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Concert de Nora Fatehi à Maurice : bras de fer entre Ami Vision et Holdem Events 

Meritess Beeharry et Jérôme Appavoo entourant Amina Ghivalla pour une photo souvenir.
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La polémique enfle dans l'affaire du concert Nora Fatehi. La compagnie dubaïote Ami Vision accuse Holdem Events de suspicion de fraude et d’escroquerie en bande organisée. De son côté, la compagnie mauricienne l’accuse de non-paiement et de falsification de documents. Zoom. 

Samedi 15 octobre. L'hôtel Long Beach, à Belle-Mare, accueille la star internationale, Nora Fatehi, pour le concert « Nora Fatehi Live in Paradise ». La danseuse et actrice canadienne, connue à Bollywood, se déhanche pendant 45 minutes sur ses tubes. Une initiative d'Ami Vision de Dubaï. Dix jours après, le concert est de nouveau dans l’actualité. La boîte d’évènementiel Holdem Events, chargée de la mise en place de l’événement, c’est-à-dire toute l’installation technique, scène, son et lumière… dépose une plainte au Central Criminal Investigation Department (CCID) le 25 octobre 2022. Par le biais de son Chief Executive Officer, Jérôme Appavoo, Holdem Events accuse Ami Vision d’avoir falsifié certains documents. Il allègue de ne pas avoir reçu la somme de 25 000 euros qui lui était due pour ses services.

À son tour, le 27 octobre, la directrice d’Ami Vision, Amina Ghivalla, d’origine indienne et malgache, consigne également une plainte auprès de la police de Dubaï contre Holdem Events et Ticketbox. « J'ai fait une plainte au Crime Investigation Department (CID) des Émirats arabe unis pour « abus de confiance, suspicion de fraude et escroquerie en bande organisée ». J'ai mis de très bons avocats sur le coup. Ce que je souhaite aujourd'hui, c'est qu'ils reconnaissent leur tort et que l'on trouve une solution. Je dois rétablir mon image et celle de mon entreprise », lance-t-elle.

Que s’est-il passé ?

Holdem Events a proposé ses services à Ami Vision pour la mise en place du concert pour 70 000 euros et un accord entre les deux parties, le « Event Contractual Agreement » a été signé le 4 octobre. Selon l’accord, il est stipulé qu’Ami Vision doit effectuer un premier versement de 50 000 euros à la signature du contrat. La deuxième tranche de 20 000 euros doit être payée pas plus tard que cinq jours précédant l’événement. 

« Déjà, elle n’avait pas respecté l’engagement du contrat, qui est le versement d’une première tranche de 50 000 euros le jour de la signature du contrat », dit le CEO de la partie mauricienne. Jérôme Appavoo confie qu’un accord tripartite a été signé entre Ticketbox (Mauritius) Ltd, la billetterie, (voir en hors-texte), Ami Vision et Holdem Events Ltd le 6 octobre. 

« Amina Ghivalla nous a dit qu’elle allait nous payer les 70 000 euros comme convenu dans le contrat. Ensuite, elle est rentrée à Dubaï du 5 au 7 octobre pour pouvoir faire le paiement. Par la suite, elle nous a fait savoir qu’elle pourra nous payer que 60 000 euros. Dans un premier temps, elle a ainsi demandé à Ticketbox de payer 10 000 euros et elle allait nous remettre 50 000 euros plus tard », indique Jérôme Appavoo. 

« Comme Ami Vision est basée aux Émirats arabes unis et que les deux autres parties se trouvent dans la même juridiction, qui est Maurice, la compagnie dubaïote a demandé à ce que le paiement que devait lui verser Ticketbox, soit fait directement à Holdem Events. De ce fait, Holdem Events a reçu 10 000 euros (Rs 450 000) le 6 octobre, 20 000 euros (Rs 900 000) le 10 octobre et près de 5 000 euros (Rs 215 000) le 14 octobre. Ces trois tranches ont été payées par Ticketbox de la part d’Ami Vision. La compagnie dubaïote nous devait donc 35 000 euros, dont les 25 000 euros qu’elle avait dit avoir transférés la veille du concert », explique Jérôme Appavoo. 

