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Commissions et enquêtes sur Betamax : des enquêtes policières sont possibles suivant les conclusions et recommandations

Le navire Red Eagle a commencé à naviguer en 2011 après l’entrée en opération de la compagnie Betamax en 2009.


La bataille est menée sur plusieurs fronts. Le Conseil privé est venu galvaniser la stature légale du contrat alloué à Betamax par la State Trading Corporation (STC) en 2009. Par la suite, le gouvernement semble avoir riposter par  une commission d’enquête. Maintenant la Competition Commission Mauritius (CCM) s’y met aussi. 

La Commission d’enquête a pour but d’étaler en public les circonstances ayant mené à l’allocation de ce contrat. Au gouvernement, on estime que le Conseil Privé s’est penché sur l’aspect légal de l’affaire à partir du moment où les procédures administratives ont été entamées pour allouer le contrat. Cependant, c’est l’aspect moral et les « éventuelles » manipulations, fuites d’informations, trafic d’influence que le gouvernement veut mettre à jour à travers une commission d’enquête. Cependant, la CCM est une institution indépendante qui a, elle aussi, décidé d’ouvrir une enquête sur un possible cas d’abus de situation de monopole dans l’importation de produit pétrolier. 

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Possibilité d’abus de situation de monopole

Pour rappel, en juin 2021, le Conseil privé a donné gain de cause à Betamax et le gouvernement a dû lui verser Rs 5,7 milliards. Le 25 juin, le gouvernement a annoncé la mise sur pied d’une commission d’enquête pour comprendre les circonstances ayant abouti à l’allocation du contrat. Cependant, le 7 septembre dernier, la CCM a ouvert une enquête sur la possibilité d’abus de situation de monopole par le Bhunjun Group/ Betamax. 

La question qui revient est : vers quoi convergeront ces deux démarches indépendantes, l’une de l’autre, mais qui concerne le même dossier ? 
Nous apprenons de la sphère gouvernementale que l’objectif n’est pas de récupérer les presque Rs 6 milliards perdus. La commission d’enquête sera un moyen d’étaler « le story line » de cette affaire avant que le contrat ne soit alloué en 2009. L’historique : les études, rédactions de rapports, nominations, transferts de dossiers, entre autres, avant la rédaction de l’appel d’offre sera étalé au grand public à travers une commission d’enquête. Vue dans cette optique, cette démarche a une connotation politique. Cependant, les conclusions et recommandations des commissaires peuvent servir de base pour que des institutions ouvrent des enquêtes. 

Enquête au criminel 

Sam Lauthan a siégé au sein de la commission d’enquête sur la drogue entre 2015 et 2018. Il affirme que les pouvoirs d’une commission dépendent de ses attributs. Il explique qu’une commission d’enquête peut demander à la police ou autre institution d’avoir des éléments plus précis mais ne peut pas commander d’enquête criminelle. Selon lui, il reviendra aux différentes institutions d’appliquer ou d’ouvrir des enquêtes suite à la publication du rapport. « Là aussi, ceux visés peuvent avoir recours à une révision judiciaire et certaines personnes ont eu gain de cause devant la justice », affirme Sam Lauthan. 

Pour Ajay Daby, avocat et ancien Speaker, une commission d’enquête n’a pas le pouvoir de transmettre des dossiers. Cependant, une fois que des informations seront dans le domaine public, la police, la Commission anti-corruption ou d’autres institutions régulatrices peuvent se baser sur ces informations pour ouvrir une enquête, effectuer des interrogatoires, faire des dépositions et même faire arrêter des gens (dans le cas de la police). Ce qui veut dire qu’après la commission d’enquête, il faudra que des institutions ouvrent d’autres enquêtes pour pouvoir « punir » les responsables d’une éventuelle maldonne. 
Il est, donc, possible qu’après la publication du rapport de la commission d’enquête, la police et la Commission anti-corruption se saisissent de l’affaire et commencent à interroger ceux visés par les conclusions du rapport. A condition qu’il n’y ait pas de révision judiciaire de leurs parts. 

Le CCM cherche les failles 

Le contrat pour le transport de produit pétrolier a été alloué en 2009. Betamax a commencé à importer les produits à partir de 2010 jusqu’en 2015, lorsque le contrat a été résilié. Cependant, six ans après, la CCM décide d’ouvrir une enquête sur un possible abus de situation de monopole. Le directeur exécutif de la CCM, Deshmuk Kowlessur a effectué une évaluation préliminaire avant de penser qu’il y a matière à ouvrir une enquête. 

L’enquête voudra savoir si le groupe a pu empêcher ou restreindre la concurrence sur le marché à travers son contrat qui s’étendait sur la période entre 2010 à 2025. Les commissaires chercheront à savoir si les conditions étaient réunies pour placer Betamax dans une situation de monopole dans la fourniture de produits pétroliers.  L’aspect de clauses abusives dans le contrat, surtout concernant les coûts et les volumes transportés, sera examiné.  
Contacté, Deshmuk Kowlessur affirme qu’il ne peut faire de commentaires car un simple mot de travers peut entraver la légalité de l’enquête. Cependant, il affirme que la CCM peur enquêter sur ce dossier et prendre les mesures appropriées suivant les conclusions des commissaires. 

Quelles sont ces sanctions ? 

Nous apprenons de la CCM que les possibles sanctions sont nombreuses. A titre d’exemple, le 13 août 2019, la CCM a émis un ordre contre les opérateurs de cartes bancaire MasterCard et Visa sur les « interchange fees ». 

Plus bas un extrait de l’ordre : « The Commissioners have concluded that VISA and MasterCard have abused their dominance by setting a high interchange fee (at 1%) charged between banks for debit/credit card payments. The interchange fee can constitute up to 79% of the cost incurred by banks for supplying merchants(retailers) with facilities for accepting card payments. At 1%, the interchange fee is restricting competition among banks/financial institutions by preventing some of them, especially smaller ones, from providing merchants with cardacceptance facilities at lower prices. To remedy the situation, the Commission has ordered VISA and MasterCard to limit their interchange fee to a maximum of 0.5% for debit/credit card transactions ». 

Un haut cadre de la CCM affirme que l’organisme a donné l’ordre à deux opérateurs internationaux et ils s’y sont pliés. Pour dire que la CCM a le pouvoir d’ordonner à une entreprise de « remédier » à la situation. A la CCM, le mot ‘remédier’ revient sans cesse, alors que le contrat a été résilié. Si la compagnie ne remédie pas à la situation, il risque de payer une amende ne dépassant pas 10 % du chiffre d’affaire annuelle de l’entreprise, pendant la période où elle a profité de la situation de monopole. Cependant, la CCM peut, dans certains cas, imposer une amende au lieu d’emmètre un ordre ou une directive. 

Cependant, la finalité de l’enquête de la CCM, c’est de prouver qu’il y avait une situation de monopole qui aurait profité au Bhunjun Group/Betamax. Le simple fait de confirmer cette allégation pourrait apporter de l’eau au moulin de la Commission d’enquête. 

Au Bhunjun Group c’est le silence. C’est au conseil légal du groupe que nous nous sommes adressées. Là, on explique que le groupe attend d’avoir plus de détail sur la commission d’enquête ou sur l’enquête de la CCM avant de se prononcer. Pour le moment, le groupe n’est qu’en possession des communiqués et notices adressés au public, a fait comprendre Me Rishi Pursem, avocat de la compagnie. 

Au final, les directeurs de Bhunjun Group risquent de passer par une série d’interrogations devant la commission d’enquête, la CCM, et si besoin est, devant d’autres institutions qui tenteront de prouver qu’il y a eu maldonne. 

Le Bhunjun Group en quelques mots  

Le Bhunjun Group a été fondé dans les années 1960 par le patriarche de la famille, Soodursan Bhunjun. Il s’était spécialisé dans la construction pour ensuite se jeter dans l’immobilier. Aujourd’hui, le groupe brasse plus large : hôtellerie, ravitaillement, navigation, construction, manufacture/concasseuses. Veekram Bhunjun est le chief executive officer (CEO), du groupe alors que son père, Soodursan Bhunjun préside le conseil d’administration. Durant les dernières années, le Bhunjun Group a travaillé en partenariat avec plusieurs entreprises internationales : Group Five d’Afrique du Sud, Shapoorji Pallonji Group, Larsen Toubro, CFE de Belgique, entre autres. A titre d’exemple, le groupe a procédé à la construction de la Cyber Tour 1 d’Ébène. D’ailleurs un des noms associés et connus des Bhunjun est leur filiale de construction, la compagnie Betonix. 

 

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