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Commission d’enquête sur la drogue - Siddick Islam : «Bann avoka inflians mwa pour fer trafik»

Ceux qui attendaient des révélations sont restés sur leur faim. Siddick Islam, auditionné le lundi 17 juillet devant la commission Lam Shang Leen, n’a formulé des allégations que contre des avocats et deux policiers. Condamné à 30 ans de prison, le trafiquant déplore la « malhonnêteté » de certains membres du barreau.

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« Bann avoka trouv mwa kouma enn masinn a sou. Zot mem ki inflians mwa pou fer trafik. » C’est ce qu’a déclaré lundi Siddick Islam (photo), alias Ti-Nerf, à l’ex-juge Paul Lam Shang Leen. C’est par le biais de son épouse Naserah Bibi Vavra que le détenu avait exprimé son intention de faire des « révélations » à la commission d’enquête, notamment sur les avocats qu’il accuse de corruption et la circulation de drogue en prison.

Dès le début de la séance, Siddick Islam a formulé des allégations contre certains avocats, dont Mes Roshi Bhadain, feu Guy Ollivry, Ashley Hurhangee et Yousuf Mohamed. Il reproche à Roshi Bhadain d’avoir empoché des honoraires s’élevant à Rs 300 000 et de ne l’avoir jamais défendu. Le détenu accuse feu Guy Ollivry d’avoir reçu la somme de Rs 800 000. Siddick Islam affirme qu’Ashley Hurhangee a comploté pour nuire à l’enquête après son arrestation en 2006. Le condamné reproche à Me Yousuf Mohamed d’avoir enlevé plusieurs points lors de son procès en appel. Le trafiquant a aussi fait des allégations contre deux policiers, affectés à l’Adsu. Il s’agit de Sharir Azima et d’Ashik Jagai.

Extrait de l’audition

Paul Lam Shang Leen (PLSL) : Vous avez envoyé une lettre à la commission pour signifier votre intention de témoigner ?
Siddick Islam (SI) : Oui, c’est exact.

PLSL : Sur les avocats, la corruption et pour expliquer comment la drogue circule dans les prisons.
SI : Oui, c’est au sujet des avocats que je souhaite m’exprimer.

PLSL : Allez-y !
SI : Premièrement, je veux une sécurité renforcée autour de ma famille et moi-même. Ena avoka ki pros ek juge.

PLSL : Écoutez, nous n’évoquerons que les faits qui nous concernent. D’abord, qui a été votre dernier avocat ?
SI : Me Noor Hussenee.

PLSL : Comment est-il devenu votre avocat ?
SI : Il y avait un panel d’avocats qui était venu à la prison. Parmi il y avait Mes Roshi Bhadain, Yash Bhadain, Guy Ollivry et Noor Hussenee.

PLSL : Guy Ollivry ?
SI : Oui, il était venu ensemble avec Me Roshi Bhadain.

PLSL : Nous ne voyons pas cela dans le registre des données. Vous avez plusieurs avocats depuis votre incarcération. Depuis 2014, Me Noor Hussenee est votre avocat. Comment avez-vous retenu ses services ?
SI : Il était dans le panel d’avocats qui était venu à la prison. J’avais retenu les services de Me Roshi Bhadain. Je lui ai payé Rs 300 000. Me pa trouv li ditou. Les avocats m’ont donné beaucoup d’espoir pour quitter la prison.

PLSL : Comment les avocats sont-ils venus vous rencontrer ?
SI : C’est ma femme qui les a sollicités. Puis Me Raouf Gulbul est venu me rencontrer. Les avocats ont fait preuve de malhonnêteté. Ils ont pris mon argent et ils ne m’ont pas défendu.

PLSL : Monsieur Islam, ce n’est pas la plateforme appropriée pour dénoncer les avocats. Il y a le Bar Council ou vous pouvez adresser vos doléances directement au chef juge. Lors de votre arrestation, Farad Sheriff avait témoigné contre vous et par la suite, il a changé de version. Qui était votre avocat ?
SI : C’était Me Raouf Gulbul à cette époque. J’avais affirmé que j’étais au casino au moment des faits mais la Cour ne m’a pas cru.

PLSL : Nous savons déjà ce que vous avez dit en Cour. Nous avons le jugement. Comment avez-vous payé votre avocat ?
SI : Ma sœur a vendu son terrain pour m’aider. Beaucoup d’avocats ont pris mon argent et ne m’ont pas défendu. J’avais payé Rs 800 000 à Me Guy Ollivry. J’avais payé des hommes de loi pour loger l’affaire au Privy Council mais ils m’avaient affirmé qu’ils avaient retiré la plainte.

PLSL : Si vous avez eu un problème avec votre avocat, ce n’est pas la plateforme appropriée pour exprimer vos doléances.
SI : Des avocats ont pris mon argent mais je suis toujours en prison. Un proche, Yousouf Abdool Raman, gardait mon argent. Il l’avait remis à ma femme pour payer les avocats.

PLSL : D’accord Monsieur Islam. Parlez-nous de vos téléphones. Des officiers de la prison ont saisi plusieurs téléphones qui étaient en votre possession. Comment les avez-vous obtenus ?
SI : Je ne peux pas vous expliquer maintenant.

PLSL : C’est vous qui nous avez envoyé une lettre pour faire part de votre intention de témoigner. Vous avez communiqué à plusieurs reprises. Comment avez-vous eu ces téléphones ?
SI : Je ne peux rien vous dire maintenant. Je vous enverrai une lettre officielle pour vous communiquer l’information.

PLSL : Nous terminons cette audience maintenant même si vous ne voulez pas parler ?
SI : D’accord.

PLSL : Vous avez un réseau, n’est-ce pas ?
SI : Oui.

PLSL : Qui sont les personnes qui sont dans votre réseau ?
SI : Je ne vous dirai rien.

PLSL : Pourquoi ? La présence des journalistes vous gêne ? Pourquoi avez-vous peur ?
SI : Non. Je n’ai pas peur. Je n’ai peur de personne.

PLSL : Pourquoi vous ne parlez pas alors ?
SI : J’ai mes raisons. Si vous acceptez la lettre officielle, je vous dirai.

PLSL : Vous vous êtes déplacé. C’est mieux de dire directement plutôt qu’à travers une lettre.
SI : Les avocats me voient comme une machine à sous. C’est grâce à eux que j’ai fait ce trafic de la drogue. Il y avait Sanjay Bhuckory, Yousuf Mohamed et Raouf Gulbul, entre autres. Je n’avais rien accepté au moment de mon arrestation. Je suis innocent. Mais les policiers Azima et Jagai ont modifié ma déposition, avec la complicité d’Hurhangee. Farad Sheriff ne sait ni lire ni écrire. C’est Hurhangee qui avait fait consigner les dépositions concernant cette enquête. Le policier Azima les a protégés. C’est Azima qui a remis la drogue à Sheriff.

Dès le début, Farad Sheriff a fait prévaloir son droit au silence. Pourquoi et comment les images CCTV du casino ont-elles été effacées ? L’Adsu a pris cette drogue dans le Life Jacket et affirme par la suite que c’est pour Siddick Islam. Mais où est le passeur ? Asraf Mohamedally et Michel ont été blanchis en Cour. Mais pourquoi je n’arrive pas à faire appel ?

PLSL : Malheureusement, vous n’êtes pas devant une Cour de justice mais devant la commission d’enquête sur la drogue.
SI : Je suis innocent dans cette affaire. Je suis en prison depuis onze ans. Cinq mois après mon mariage, les policiers m’ont arrêté.

PLSL : Pourrions-nous évoquer un autre chapitre ? Y a-t-il un avocat qui a changé votre déposition ou qui vous a demandé de le faire ?
SI : Pourquoi Farad Sheriff a-t-il été assigné comme témoin ? C’est Me Hurhangee qui avait donné cette enquête.

PLSL : La Cour n’avait pas cru à votre version. Nous ne sommes pas ici pour discuter de votre condamnation. C’est vous qui avez choisi votre avocat.
SI : J’ai été condamné à 30 ans de prison. Me Yousuf Mohamed était venu me rencontrer à la prison de Grande-Rivière-Nord-Ouest. Il avait apporté des documents liés à des jugements et il m’avait dit qu’il allait faire appel. Je ne sais ni lire ni écrire en anglais. Mais l’homme de loi a enlevé sept à huit points d’appel sans m’avertir. Y a-t-il des avocats honnêtes à Maurice ? Ce sont eux qui m’ont influencé à faire ce trafic. Zot trouv mwa kouma enn masinn a sou.

PLSL : Évoquons la prison…
SI : Non.

PLSL : Pourquoi ? Avez-vous peur ?
SI : Non, je n’ai peur de personne.

PLSL : Le trafic de drogue en prison…
SI : Je ne vous dirai rien.

PLSL : Sur votre réseau ?
SI : Mo pa pou reponn.

PLSL : Vous dénoncerez les réseaux à huis clos ?
SI : Je vous parlerai en privé.

(NdlR : La séance a été levée. L’audition de Siddick Islam s’est poursuivie pendant plus d’une heure à huis clos.)


Réactions

Me Ashley Hurhangee : « Je n’ai rien à dire »

Siddick Islam a cité le nom de l’avocat Ashley Hurhangee comme étant celui qui a changé la déposition de Farhad Sheriff. L’homme de loi a déclaré qu’il n’a rien à dire au sujet de cette allégation.

Me Yousuf Mohamed : « Je n’ai rien à me reprocher »

« Ce que Siddick Islam dit maintenant ne me concerne pas. » C’est ce qu’a répondu Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, interrogé sur les accusations du témoin. « C’est faux de dire que je l’ai rencontré et je lui ai montré des documents liés à des jugements. C’est uniquement au moment de faire appel que j’ai été son homme de loi. Il y avait un autre avocat aussi. J’avais noté des points en appel. L’autre avocat en avait fait de même. Je n’ai rien fait de mal », précise Me Yousuf Mohamed. Il martèle qu’il a fait son travail correctement. « C’est l’opinion de Siddick Islam. Cet appel remonte à plusieurs années », fait ressortir l’avocat.

Me Raouf Gulbul : « J’ai fait mon maximum pour le défendre »

Me Raouf Gulbul affirme qu’il a fait son maximum pour défendre les intérêts de Siddick Islam. « Autant que je me rappelle, j’avais défendu Siddick Islam en compagnie de feu Me Guy Ollivry et d’un autre avocat en cour d’assises. Après sa condamnation, mes confrères Guy Ollivry, Yousuf Mohamed, Sanjay Bhuckory et moi l’avons défendu. J’ai fait mon maximum pour le défendre. »

Me Roshi Bhadain : « Une fabrication malveillante »

Roshi Bhadain affirme qu’il n’a rien à faire avec le trafiquant de drogue Siddick Islam. « Je vais prendre des actions légales contre ceux qui véhiculent des informations fausses à mon égard. Surtout que je suis en pleine campagne électorale. Cela peut me porter préjudice. Je n’ai jamais défendu ces personnages et je n’ai reçu d’honoraires d’eux », a déclaré le leader du Reform Party. « C’est une fabrication malveillante de gens qui se laissent manipuler par certains politiciens et des avocats véreux. Ces prisonniers étaient des clients de Guy Ollivry avec qui je faisais mon apprentissage comme avocat Je suis surpris que ce n’est que maintenant qu’on entend de telles choses ».


Important dispositif de sécurité autour du témoin

Une unité spéciale s’est mobilisée lundi après-midi pour la comparution de Siddick Islam devant la commission d’enquête sur la drogue. Ce dernier est arrivé à 12 h 20 pour ensuite repartir à 15 h 07. Après avoir refusé de répondre à certaines questions en public, il a affirmé, en réponse à des questions du président de la commission, qu’il n’a peur de personne.

Condamné à 30 ans de prison en 2008, Siddick Islam a soutenu qu’il est innocent et qu’il n’a pas eu droit à une bonne défense. Il a été conduit devant la commission sous forte escorte policière. Il a été véhiculé à bord d’un van blindé de 15 places. Plusieurs officiers de la prison étaient avec lui. Deux autres vans de prison précédaient le van de 15 places.

Avant le début de l’audition, Siddick Islam avait l’air calme et détendu. Il portait un tracksuit de couleur grise et une paire de baskets de couleur blanche. Il portait également un gilet pare-balles. Il était menotté. À l’intérieur de la salle d’audience, pas moins de 13 officiers de la prison avaient pris place. Certains portaient des gilets pare-balles et étaient munis de matraques et de tasers.

Dès le début de l’audience, Paul Lam Shang Leen a fait comprendre à Siddick Islam que c’est lui qui a souhaité déposer devant la commission. Le témoin avait un carnet de couleur bleue en sa possession qu’il consultait avant de répondre aux questions des membres de la commission. Après avoir déposé à huis clos, il est reparti à 15 h 05 pour la prison de Melrose à bord du fourgon blindé.

Les proches de Siddick Islam étaient présents mais ils n’ont pas pu accéder à la salle d’audience. Naseerah Bibi Vavra, l’épouse du témoin, était elle aussi présente. Elle a pu échanger quelques mots avec son mari quand ce dernier a quitté les lieux.

La présence de Jalil Baccar n’est pas passée inaperçue. Il s’agit de l’oncle de Naseerah Vavra. C’est lui qui accompagne sa nièce à la prison. Il a déjà été interrogé par la commission. Il travaille chez Khalil Spare Parts. Cette société appartient à Noorhossen Khalil Ramoly, dont le nom a souvent été cité devant la commission d’enquête sur la drogue.

  • Leal

 

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