Dans la soirée du 14 octobre, Amina Ghivalla dit avoir effectué un virement bancaire de 25 000 euros à Jérôme Appavoo et elle lui a envoyé la preuve du transfert par courriel. Mais Jérôme Appavoo nie avoir reçu cette somme. « On était à quelques heures du concert et elle n’avait pas déboursé l’argent comme convenu. On devait avoir l’argent pour payer nos travailleurs, les équipements et nos prestataires », explique le CEO de Holdem Events. 

N'ayant pas encore reçu les 25 000 euros le mardi 18 octobre et sachant qu’Amina Ghivalla allait prendre l’avion le lendemain, Jérôme Appavoo s’est rendu à la station de police de Belle-Mare. « J’ai remis une copie de la preuve du virement ainsi que le contrat à la police. Nous avons fait une entrée à la station de police de Belle-Mare, mais on n’a pas encore logé de plainte. Nous voulions être rassurés qu’elle allait nous payer », raconte-t-il. 

Visite de la police

Amina Ghivalla se rappelle avoir reçu la visite des policiers aux alentours de 22 heures, le 18 octobre, à la réception de l'hôtel, où elle logeait à Maurice. « Ils m'ont dit que je n’allais pas pouvoir quitter le pays aussi longtemps que je n'avais pas payé la somme due à Holdem Events. Ce soir-là, j’ai tenté d’appeler Jérôme Appavoo pour atténuer les choses. Je voulais surtout rentrer dans mon pays », raconte-t-elle.
Selon Amina Ghivalla : « Un premier paiement de 10 000 euros (Rs 450 000) a été effectué le 7 octobre, un second de 20 000 euros (Rs 900 000), le 10 octobre et un troisième de 10 000 euros (Rs 440 000) le 12 octobre. Environ 5 000 euros (Rs 215 000) ont été versés sur son compte le 17 octobre. La tranche restante est de 24 000 euros ».

« Durant toute la semaine, il nous a pratiquement harcelés de mails et de messages pour que le dernier paiement soit effectué, soutenant même que l'événement n’allait pas avoir lieu sans ce paiement », avance-t-elle. Et d'ajouter que tous les virements effectués se faisaient sur le compte personnel de Jérôme Appavoo. 

Sur ce point, le CEO de Holdem Events précise que l’accord tripartite fait mention de son nom et de son compte bancaire comme récipiendaires du paiement. « Holdem Events est une filiale de Holdem Holdings, dont j’en suis l’unique actionnaire », dit-il. 

Une vérification auprès du Registrar of Companies montre que Holdem Events Ltd compte un seul actionnaire, soit Holdem Holdings (Mauritius) Ltd. De surcroît, Jérôme Appavoo détient la majorité des parts dans Holdem Holdings (Mauritius) Ltd et les parts restantes appartiennent à Holdem Holdings Ltd. 

La dernière tranche gelée

Par ailleurs, selon Amina Ghivalla, quand elle a reçu une facture détaillée de Holdem Events, elle avait été émise sous le nom de Holdem Holdings. « On y voit le montant de 20 000 euros présenté comme un ‘Professional Fee’. C'est après que mon département juridique m'a conseillée de geler la dernière tranche de paiement, car il y avait des anomalies sur cette facture qui, de surcroît, n'était pas détaillée », explique-t-elle. 

Jérôme Appavoo avance, pour sa part, que le ‘Professional Fee’ couvre les services offerts par Holdem Events comme stipulé dans le contrat. « La facture de 20 000 euros n’a jamais été payée. Et il n’y a pas de facture pour les 25 000 euros qu’elle a dit avoir versés, car tout est dans le contrat », dit-il. 

Le 21 octobre, Jérôme Appavoo a contacté un des prestataires. Ce dernier lui a indiqué avoir reçu un paiement de 740 euros d’Ami Vision et a envoyé la preuve du virement bancaire à Jérôme Appavoo. Le CEO de Holdem Events dit avoir comparé les deux preuves et aurait décelé des anomalies notamment au niveau du format de la date et de la police d’écriture.

Jérôme Appavoo compte faire un Further Statement au CCID. Il a adressé un courriel à la banque dubaïote, le lundi 24 octobre, pour avoir plus d’informations sur l’authenticité de la preuve de virement bancaire pour les 25 000 euros. Il atteste avoir reçu une réponse de la banque d’Ami Vision le mercredi 2 novembre : « We cannot make any comment on our customer but the copy of the documents shared by you and the information stated there does not match our records ».

Toujours en attente de documents

La directrice de l’entreprise dubaïote avance que son équipe juridique travaille sur les allégations à son encontre. La requête du Défi Plus afin d’avoir les factures et contrats n’a pas abouti. La responsable des Relations Presse chez Ami Vision ayant fait comprendre que « cette affaire est aujourd'hui entre les mains de la justice. Nous pouvons plus commenter l’affaire ni vous transmettre un quelconque document ».

Ticketbox condamne les allégations

En début de soirée du vendredi 4 novembre, Ticketbox a émis un communiqué. Cela fait suite à la polémique entourant l’organisation du concert « Nora Fatehi Live in Mauritius » à l’hôtel Long Beach, Belle-Mare, le 15 octobre. Il est signé l’équipe de Ticketbox. La billetterie indique qu’une « plainte officielle a été logée auprès des autorités mauriciens le 27 octobre 2022 et nous travaillons activement en collaboration avec nos équipes légales et des autorités responsables, localement comme à l’étranger. Notre conscience morale et juridique est claire dans la mesure où nous avons respecté toutes nos obligations en vertu de notre contrat ».

Sept points sont énumérés dans le communiqué. Ticketbox précise d’abord qu’elle a conclu un accord de services de réservation d’hôtel et de billetterie d’événement avec Ami Vision FZ Co, l’organisateur du concert, le 8 août 2022. Selon cet accord, Ticketbox devait être le partenaire exclusif de la billetterie du concert. « Nous avons cependant été informés que d’autres parties ont émis des billets pour ledit concert. Nous ne prétendons pas avoir eu de partenariat ou de coentreprise avec aucune des parties impliquées concernant l’organisation de l’évènement – notre rôle s’est dès le départ limité à la vente et à l’émission de billets et ne pas superviser d’autres éléments organisationnels », peut-on lire. 

L’équipe avance aussi que son exercice de réconciliation a porté ses fruits et elle a réglé toutes ses dettes pour cet événement. « Nous ne pouvons en toute bonne conscience endosser le blâme et la responsabilité émanant du manque d’organisation le jour de l’évènement ; et nous avons fait l’objet d’une campagne de harcèlement truffée de menaces et des allégations infondées et nous ne souscrivons pas à l’idéologie de la médisance et nous nous abstiendrons donc de commentaires supplémentaires à lumière de l’enquête policière en cours », indique le communiqué. 
« Nous condamnons fermement les allégations fausses et malveillantes et ne tolérons pas ces commentaires ni pratiques malintentionnées. Nous tenons à rassurer nos partenaires, clients et collaborations que l’affaire est traitée avec le plus grand sérieux », conclut le communiqué de Ticketbox. 

Meritess Beeharry et Jérôme Appavoo entourant Amina Ghivalla pour une photo souvenir.
Meritess Beeharry et Jérôme Appavoo entourant Amina Ghivalla pour une photo souvenir.
holdem events

Combien de billets vendus ? 

De nombreuses questions taraudent encore quant à la vente des billets. Ces derniers étaient en vente entre Rs 1 200 et Rs 7 000, en prévente et à la porte. Les billets étaient mis en vente en ligne par Ticketbox et 7 000 autres billets avaient été imprimés par Holdem Events pour une vente physique.  

Le 18 octobre, Ami Vision reçoit un courriel de Jérôme Appavoo indiquant que des 7 000 billets imprimés, ils n’en avaient vendu que 67. « Pour moi, il y avait au moins 4 000 personnes au concert. Nous aurions dû faire un chiffre d'affaires entre 80 000 et 100 000 euros sur les billets. Mais Ticketbox, pour sa part, aurait vendu 1 137 tickets. Cela voudrait dire que le concert a accueilli seulement 1 204 personnes », s’interroge Amina Ghivalla.

« Au final, nous avons tenu cet événement à perte. Je ne sais pas où est parti l’argent, je ne sais pas qui a touché l'argent. Si je suis venue faire cet événement à Maurice, c'est parce que je pensais que le concert allait être rentable », relate-t-elle. Elle avance d'ailleurs avoir eu vent que des billets étaient vendus au noir à Rs 600 sur une aire de stationnement tout près. 

