Après une période de stabilité, les prix des produits alimentaires de base repartent à la hausse. Quelles sont les raisons de cette augmentation ? Les mesures annoncées dans le prochain Budget inverseront-elles la tendance ? Le point.
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Les consommateurs se retrouvent de nouveau à devoir se serrer la ceinture lorsqu’ils font leurs courses dans les grandes surfaces. Depuis quelque temps, plusieurs produits, notamment les denrées alimentaires de base, ont vu leurs prix grimper. À titre d’exemple, le poulet surgelé est passé de Rs 243 en moyenne en janvier à Rs 252 actuellement, soit une augmentation de Rs 9. Le sachet de lentilles noires est passé de Rs 30 à Rs 33. De même, d’autres produits coûtent également plus cher. Cela inclut notamment le riz, les pâtes, le thé, les produits laitiers, et l’huile comestible, entre autres.
Ce qui explique l’augmentation des prix
Coût du fret en hausse
Le porte-parole de la Consumers’ Eye Association (CEA), Claude Canabady, est catégorique. Selon lui, il n’y a pas de doute que la hausse du coût du fret contribue principalement à l’augmentation des prix des produits importés. « J’estime que c’est le facteur le plus important », confie-t-il. C’est ce qu’affirme également Alain Saverettiar, directeur général de King Savers. « La hausse du coût du fret est un facteur qui est hors de notre contrôle », dit-il. Le directeur de Topodom, Dominique To, abonde dans le même sens. « Déjà, le fret a été revu à la hausse en cette période de haute saison. Maintenant, avec le manque de bateaux et les retards sur les arrivées, le coût demeure encore plus élevé », explique l’importateur.
Le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (Acim), Jayen Chellum, pour sa part, est d’avis que les commerçants utilisent le coût du fret comme prétexte pour faire de bonnes affaires. « Pendant le confinement, nous savons tous que le fret avait grimpé. Mais avec la reprise des activités maritimes, le fret avait baissé. Cependant, les prix des produits importés n’ont pas connu de baisses », explique-t-il. Ce dernier estime que le gouvernement doit intervenir et prendre des actions lorsqu’il y a des abus.
Conflits géopolitiques
Claude Canabady rappelle que la guerre russo-ukrainienne a provoqué une perturbation énorme dans l’approvisionnement de certains produits alimentaires, ce qui avait éventuellement fait grimper les prix. « De la même manière, je pense que d’autres conflits récents au Moyen-Orient, notamment en Israël, Palestine et Iran, ont mené à des augmentations des prix au niveau mondial », explique notre interlocuteur. Jayen Chellum abonde dans le même sens. « Nous achetons pas mal de produits du Moyen-Orient, notamment du blé et des grains secs. Ainsi, nous serons certainement affectés lorsqu’il y a des conflits dans cette région », dit-il. Pour sa part, Dominique To affirme que les répercussions des conflits internationaux sont inévitables sur Maurice.
Dévaluation de la roupie
Le directeur de Topodom indique que la dévaluation de la roupie contribue grandement à la hausse des prix. Un avis que partage le porte-parole de la CEA. « La dévaluation continuelle de la roupie vis-à-vis du dollar est l’un des principaux facteurs qui explique la hausse des prix », soutient-il. Le dollar, poursuit-il, vaut plus de Rs 47 actuellement comparé à 2014 quand la valeur était de Rs 30. De son côté, Jayen Chellum avance que la plupart des produits de consommation sont importés. « Donc, naturellement, on paiera plus cher pour ces produits si la valeur de notre monnaie est faible », déplore-t-il.
Manque de contrôle sur les prix
Le secrétaire général de l’ACIM affirme que même s’il y a des « mark-up » appliqués sur certains produits de base, les prix ne sont pas déterminés par le ministère du Commerce. « Ce sont les importateurs qui calculent les prix en leur faveur et envoient au ministère pour l’autorisation », dit-il. De ce fait, Jayen Chellum estime qu’il n’y a pas vraiment de contrôle sur les prix. « Au lieu d’imposer un mark-up, ce serait plus approprié si le gouvernement déterminait et fixait les prix pour certains produits de base », suggère-t-il.
Quelle sera la tendance dans les semaines voire les mois à venir ?
- Claude Canabady : « Je veux être optimiste, mais je ne vois que d’autres augmentations dans un avenir proche. La raison est claire : une roupie faible sera toujours d’actualité. »
- Jayen Chellum : « Je pense que les prix vont continuer à augmenter. Si le gouvernement n’a rien fait depuis ces années pour faire face à la hausse des prix, je ne pense pas qu’il fera grand-chose dans un avenir proche. »
- Alain Saverettiar : « Par expérience, je peux dire que les baisses de prix sont rarement répercutées de manière significative par les producteurs. »
- Dominique To : « Les prix vont continuer à augmenter. D’ailleurs, les fournisseurs ont déjà annoncé et communiqué les nouveaux prix qui sont plus élevés. »
Des mesures pour alléger le fardeau des consommateurs attendues
Les attentes des Mauriciens sont grandes pour le prochain budget, qui sera présenté dans une année marquée par les élections générales. Claude Canabady estime que dans un contexte électoral, des mesures financières peuvent être annoncées pour alléger le fardeau des consommateurs. Toutefois, il est d’avis que cela peut être une solution temporaire. « Avec une roupie faible, à long terme, ce sera toujours la même tendance. C’est-à-dire, les prix seront en hausse de nouveau », dit-il. Pour lui, il faudra des mesures plus percutantes pour vraiment renverser la tendance. Jayen Chellum ne dira pas le contraire. Selon lui, fournir des allocations ne résoudra pas le problème. « Avec les conflits internationaux qui persistent, toute compensation donnée ne sera pas suffisante pour compenser la perte du pouvoir d’achat », martèle-t-il. Selon lui, des mesures concrètes, telles que le contrôle des prix, sont nécessaires. Cependant, Dominique To affirme qu’une large gamme de produits est déjà contrôlée. « Hormis les produits alimentaires, on compte désormais des couches pour bébé et pour adultes et des serviettes hygiéniques, entre autres », dit-il. Cependant, il avance que le problème reste entier. « En effet, le gouvernement n’a pas de contrôle sur les facteurs externes, notamment le coût du fret », dit-il.
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