Ce mardi 2 juillet, Jody Bechtold interviendra sur l’addiction liée au jeu lors de la conférence « Bringing hope to those struggling with drugs, sex and gambling addictions ». Cet événement, qui prend fin mercredi, est une initiative de l’ONG Beacon of Hope et du Père Jocelyn Grégoire en collaboration avec le Défi Media Group.
Machines à sous, loteries, loto, casinos, cartes à gratter, paris sportifs et hippiques… Un petit plaisir peut-il virer à l’addiction aux jeux d’argent ? « Oui, surtout lorsqu’on est dans une société de jeu très active. Face à cette problématique, il est primordial d’éduquer les joueurs, qu’ils soient occasionnels ou en difficultés afin qu’ils jouent de façon responsable », explique Jody Bechtold. Cette assistante sociale clinique agréée accompagne depuis 15 ans des victimes d’addiction liée au jeu. Elle est la directrice générale du Better Institute, à Pittsburgh, États-Unis. Cette rencontre avec les professionnels, les paraprofessionnels et les universitaires à Maurice revêt toute son importance, dit-elle. Car cette initiative permettra l’identification d’un modèle pratique en partenariat intersectoriel incluant législateurs, opérateurs de maisons de jeu, entre autres, visant à éliminer les signes avant-coureurs de l’addiction au jeu.
« Nous savons qu'il y a beaucoup de psychologie derrière la conception des jeux. C’est ce qui fait que les gens continuent à jouer. L’addiction commence souvent de manière inconsciente. Elle active certaines parties du cerveau faisant que les victimes ne se fixent aucune limite en termes d'argent, de temps et d'accès au jeu. Si on les éduque et on leur offre une ligne d'assistance ou quelqu'un à qui parler, ils pourront jouer de façon responsable ou décider de ne plus y toucher. »
Souvent, les femmes ont tendance à faire ce que nous appelons du « Escape Gambling ». Elles jouent aux machines à sous pour échapper aux problèmes de la vie. Mais encore pour élever leur statut socio-économique, explique Jody Bechtold. « Certaines le font car elles ont besoin de s’échapper du stress de la vie familiale ou des multiples boulots qu’elles font au quotidien. Nous avons aussi celles qui ont de gros problèmes financiers. Dans certains cas, il y a des mères qui peinent à subvenir aux besoins de leurs enfants. Il y a aussi celles qui subissent des traumatismes (abus et violence domestique, entre autres) », dit-elle. Et d’affirmer toutefois que les hommes sont généralement accros aux jeux sportifs par soucis d’égo et de réputation. « Différents types de jeu attirent les genres de manière disproportionnée », dit la clinicienne.
Quid des dangers liés au jeu ?
« Il y a des problèmes physiques, le suicide mais encore une dévastation financière et familiale », affirme Jody Bechtold. Et le jeu pathologique conduit-il à d’autres addictions ? « La personne qui joue va fumer et boire de l’alcool en même temps. Comme les mêmes régions du cerveau sont touchées, elles sont plus vulnérables à la dévastation ». Et de conclure qu’il ne faut pas parler des addictions au jeu à la légère. Jody Bechtold indique qu’une « approche multi-phases par toutes les parties prenantes est nécessaire pour la sensibilisation de la population en général. »
Dr James K. Matta : «Ne traitez pas ce que vous ne savez pas»
Le Dr James K. Matta a travaillé au Centre de recherches en tant que chercheur principal sur l'alcoolisme des adolescents de Pittsburgh (PAARC). Ce dernier est affilié au Western Psychiatric Institute & Clinic et au Centre médical de l'Université de Pittsburgh. Le PAARC a été le premier centre de recherches aux États-Unis conçu pour améliorer la compréhension de la structure, du développement et des conséquences des troubles liés à la consommation d'alcool chez les adolescents.
L’expert en addiction liée aux substances a axé sa présentation sur « Understanding the Mysteries of Human Behaviour ». Il a évoqué les raisons pour lesquelles les jeunes disent avoir recours aux substances, à savoir : pour se détendre, se sentir heureux, parce qu’ils aiment l’effet de buzz, pour combattre la dépression, pour se faire des amis, pour être confiant et pour passer du bon temps, entre autres. Il a également donné un aperçu des impacts négatifs de l’abus des substances sur les victimes : perte d’argent, gueule de bois, trous noirs, problèmes médicaux, prise de poids, arrestations et dépendance parmi tant d’autres.
Selon lui, 95 % des victimes d’addictions aux substances ont commencé à en prendre à l’adolescence. Dr James Matta a souligné l’importance de la prise des signes vitaux par le personnel médical afin de recueillir des données sur la victime d’addiction aux substances. Cela tout en soulignant la nécessité d’une évaluation clinique de la victime afin de lui donner un traitement médical efficace. « Ne traitez pas ce que vous ne savez pas », a-t-il dit aux participants à la conférence. Et de rappeler que l’accompagnement de la victime ne doit pas se faire en une session mais qu’il doit être fait en continu. Il s’est aussi attelé aux conséquences de l’addiction aux substances. Notamment l’anhédonie, l’hypersomnie, l’insomnie et les attentats de suicide, entre autres, qui se manifestent chez les victimes. Selon lui, l’acquisition de connaissances et un coaching supervisé sont essentiels pour renforcer des pratiques correctes auprès des professionnels. Et c’est ce qui selon lui pourrait aider les victimes à s’en sortir.
Le PM : «En prison, 21 % des femmes sont accros à la drogue»
Lundi 1er juillet 2019, le Premier ministre Pravind Jugnauth a donné le coup d’envoi de la conférence internationale sur les addictions. Pour le chef du gouvernement, cette conférence internationale a son importance, car elle agit en tant que plateforme pour réfléchir sur la situation des addictions à Maurice. Elle permet de développer des idées pour mieux accompagner les victimes. Le PM a souligné que l’addiction à la drogue demeure une préoccupation majeure du gouvernement. « Le scénario est très complexe à Maurice. Je trouve regrettable que de nombreux trafiquants s’enrichissent aux dépens de la vie des autres tout en mettant notre société en danger. Le gouvernement a pris des actions depuis la mise en place de la commission d’enquête sur la drogue en 2015. »
Pravind Jugnauth a aussi souligné que « 60 % de la population carcérale sont victimes d’addiction à la drogue, dont 21 % sont des femmes. » Selon lui, une approche multisectorielle et compréhensive doit être adoptée pour lutter contre ce fléau qui gagne de plus en plus le territoire mauricien.
Le cardinal Maurice Piat a, lui, avancé qu’il faut du courage pour admettre son impuissance face aux addictions. Selon lui, l’addiction aux substances nocives affecte aussi l’entourage des victimes qui en souffre au quotidien. Rappelant la responsabilité de l’Église en ce qu’il s’agit du soutien aux plus vulnérables, il a souligné l’importance de la réhabilitation des victimes d’addictions. Quant au Père Grégoire, il a réitéré l’objectif de cette conférence internationale qui est de sensibiliser législateurs, professionnels et autres parties prenantes pour mieux aider les victimes souffrant d'une quelconque addiction à sortir du gouffre et reprendre leur vie en main.
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