Le nombre de jeunes toxicomanes admis dans les hôpitaux et autres centres de traitement donne froid dans le dos. Les chiffres ont été révélés, mardi, à l’Assemblée nationale, par Kailesh Jagutpal, ministre de la Santé. Les travailleurs sociaux lancent un cri d’alarme.
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479 ! C’est le nombre de jeunes âgés de moins de 20 ans qui ont été admis dans les hôpitaux et les centres de traitement et de réhabilitation des toxicomanes de janvier 2020 à juin 2023. Ces chiffres, révélés par le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, lors de la séance parlementaire de mardi, à la suite d’une question du député du Mouvement militant mauricien (MMM) Franco Quirin, interpellent à plus d’un titre. Malgré les arrestations effectuées par les forces de l’ordre et les millions de roupies injectées annuellement dans les campagnes antidrogue, cela n’a en rien changé quant à l’exposition des jeunes à ce fléau. Les travailleurs sociaux et les pédagogues constatent un échec cuisant des efforts des autorités visant à décourager l’usage de la drogue chez les Mauriciens.
« C’est un fait indéniable que les jeunes n’ont plus de respect pour les parents », affirme José Ah-Choon, ancien directeur du Centre d’accueil de Terre-Rouge (CATR) et travailleur social expérimenté. Selon lui, « il est essentiel de tout reprendre à zéro dans la lutte contre la drogue ». « La situation est difficile à gérer, la lutte contre la drogue est un échec total. La drogue fait des ravages dans le pays. Les autorités sont dépassées et des familles sont détruites. Certains parents renoncent à leurs responsabilités face à cette colère et à cette tristesse. ‘Ena zanfan koz pli for ki zot paran e bann paran per pou koriz zot. Tou inn devir anbalao’ », déplore-t-il.
Selon José Ah Choon, « les jeunes sont de plus en plus attirés par les drogues mélangées. ‘Sa bann ladrog-la pe fer lespri vir anbalao. Nepli ena reper. Ena pe vinn zonbi ar sa’ ! » Pour combattre ce fléau, il est essentiel de changer toutes les données et de revoir tout le système en profondeur. La sensibilisation doit commencer dès le préscolaire, ajoute-t-il. « Il est également nécessaire de relancer les campagnes de sensibilisation dans les quartiers », propose l’ex-directeur du CATR.
« Cela fait plus de 15 ans que nous lançons des signaux d’alerte », souligne, de son côté, le travailleur social Sam Lauthan. Il a été l’un des assesseurs de la Commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. Selon Sam Lauthan, « boukou zenes koumans droge depi koumansman ladolesans ».
« Le ‘turning point’ est atteint à 13 ans. C’est un gros problème. La drogue n’est pas le seul fléau, il y a aussi le vagabondage. Mais comment aborder ce problème ? »
Il est d’avis qu’aucun pays au monde ne pourra éradiquer complètement la mafia de la drogue. « C’est une bataille inégale, mais pas une bataille perdue. Il faut commencer par sensibiliser les parents sur le problème de la drogue et ses ravages dans la société. Il est nécessaire de revoir nos programmes scolaires, du primaire au tertiaire. Les chefs religieux doivent également être sensibilisés. Ils doivent véhiculer des messages de prévention », suggère Sam Lauthan.
Concernant les ONG, il déplore que certaines ne sont pas suffisamment alertées sur la question de la drogue et de ses conséquences. « Certaines ONG doivent revoir leur approche », constate Sam Lauthan.
Le rajeunissement des jeunes consommateurs de drogue est un phénomène présent dans la société depuis une dizaine d’années, fait valoir Danny Philippe, chargé de plaidoyer auprès de l’ONG DRIP (Développement-Rassemblement-Information et Prévention). « Les chiffres officiels, qui remontent à 2016-2017, démontrent que des enfants de 10 ans sont également des consommateurs de drogue », fait-il remarquer.
Cela lui fait dire qu’il est essentiel de commencer la prévention dès le plus jeune âge. « Il faut prôner une sensibilisation holistique intégrée. », Échec des divers programmes
En ce qui concerne la prévention de la consommation de drogue, le National Drug Control Master Plan (NDCMP) a révélé que les parties prenantes impliquées travaillaient souvent de manière cloisonnée, sans véritable vision partagée, planification conjointe, coopération ou coordination. Les activités menées étaient souvent ponctuelles, sans suivi ni évaluation de leur impact. C’est ce que souligne le dernier rapport de performance du bureau de l’Audit intitulé « Enhancing the effectiveness of interventions related to drug demand and harm reduction ».
Le document met également en évidence l’absence de méthodologie standardisée pour la prévention des drogues ciblant des groupes d’âge spécifiques. « Pour combler cette lacune, il est nécessaire de développer un programme national standardisé de prévention de la consommation de drogue afin de guider les activités de prévention », conclut le rapport.
En 2020, 44 décès liés à la drogue ont été recensés. Quatre victimes étaient avaient entre 15 et 19 ans. En 2021, six décès ont été répertoriés parmi les consommateurs de drogue de la tranche 18 à 24 ans. Selon une enquête nationale menée en décembre 2021, l’âge moyen des toxicomanes était de 30 ans.
En avril 2022, les programmes et activités de prévention par la Harm Reduction Unit (HRU) n’étaient pas accompagnés d’un volet de suivi et d’évaluation. L’inclusion de ce volet aurait assuré leur alignement sur les bonnes pratiques et permis de garantir que les programmes étaient adéquats et efficaces pour prévenir la consommation de drogues, notamment parmi la jeune population.
Le rapport de l’Audit met aussi en exergue le fait que depuis 2016, le ministère de l’Éducation mène des programmes de prévention au niveau des établissements d’enseignement avec l’aide de l’Anti-Drug and Smuggling Unit et des ONG.
Les normes internationales concernant la prévention de l’usage de drogues (2015) ont précisé que les méthodes d’enseignement non interactives et les séances de dialogue non structurées n’avaient pas donné de résultats positifs dans la prévention de la consommation de drogues chez les enfants.
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