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Commerce illégal : des objets interdits vendus sur le Net

Harpon, torche électrique, coup de poing américain ou bombe anti-agression… Autant d’objets tombant dans les catégories « interdits » et « contrôlés » à l’importation, qui sont pourtant mis en vente par des internautes à Maurice.

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Vous souhaitez vous procurer sans peine des produits interdits ou contrôlés à l’importation ? Rien de plus simple. De nombreux objets sont proposés sur des sites de vente en ligne tels que « Acheter Vender ou Echanger…» ou « Mauritius Online Buying and Selling ». Par exemple, un magasin spécialisé dans la vente de jouets dans la capitale propose des « Metal Sling Shots », comprenez des lance-pierres avec billes en métal comme projectiles. Le kit, vendu à Rs 200, inclut un lance-pierres et des billes métalliques.

Un numéro de téléphone, ainsi que le nom et l’adresse du magasin sont clairement affichés. Nous avons contacté le gérant du magasin. Nous lui avons demandé si le commerce de ce produit est autorisé à Maurice. « Mo ti amen sa prodwi la, ena enn an. Mo ti amen enn gro stok. Pa bann slingshot profesyonel sa. Bann profesyonel la ki interdi. Sann la li inpe zouzou et li plis pou zenfan », argue-t-il.

Un autre internaute propose des tobacco rolling machines, toujours au prix de Rs 200. Sollicité à travers le numéro fourni dans le « post », l’internaute, un jeune d’une vingtaine d’années, joue la carte de l’ignorance. « Abon ? Pa gagn drwa amenn sa ? » lance-t-il. Pourtant, l’item « Rolling machines, other than rolling machines of industrial types, used to manufacture cigarettes » figure clairement sur la liste des « prohibited imports » du département concerné de la Mauritius Revenue Authority.

Interrogé sur la provenance de ces tobacco rolling machines, le jeune indique que c’est un ami qui les lui a offertes. « Enn kamwad kinn amenn sa pou mwa depi lostrali. Linn donn mwa sink. Monn gard enn pou mwa e mo dir mo vann kat ki reste parski mo pa pou servi tou sa. Mem zour toule kat inn vande », dit-il l’air inquiet. Le gérant du magasin, lui, relativise. « Peut-être que le douanier s’est rendu compte que les lance-pierres sont de petite taille et que, du coup, elles ne constituent aucune menace pour l’homme », dit-il.

Un internaute, qui se fait appeler Danger fatal sur Facebook, propose des fusils à billes, interdits à l’importation et à la vente. L’annonce est on ne peut plus directe : « Babygun for sale. Pas reste buku. Livraison Vacoas zordi. Tel : ... Cki pou prend vine prend li Vacoas cot moi, merci. Pas inbox ! » Nous avons vainement tenté de joindre le vendeur, mais le téléphone était éteint.

Parmi les produits qu’on retrouve également en vente sur les réseaux sociaux figurent les Bear Claw Knives. Il s’agit d’un couteau rétractable pouvant aussi servir de coup de poing américain. Le vendeur se fait appeler Al Lien. Aucun numéro de contact n’est fourni. Les intéressés doivent obligatoirement envoyer un message privé pour prendre contact avec le vendeur. Idem pour la vente de torche électrique que propose un certain Nas Ru Deen. Là encore, aucun numéro de téléphone. Juste une annonce : « Seki interesse inbox ou comment ». Outre les produits mentionnés ci-dessus, il y a des « tasers » et les Kutoban, armes contondantes de défense personnelle.

Chandraduth Lochun, de la MRA : « Plusieurs dispositifs pour contrôler l’accès des produits interdits »

Chandraduth Lochun, Technical Officer à la Mauritius Revenue Authority (MRA), explique qu’il existe trois moyens pour faire entrer ces produits à Maurice. Primo, par voie postale ou par courrier. Secundo, par voie aérienne (marchandises et valises). Tertio, par voie maritime (valises et conteneurs). « Pour contrôler l’accès de ces produits au territoire mauricien, la MRA a mis en place de nombreux dispositifs », ajoute  Chandraduth Lochun.

Il y a l’utilisation d’un Risk Management System ciblant les conteneurs suspects, l’inspection physique des marchandises, l’utilisation de scanners à rayon X et de chiens-renifleurs, l’analyse des documents soumis à la MRA et l’inspection des marchandises chez l’im­portateur, même lorsque le conteneur a quitté l’enceinte portuaire. La MRA compte renforcer ses contrôles à nos frontières, à travers une surveillance accrue à l’aide d’Interceptor Boats, de scanners à rayon X mobiles et de chiens renifleurs, avec la collaboration de la garde côte nationale, de la brigade anti-drogue et des Fisheries Protection Services. Des formations permettent de renforcer l’action de ces officiers.

Ravi Busgopal, administrateur d’acheter vender : « Aucun contrôle sur la vente de ces produits »

Ravi Busgopal est l’un des administrateurs de la page Acheter Vender ou Echanger Buy and Sell or Exchange in Mauritius, regroupant quelque 420 000 membres. Il est catégorique : impossible d’exercer un quelconque contrôle sur la vente des produits interdits ou contrôlés à Maurice. « Les internautes qui vendent ces produits se cachent souvent derrière de faux profils. Le seul recours que nous avons, en tant qu’administrateurs, c’est de bannir l’internaute du site ou de le report à Facebook.

Mais le temps que Facebook réagisse, très souvent le post est déjà répandu sur le réseau social, les ventes sont déjà faites et le profil déconnecté », dit-il. Dressant un profil de ces internautes, Ravi Busgopal indique qu’il s’agit souvent de jeunes ou d’étudiants. « Ces internautes ne sont pas des gros wholesalers. Ils ont quelques unités à vendre et ces produits sont vite écoulés.

Si certains affichent leur numéro de téléphone, d’autres se montrent prudents et demandent qu’on les contacte en message privé », ajoute-t-il. Quid des clients ? « Il existe, en effet, une clientèle pour ces produits, mais c’est un petit nombre de gens. Cela se voit d’ailleurs sur le peu de likes que récoltent ces produits mis en vente », précise-t-il.

Nasseerudin Bulladin , de la cyber Crime Unit : « Pas de plainte pour objets interdits »

Au niveau de la Cyber Crime Unit, le sergent Nasseerudin Bulladin assure que son unité travaille de concert avec l’IT Unit de la police pour traquer et sévir contre ceux qui vendent des produits interdits.

« Nous pouvons engager des poursuites suivant des renseignements obtenus par l’IT Unit. Cette unité est chargée de filtrer les réseaux sociaux ou agit lorsqu’elle reçoit une plainte du public. Sauf que, nous ne recevons jamais de plainte pour objets interdits. En effet, le client qui a été arnaqué sait parfaitement qu’il ne peut détenir de tels objets. C’est donc l’IT Unit de la police qui nous fournit des renseignements. Nous initions alors une enquête en nous basant sur les renseignements obtenus et nous convoquons le vendeur », précise le sergent Bulladin.

Quid de ceux se cachant derrière de faux profils ? « Même si le vendeur utilise une fausse identité, nous pouvons remonter jusqu’à lui. D’ailleurs, nous l’avons fait à de nombreuses reprises, surtout dans les cas d’incitation à la haine raciale à travers des commentaires postés en ligne », ajoute notre interlocuteur.

Concernant les peines encourues, le sergent Bulladin indique que la vente des produits interdits est punie par la loi, sous la section 4 de la Cyber Crime Act. Toute personne s’adonnant à de telles pratiques risque une amende n’excédant pas Rs 200 000 et une peine de prison ne dépassant pas deux ans. « Cependant, toutes ces dispositions légales ne sont pas répertoriées dans un seul texte de loi. Par exemple, les armes à feu sont régies par la Firearms Act, tandis que la Copyright Act s’applique aux produits contrefaits. Un couteau peut, certes, être proposé à la vente, mais uniquement dans les magasins ou lors des foires, mais pas dans la rue, encore moins en ligne », conclut-il.

Me ashok Radhakissoon : « Aucune loi spécifique pour réglementer l’e-commerce »

Le commerce en ligne est assujetti aux mêmes lois règlementant le commerce dans le pays. C’est ce qu’indique l’avocat Ashok Radhakissoon. Tout produit interdit à la vente sur le territoire l’est donc également en ligne. « L’Electronic Transactions Act établit un cadre pour les ventes en ligne, mais il n’existe aucune loi spécifique règlementant la vente en ligne ou les produits vendus en ligne », déclare l’homme de loi.

Ce sont alors les dispositions du Code civil et du Code pénal qui s’appliquent lors d’un achat ou d’une vente en ligne, comme toute transaction normale qui se fait sur le territoire mauricien. « Les produits considérés ‘hors commerce’ ne peuvent de facto être vendus ni en ligne, ni sur le territoire », ajoute-t-il. Les contrevenants risquent une amende et la saisie du produit incriminé.

