaliser la population ou encore planter des mangroves. 

Incohérence de Maurice

La militante écologiste Adi Teelock concède que les enjeux sont énormes. Pour elle, si les plus grands émetteurs ne s’engagent pas à tenir  parole, les populations des petits États insulaires subiront les effets catastrophiques du réchauffement climatique. Toutes les sphères de la vie et de l’économie sont concernées.

« L’Offshore Petroleum Bill n’est pas une priorité. Si ce projet de loi est voté, il favorisera l’aggravation du réchauffement climatique et aura d’autres conséquences néfastes, anéantissant tous les efforts passés, présents et futurs pour lutter contre le changement climatique et ses effets. c’est une incohérence d’aller à la COP26 plaider l’obtention de dizaines de milliards de roupies pour combattre le changement climatique et, en même temps, parler de pétrole », s’insurge notre interlocutrice. 

La priorité pour le gouvernement, selon elle, est de venir avec un plan de transition énergétique pour respecter ses engagements à la COP26, que sont un pays zéro-charbon et 60 % d’énergie renouvelable d’ici 2030. « Il faut aussi mettre en œuvre une stratégie d’ensemble pour bâtir la résilience du pays, comme un aménagement du territoire. Les priorités sont d’interdire toute construction près de la mer, protéger les bassins versants, garantir la disponibilité de terres pour la production d’énergie renouvelable à partir de biomasses et pour la reforestation, transcrire un plan de construction d’un système de drainage des eaux de pluie sur tout le territoire », ajoute Adi Teelock.

Une autre priorité, selon elle, est le climate-proofing des secteurs d’activités. C’est-à-dire que toutes les politiques sectorielles, stratégies, plans et actions des secteurs public et privé doivent prendre en compte le changement climatique. « Toute construction d’infrastructure, y compris routières et celles du Metro Express, doit impérativement démontrer qu’elle est climate-resilient. À ce sujet, les Nations unies ont publié un récent rapport. Il révèle que les infrastructures sont responsables de 79 % des émissions des gaz à effet de serre et de 88 % des coûts d’adaptation. Elles invitent ainsi les états à effectuer un changement radical dans la planification et la gestion de ce secteur », fait remarquer la militante écologiste.  

Durant la COP26, les dirigeants vont faire le point sur leurs actions climatiques et les nouveaux engagements par rapport à l’Accord de Paris. C’est ce qu’indique Shaama Sandooyea, activiste pour le climat et biologiste marine. Cet accord, rappelle-t-elle, se focalise sur deux principaux objectifs :  
Réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour que nous limitions l’augmentation de la température de 1,5 degré Celsius d’ici 2100.
Appuyer les petits États insulaires et en développement, afin qu’ils puissent s’adapter face à la crise climatique.

Et de souligner que, jusqu’à présent, aucun pays, inclus Maurice, ne respecte ses engagements, d’où l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et une augmentation prévue des températures.

Petroleum Bill : à l‘encontre de l‘accord de Paris

« Nos dirigeants ne sont pas à la hauteur de la crise climatique. Ils se feront passer pour des victimes de la crise climatique – certes, c’est vrai - et mendieront pour bénéficier des fonds pour le climat. Même si le pays peut en tirer profit, cela ne fera aucune différence, car ces fonds ne seront pas utilisés à bon escient. Notre gouvernement perd toute sa légitimité, avec la présentation récente du Offshore Petroleum Bill au parlement. Un projet de loi qui va à l’encontre de l’Accord de Paris. Qui donc financerait un État participant à sa propre destruction ? » se demande-t-elle, ajoutant que c’est un sujet à suivre de près. 

Zaheer Allam, urbaniste, est le président du National Youth Environment Council. Il pense que la COP26 sera extrêmement importante, compte tenu des urgences soulignées de l’action climatique. 

« Il est vrai que nous lisons des nouvelles contrariantes. Par exemple, on a appris que certains grands pays pollueurs n’ont pas pour objectif de décarboniser au niveau requis. Nous apprenons aussi comment le financement de 100 milliards de dollars, promis via l’accord de Paris de 2015, ne sera actualisé que d’ici 2023. Or, ce financement est vital, même s’il ne suffira pas. Nous aurons besoin de davantage de fonds pour financer des programmes d’atténuation climatique. », indique notre interlocuteur, rempli d’espoir. 

Au-delà des objectifs mondiaux, Zaheer Allam pense qu’il appartiendra aux régions et aux pays individuels de trouver des solutions adaptées au contexte. « Il serait intéressant d’investir dans l’accélération de la vitesse d’innovation pour des produits verts qui peuvent être exportés (savoir et produits) vers d’autres zones géographiques, vers les pays tropicaux (40 % de la population mondiale), qui sont confrontés aux mêmes défis. Cela fournira au secteur privé une base de demandes beaucoup plus large avec un retour sur investissement plus rapide », ajoute-t-il.

Et l’urbaniste de conseiller : « Il sera essentiel de placer la transition verte au cœur des politiques économiques. Cependant, ils doivent être soigneusement élaborés afin d’encourager une saine participation du secteur privé. Et ce pour atteindre des objectifs communs, où le bénéficiaire final ne se mesure pas en bénéfices monétaires, mais en une qualité de vie accrue », conclut-il. 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !