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Commission d’enquête sur Ameenah Gurib-Fakim - Me Yousuf Mohamed : «L’ancienne présidente a violé la Constitution»

Ameenah Gurib-Fakim, alors présidente de la République, avait décidé d’instituer une commission d’enquête sur l’affaire Sobrinho. Ameenah Gurib-Fakim, alors présidente de la République, avait décidé d’instituer une commission d’enquête sur l’affaire Sobrinho.

Audition explosive de l’avocat Yousuf Mohamed, Senior Counsel, jeudi, devant la commission d’enquête sur l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim. L’homme de loi n’y est pas allé de main morte en racontant dans les moindres détails ses échanges avec l’ancienne chef d’État en mars 2018.

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Ashraf Caunhye : Avez-vous rencontré Mme Gurib-Fakim le 14 mars ?

  • Yousuf Mohamed : Oui. J’étais accompagné de l’avocat Nadeem Hyderkhan. Nous sommes allés voir l’ancienne présidente à la State House.

Ashraf Caunhye : Un dénommé Juneid Al-Khalifa était-il aussi présent ?

  • Yousuf Mohamed : J’ai rencontré un jeune homme après avoir vu l’ancienne présidente. Je ne le connaissais pas. C’est dans la presse que j’ai appris son nom.

Ashraf Caunhye : Cette rencontre avait-elle pour but de prodiguer des conseils légaux ?

  • Yousuf Mohamed : J’avais fait comprendre que je n’avais aucun problème à la représenter.

Ashraf Caunhye : Que s’est-il passé le jour de cette rencontre ?

  • Yousuf Mohamed : Nous avons été chaleureusement accueillis. Je dois dire que je n’avais avant jamais rencontré la présidente. Il y a eu les présentations d’usage. Nous avons ri. Elle m’a dit qu’elle était contente de pouvoir compter sur mon aide. Nous avons par la suite commencé à parler de la saga Sobrinho et de la carte de crédit qui avait été mise à sa disposition par Planet Earth Institute. Je lui avais demandé de me rédiger une déclaration sur cette affaire.

Ashraf Caunhye : Mme Gurib-Fakim avait-elle soulevé la question de mettre sur pied une commission d’enquête ?

  • Yousuf Mohamed : Pas ce jour-là. Cette question a été abordée le lendemain. Je suis de nouveau allé la rencontrer avec mon ami Nadeem Hyderkhan. C’était en fin d’après-midi. La déclaration écrite que je lui avais demandé de rédiger la veille n’avait pas été faite. J’avais, lors de cette deuxième rencontre, posé des questions sur ses activités relatives au Planet Earth Institute, sur ses dépenses et sur le remboursement de l’argent dépensé via la carte de crédit. Tout cela en présence de Nadeem Hyderkhan. Elle a, après un moment, demandé à toutes les personnes présentes de sortir, sauf moi.
  • C’est à ce moment-là qu’elle m’a dit qu’on lui avait conseillé d’instituer une commission d’enquête. Je lui ai alors dit de faire attention et qu’elle ne pouvait prendre sur elle pour entreprendre une telle démarche. J’ai, par le passé, siégé à deux commissions d’enquête. J’ai aussi fait partie d’un Conseil des ministres. Je connais donc les procédures entourant l’institution d’une commission d’enquête. Elle avait envie de créer cette commission d’enquête on her own Terms of Reference. Je suis alors sorti et j’ai expliqué à Nadeem Hyderkhan les intentions de l’ancienne Présidente. C’est ainsi que je lui ai demandé de rédiger les Terms of Reference.
  • Le lendemain de cette rencontre, soit le 16 mars, j’ai reçu un appel de Nadeem Hyderkhan m’informant que la présidente voulait nous rencontrer. Comme je devais me rendre en Cour ce jour-là, seul Nadeem Hyderkhan est allé la voir. À 9 h 53, j’ai reçu deux mails de Nadeem Hyderkhan. Il s’agissait des Terms of Reference. J’ai fait quelques corrections et j’ai renvoyé un mail à 10 h 35.
  • Je dois aussi souligner que le même jour, à 9 h 04, j’avais reçu un autre courriel émanant du bureau de la Présidence contenant des Terms of Reference préparés par Gilbert Noël. Je n’avais même pas considéré ce mail. Je ne l’ai même pas regardé, car je n’avais jusque-là encore eu aucune communication de Gilbert Noël au sujet de cette commission d’enquête.

Ashraf Caunhye : Que s’est-il passé après ?

  • Yousuf Mohamed : J’ai reçu mon amie, l’avocate Yanilla Mooshiram, puis Hervé Duval, afin de discuter de l’éventuelle création d’un tribunal spécial. J’ai, après cela, été en contact avec Gilbert Noël qui m’a informé que l’ancienne présidente avait déjà adressé une lettre à sir Hamid Moollan pour lui demander de présider la commission. J’ai passé un coup de fil à l’ancienne présidente pour lui dire qu’il y avait un problème légal avec cette démarche. Je lui ai demandé d’attendre. Je lui ai dit que j’allais d’abord en parler à sir Hamid Moollan. Chose que j’ai immédiatement faite. Je lui ai fait part de mes appréhensions concernant mon interprétation de l’article 64 de la Constitution. Je l’ai ensuite rencontrée à son bureau et je lui ai expliqué que l’article 64 de la Constitution ne permettait pas une telle démarche. Je suis parti.
  • Vers 15 h 30 le même jour, Mme Gurib-Fakim m’a appelé. Je lui ai alors parlé du fait qu’elle avait déjà procédé à la nomination de sir Hamid Moollan. Elle m’a dit que c’était pour des raisons tactiques qu’elle avait initié cette procédure. C’est donc faux de dire que j’avais des motivations tactiques. C’est pour cette raison que j’ai écrit à la commission pour dire que le mot tactique venait d’elle.