« Certaines personnes m'ont aussi approchée pour me dire qu'elles n'avaient pas reçu de bracelet à l'entrée. C'était un groupe de 12 personnes. Est-ce qu'il y en a d'autres cas comme celui-ci ? », poursuit-elle.
Jérôme Appavoo confirme qu’uniquement 67 billets sur les 7 000 imprimés ont été vendus. Ce, du 8 au 15 octobre. « Nous avons pris le risque d’imprimer 7 000 billets, car nous avions tout fait pour booster la vente. Mais nous n’avons pas vendu les billets au nom de notre compagnie. Nous les avons réparti dans 27 points de vente de l’île. Le 8 octobre, les billets étaient vendus aux guichets de Ticketbox dans les centres commerciaux », dit-il. 

Il affirme qu’à la demande d’Amina Ghivalla, Holdem Events a fait un inventaire de tous les billets vendus et invendus le 18 octobre. Le rapport détaillé a été remis à Amina Ghivalla le même jour. Cette note - « Vu et récupérer avec Holdem. Rapport final vendredi. Amina » -, suivie d’une signature, est visible sur la dernière feuille du rapport. 

« Nous lui avons même remis la caisse des billets restants, mais elle n’a pas voulu les prendre », indique Jérôme Appavoo. Il ajoute que 2 253 bracelets pour avoir accès au concert ont été distribués à la porte. 
« Cela nous fait dire que 2 253 personnes ont assisté à l’événement. Ce chiffre a été confirmé par l’Events Director d’Ami Vision sur un message WhatsApp », dit Jérôme Appavoo. 
Combien de billets ont-ils été vendus exactement ? Le responsable de Ticketbox, qui est directement cité dans cette affaire, aurait pu nous éclairer. 

Qui est Amina Ghivalla d'Ami Vision ?

Amina Ghivalla

Amina Ghivalla, 30 ans, est d'origine indienne et malgache. Elle a grandi à l'île de La Réunion et a étudié en France. Issue d'une famille d'entrepreneurs, elle a travaillé dans l'import-export, le marketing ou encore la « supply chain ». Après avoir travaillé pour plusieurs compagnies internationales, elle décide de s'installer avec sa famille à Dubaï en 2020 et monte sa propre entreprise Ami Vision la même année. Une agence de marketing et de consulting avec une vision à 360°. « Aujourd'hui, nous regroupons plusieurs activités : événementiel, production, création de société, expatriation aux Émirats, agence de voyage et actions humanitaires. » Elle précise que l'entreprise compte plus de 10 employés. « C'est une société familiale dont je suis la seule actionnaire, ma maman travaille avec nous et s'occupe de la partie relations publiques. »

Outre les Master classes organisées par Ami Vision, elle dit travailler de concert avec le gouvernement d'Abu Dhabi sur un gros projet prévu pour 2023. Elle est aussi en collaboration avec l'Office du Tourisme de Dubaï pour un événement prévu dans deux semaines avec plusieurs footballeurs français. « Une chose est sûre : nous serons de retour à Maurice l'année prochaine pour un événement à charge de revanche. Je voudrais faire venir un artiste afrobeat à Maurice », dit l’intervenante.


Qui est Jérôme Appavoo de Holdem Events ?

Jerome Appavoo
Jérôme Appavoo, CEO de Holdem Events.

Jérôme Appavoo CEO de Holdem Events, organise des concerts depuis 2017. Maître Gims, Dadju, Aya Nakamura et DJ Snake ont été les artistes internationaux invités sur la scène mauricienne. Dans un entretien paru en mars 2019 dans Le Dimanche/L’Hebdo, il a expliqué avoir fait sa scolarité au Lycée Labourdonnais. Il a obtenu une bourse d’excellence en 1999 et mis le cap sur la France pour des études supérieures. Il a ensuite entamé une maîtrise à Paris avant d’opter pour un MBA (Masters in Business Administration) entre Paris et Boston (États-Unis) et un Masters en e-Business à l’École supérieure de Génie Informatique à Paris. À l’étranger, il s’est essayé aux courses auto-moto. Il est revenu à Maurice en 2009 pour aider son père dans les affaires familiales. Le président du groupe Holdem a fait face à des allégations suite à la fermeture d’Infinity BPO Ltd en 2011.

 

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