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Contrat « résilié dans l’intérêt public » en février 2015 : le gouvernement devra payer des dommages de Rs 1,8 Md

Vue aérienne du site qui était réservé à Neotown, et qui a par la suite été attribué à Landscope (Mauritius) Ltd, dans son état actuel.
  • La compagnie indienne Patel Engineering avait porté l’affaire devant un tribunal d’arbitrage international

Le 12 février 2015, le ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo, entouré du ministre du Logement Showkutally Soodhun et du ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain, alors en poste, annonçait devant la presse la résiliation « sans aucune négociation » du contrat avec la compagnie indienne Patel Engineering. Il s’agissait d’un bail de 99 ans pour 58 arpents à Les Salines, Port-Louis, accordé en 2008 pour le projet Neotown, moyennant un loyer annuel de Rs 15 millions.

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Showkutally Soodhun avait précisé que « s’il faut que nous compensions l’entreprise pour ses investissements, qui s’élèveraient à Rs 250 millions, le gouvernement le fera. Mais qu’elle vienne le prouver ». Neuf ans plus tard, à un mois près, le gouvernement se retrouve, suite à une décision arbitrale à l’international, condamné à payer une compensation de plus de Rs 1,8 milliard en plus des pénalités et intérêts dont le montant exact reste encore à définir.

À l’époque, le gouvernement s’était appuyé sur l’article 14(c) du bail pour résilier le contrat « dans l’intérêt public ». L’intention mise en avant était qu’il fallait ce terrain pour développer le port de Grande-Rivière à Baie-du-Tombeau, en 15 ans seulement, pour faire de Port-Louis « un des ports les plus modernes de la région », disait Vishnu Lutchmeenaraidoo. Le montant du bail n’était pas en faveur du gouvernement.

Patel Engineering a porté l’affaire devant un tribunal arbitral international. Le jugement est tombé durant les derniers jours de l’année dernière. Dans une correspondance officielle à la Bombay Stock Exchange Ltd et à la National Stock Exchange of India Ltd, Kavita Sanjiv Shirvaikar, directeur et Chief Financial Officer de Patel Engineering Ltd, qui est cotée à la Bourse indienne, informe qu’un « tribunal arbitral international a publié un Avis Final Partiel en faveur de la société pour la résiliation abusive et l’expropriation du bail de terrain à sa filiale à Maurice, pour un montant de 1,35 milliard de roupies mauriciennes en février 2015 (équivalent à 40,225 millions de dollars américains en février 2015), plus des intérêts au taux PLIBOR + 2 % jusqu’au paiement. La décision sur les frais a été réservée ».

Et de préciser que « sous réserve de tout recours contre la décision et des procédures d’exécution, déduction faite des coûts de financement des procédures d’arbitrage et des procédures judiciaires, la société aura droit au reste du montant accordé ». Au taux de change du jour, USD 40,225 millions équivaut à Rs 1,8 milliard et des poussières.

Le taux PLIBOR qu’évoque Kavita Sanjiv Shirvaikar est le Port Louis Interbank Offered Rate qui est basé sur le taux des contributions des banques membres du Port Louis Automated Clearing House. Actuellement, le taux PLIBOR est de 3,49 %.

Rajesh Bhagwan : « Un autre coup de marteau sur la tête de la population »

« C’est un autre coup de marteau sur la tête de la population. Quand on prend des décisions à la va-vite par vengeance politique, comme ça a aussi été le cas pour Betamax, voilà les conséquences. La population prend note », réagit Rajesh Bhagwan, secrétaire général du MMM. 

Neotown : histoire d’une longue saga

Le projet allait redessiner le front de mer de Port-Louis. Le projet de Patel EngineeringLtd, baptisée Neotown, devait créer 10 000 emplois permanents et allait voir la construction d’hôtels, centres commerciaux, appartements et autres pour un investissement total estimé à Rs 15 milliards. Invité d’honneur à la cérémonie de pose de première pierre, Navin Ramgoolam,alors Premier ministre, déclarait que « cette nouvelle agglomération intégrée sera l’élément qui propulsera Port-Louis, comme la capitale de l’océan Indien. Et, dans la foulée, boostera le développement de Maurice tout entier ».