Ashraf Caunhye : Pourquoi avez-vous à un moment demandé à Mme Gurib-Fakim d’attendre ?

  • Yousuf Mohamed : Je lui ai dit de ne pas aller de l’avant. Je dois dire que j’ai contacté sir Hamid Moollan pour lui expliquer que l’ancienne présidente faisait fausse route.

Ashraf Caunhye : Pourquoi ne lui avez-vous pas dit de ne pas aller de l’avant avec cette démarche ?

  • Yousuf Mohamed : Je ne me suis pas contenté de lui dire d’attendre. Je lui ai dit de ne pas aller de l’avant et que j’allais contacter sir Hamid Moollan.

Ashraf Caunhye : Vous lui avez donc, dès le départ, dit ne pas nommer de commission d’enquête ?

  • Yousuf Mohamed : Oui. Je lui ai fait comprendre qu’elle ne pouvait pas prendre sur elle.

Ashraf Caunhye : Pourquoi avoir rédigé les Terms of Reference pour cette commission d’enquête ?

  • Yousuf Mohamed : Je croyais que ces Terms of Reference allaient être remis à l’Attorney General ou au Conseil des ministres. J’ai, en ce qui me concerne, expliqué à sir Hamid Moollan que l’ancienne présidente faisait fausse route. Il était à ce moment précis en train d’écrire au Premier ministre et c’est ce qu’il a fait.  

Ashraf Caunhye : C’est vous qui avait proposé vos services à Mme Gurib-Fakim à travers la presse ?

  • Yousuf Mohamed : J’avais en effet proposé mes services dans le cadre de l’institution d’un tribunal spécial et l’ancienne présidente m’a contacté via Nadeem Hyderkhan.

Ashraf Caunhye : Est-ce que Mme Gurib-Fakim vous a dit qu’elle chercherait à obtenir le feu vert du Cabinet ?

  • Yousuf Mohamed : Je connais la loi. Je sais qu’il faut avoir l’autorisation du Cabinet.

Ashraf Caunhye : D’après votre conversation, il était clair qu’elle allait de l’avant avec la commission ?

  • Yousuf Mohamed : J’étais choqué lorsque j’ai appris qu’elle allait de l’avant en prenant sur elle. Le 17 mars, Nadeem Hyderkhan m’a de nouveau appelé pour me dire que Mme Gurib-Fakim voulait de nouveau nous rencontrer. J’ai, lors de cette rencontre, expliqué à la présidente d’alors qu’elle avait violé la Constitution et qu’elle n’aurait pas dû faire cela. Je lui ai aussi fait comprendre que le Premier ministre avait des points contre elle. C’est ce qu’il avait dit lors d’une conférence de presse. Je lui ai alors conseillé, au nom de sa famille, de son père, de son époux et de sa fille, de démissionner.
  • Je lui ai également dit qu’en tant que présidente, elle ne pouvait se permettre cette guerre au sommet de l’État. Elle m’a expliqué qu’elle voulait laver son nom et que c’est pour cette raison qu’elle avait décidé de mettre cette commission sur pied. Je lui ai alors dit qu’il y avait d’autres avenues, notamment à travers une conférence de presse ou en rédigeant une mise au point. Elle a ainsi décidé de démissionner. C’est moi qui lui ai dicté sa lettre de démission.
  • J’ai, pour ma part, essayé d’appeler le Premier ministre pour l’en informer, mais il n’était pas joignable. J’ai appelé l’Attorney General. C’est moi qui ai informé les journalistes qui attendaient dehors. Mais cela ne s’est pas terminé ainsi car j’ai, après quelques jours, reçu des mails de l’ancienne présidente faisant état des déplacements des anciens présidents de la République qui avaient été financés par des institutions privées. Un des mails contenait aussi les réclamations financières d’un ancien président de la République. Ces documents était irrelevant. J’ai alors compris qu’elle voulait se servir de moi pour ternir l’image des anciens chefs d’État.

Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel : « Elle n’est pas si innocente »

Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel

L’audition de Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, a aussi été marquée par un exercice de contre-interrogatoire de Me Hervé Duval, qui représente Ameenah Gurib-Fakim. Il voulait obtenir des éclaircissements sur les Terms of Reference rédigés par son collègue Nadeem Hyderkhan.

Me Hervé Duval a déclaré que Yousuf Mohamed souhaitait imposer des Terms of Reference au Conseil des ministres. Argument qui a toutefois été réfuté par le Senior Counsel, qui a souligné qu’il « n’était nullement question d’imposer quoi que ce soit au Conseil des ministres ». Il s’agissait « de suggérer des Terms of Reference ».

Yousuf Mohamed a aussi fait état d’une correspondance échangée entre Ivan Collendavelloo et Ameenah Gurib-Fakim. Dans ces lettres lues par Yousuf Mohamed, elle demandait au numéro 2 du gouvernement de la défendre dans l’affaire Sobrinho. Dans une autre correspondance, Ameenah Gurib-Fakim a clairement fait comprendre à Ivan Collendavelloo : « I will do it my way. » Ainsi, pour Me Yousuf Mohamed, ces échanges ont prouvé que « l’ancienne présidente n’était au final pas si innocente ».

 

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