Produits interdits

Les produits interdits (prohibited) sont des produits dont l’importation et l’exportation sont interdites pour des raisons liées à la santé, l’environnement, la protection des espèces en danger, de la flore et de la faune, la sécurité,  la législation, entre autres. Ces produits, s’ils sont importés, peuvent faire l’objet de saisie et détenus par les douanes, leur bénéficiaire risque une amende. Les produits interdits ne peuvent être dédouanés. Ci-dessous une liste non exhaustive :

  1. Pneus en caoutchouc remaniés, rebouchés ou recreusés
  2. Poêles en kérosène du type ‘lampes vertes’ et leurs pièces
  3. L’ivoire et la carapace de tortue
  4. Harpon (fusil sous-marin)
  5. Le sucre et les confiseries au chocolat et les gommes à mâcher sous forme de cigarettes
  6. Les pièces de rechange et accessoires de véhicules de seconde main tels que : Tubes and wheels; Macpherson strut assembly; Injector nozzles; Chassis and parts thereof; brake linings; Clutch nut and parts thereof; Filters; Hoses; Engine mountings; Belts ; Oil seals; Ball joints; Bearings ; Shock absorbers; Coil spring, leaf spring and torsion bar; Body shells of motor-cars or any parts of motor-cars originally welded by the manufacturer to their structured body shells or chassis; Jacks Second-hand motor vehicles tyres.
  7. Les casques de motocycliste en forme de jouet
  8. Chauffe-eau électrique avec élément, pièces de rechange et accessoires.
  9. Lampes électriques portatives, communément appelées penlights laser ou les torches de 1 MW ou plus
  10. Pistolets jouets et fusils avec projectiles
  11. Fausse monnaie
  12. Produits portant le nom, l’adresse ou la marque d’un fabricant, du revendeur ou le nom d’un lieu, de manière à donner à ces articles un caractère spécial de fabrication qu’ils ne possèdent pas
  13. Bull Bar
  14. Jouet connu sous le nom Yoyo water ball
  15. Produits cosmétiques contenant de la vitamine K1 (Phytonadione)
  16. Hameçons de petite taille
  17. Les papiers à tabac (roll your own cigarette) importés en vertu du Code SH n ° 48.13
  18. Les rolling machines, autres que celles du type industriel, utilisées pour la fabrication de cigarettes
  19. Plantes et produits végétaux

Produits contrôlés

Les produits contrôlés peuvent être importés ou exportés à condition que l’importateur ou l’exportateur obtienne au préalable les autorisations nécessaires. Pour les denrées alimentaires, il faut obtenir les permis appropriés du ministère de la Santé et/ou de l’Agriculture. L’importation/l’exportation des  balances  requiert l’autorisation des Legal Metrology Services. Pour les produits pharmaceutiques, il faut l’autorisation du pharmacien du gouvernement. Lorsque les autorités refusent d’approuver une demande de permis pour des raisons de santé, phytosanitaires, ou pour risque à la sécurité, les produits importés sont passibles de saisie. Ci-dessous  une liste non exhaustive des produits contrôlés :

  1. Feux d’artifice (pétards)
  2. Casque de moto
  3. Les diamants bruts (autres que ceux importés du Liberia)
  4. L’or (y compris l’or platiné) sous formes brutes ou mi-ouvrées
  5. Moteurs hors-bord (au-dessus de 15 HP)
  6. Régulateurs non réglables pour être utilisés avec du butane et du gaz  liquéfié (GPL)
  7. Chauffe-eau électriques et thermoplongeurs et leurs accessoires
  8. Câbles électriques
  9. Disjoncteurs avec résiduels dispositifs actuels à 1000 V
  10. Câbles électriques isolés avec des matières plastiques
  11. Jeux composés de pièces de monnaie, de billets de banque, de cartes bancaires, de jetons ou autres moyens de paiement, autres que le « Bowling Alley »
  12. Briquets de poche, à gaz, rechargeables
  13. Véhicules de seconde main/reconditionnés
  14. Pièces de rechange et accessoires pour véhicules de seconde main
  15. Tubes et tuyaux (autres que les tubes et tuyaux constitués d’une armature métallique) pour le raccordement du gaz de pétrole liquéfié (GPL) aux appareils domestiques à gaz
  16. Machines de pesage (utilisation commerciale)
  17. Balances (utilisation commerciale)
 

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