Rupen Patel, le directeur général de Patel Engineering Ltd, affirmait que son entreprise comptait transformer Port-Louis en « capitale commerciale de l’océan Indien ». Mais, hormis la pose de la première pierre, il n’y a guère eu autre chose sur le site dédié à Neotown. Pour l’opposition de l’époque, l’affaire était teintée de soupçons de maldonne.

En réponse à une question parlementaire de Rajesh Bhagwan, secrétaire-général du MMM, le 9 avril 2013, le ministre du Logement et des terres d’alors, Abu Kasenally, devait laissait entendre que le projet était suivi de près par un comité de Suivi conjoint comprenant des représentants de son ministère et d’autres autorités pertinentes, car effectivement le projet piloté par Les Salines Development Ltd, filiale mauricienne de Patel Engineering Ltd, n’avançait pas aussi vite que prévu.

Pas de réaction pour le moment du côté du gouvernement

Au niveau du gouvernement, l’on ne va pas réagir dans l’immédiat. Contactée officiellement, une source autorisée rattachée au Bureau du Premier ministre devait indiquer qu’une réaction viendra probablement la semaine prochaine. Du côté de Maneesh Gobin, Attorney General, c’est aussi motus et bouche cousue pour l’instant. Contacté via son WhatsApp personnel, via ses gardes du corps et via un de ses conseillers, le ministre Gobin n’a pas réagi. 

L’Icac sur le dossier

Le 11 février 2015, à l’annonce de la résiliation du bail, le ministre de la Bonne gouvernance d’alors, Roshi Bhadain, devait affirmer que certains aspects du contrat avaient été refilés à l’Independent Commission Against Corruption pour enquête sur des soupçons de maldonnes. À ce jour, il n’y a eu ni interpellation ni condamnation.

Exit Neotown, enter Les Salines Waterfront

Lorsque le projet Neotown a été enterré, le gouvernement est venu avec un autre projet sur le terrain qui lui était réservé. Piloté par Landscope (Mauritius) Ltd, il s’agissait de faire sortir de terre une nouvelle ville moderne et attractive aux touristes et Mauriciens. Une « request for proposals » a été lancé le 4 mars 2020 par la compagnie d’État. La première phase concernait l’aménagement de 50 arpents, morcelés en 25 lots, tandis que des travaux d’infrastructures pour Rs 400 millions devaient être financés par Landscope (Mauritius) Ltd. Ici aussi, les promoteurs auraient droit à un bail sur 99 ans. Dans le concret, il n’y a toujours rien, mis à part le Port-Louis Cruise Terminal inauguré le 11 décembre dernier par le Premier ministre. 

Arvin Boolell : « Le MSM et ses alliés devraient payer »

« Voilà les conséquences d’une vengeance politique », lance Arvin Boolell. Il y a trois aspects dans cette condamnation, à savoir diplomatique, légale et politique, dit-il. « Comme pour l’affaire Betamax où la STC a payé près de Rs 6 milliards pour résiliation injuste du contrat, ce sont les contribuables qui doivent une fois de plus encourir les frais. C’est un gouvernement qui doit assumer ses responsabilités pleinement. C’est le MSM et ses alliés qui devraient payer pour ce qu’ils ont fait. » Arvin Boolell précise que Patel Engineering Ltd est une compagnie originaire du Gujarat, l’État indien dont Narendra Modi, aujourd’hui Premier ministre de l’Inde, était le Chief Minister. « Le gouvernement indien ne voit pas cela d’un bon oeil. Il y a une dimension diplomatique. C’est un traitement infligé à une compagnie indienne listée sur beaucoup de bourses internationales. Et quand on parle de contrat, il y a des conditions attachées et l’on a empêché un développement qui aurait valorisé Port-Louis qui serait aujourd’hui devenu un phare de la région. Ceux qui ont pris cette décision doivent fournir des explications. »

 

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