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Comités sur la réforme de la Basic Retirement Pension : le ciblage attise la colère des syndicalistes

Reaz Chuttoo et Narendranath Gopee.

Dans le sillage du Budget 2025-2026, le gouvernement accélère la mise en œuvre de sa réforme du système de pension. Ce lundi 16 juin, lors d’une réunion spéciale du Conseil des ministres, il a été confirmé que deux comités ont été institués pour baliser l’approche ciblée de l’allocation de la pension de vieillesse. Cette annonce a immédiatement suscité de vives réactions dans le milieu syndical.

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Reaz Chuttoo : « Un virage à 180 degrés incroyable »

Reaz Chuttoo ne cache pas sa colère. Dès l’annonce de la mise en place du comité présidé par le Premier ministre pour encadrer une aide ciblée – et donc conditionnée – à certaines catégories de personnes âgées entre 60 et 65 ans, il réagit vivement. 

« C’est choquant. Aujourd'hui, une personne doit prouver qu’elle est malade, vulnérable ou dans le besoin pour avoir accès à une pension qui, jusqu’ici, était un droit universel. » Le dirigeant de la CTSP critique frontalement le ministre Ashok Subron. Selon lui, c’est un reniement total de ses engagements syndicaux passés. « Il salue la décision, alors que toute sa vie il a dénoncé les logiques de ciblage et de sélection sociale. C’est un virage à 180 degrés. » Reaz Chuttoo va plus loin et ne reconnaît plus en Subron un compagnon de lutte. « Ashok Subron n’est plus un frère. Il a quitté le combat ouvrier. Dorénavant, on ne dira plus « kamarad » Subron, mais bien l’honorable ministre. C’est une rupture symbolique. » Il conclut que la CTSP ne négociera jamais un droit conquis de haute lutte.

Clency Bibi (GWF) : « Un retour en arrière social »

Pour Clency Bibi, porte-parole de la General Workers Federation, l’annonce du Cabinet est plus qu’une maladresse : c’est une atteinte au principe fondamental de justice sociale. « Ce n’est pas une simple réforme administrative. C’est une manière de dire que seuls ceux qui cochent certaines cases auront droit à une pension. Cela va contre tout ce que représente l’État-providence. »  Il dénonce une politique qui risque de marginaliser davantage ceux qui travaillent dur toute leur vie, mais qui n’entrent pas dans les critères du ciblage. « Ce genre de logique accentue les inégalités. Les pauvres devront se justifier, prouver leurs souffrances. Pendant ce temps, les mieux nantis n’ont jamais à rendre de comptes. »

Clency Bibi appelle le gouvernement à revoir sa copie. « Il faut faire preuve d’humanité. Derrière chaque bénéficiaire potentiel, il y a une vie, une histoire, une dignité. Ce n’est pas négociable. » Selon lui, la mise en place d’un comité n’est qu’un habillage politique d’une décision déjà prise. « Le gouvernement teste le terrain, mais il sait déjà où il va. Il faut que la population se mobilise. »

Deepak Benydin : « Créer deux catégories de retraités est inacceptable »

Le syndicaliste Deepak Benydin fustige la création de ce qu’il considère être une « pension à deux vitesses ». Pour lui, cela équivaut à créer une hiérarchie entre les citoyens à l’âge de la retraite. « Cette réforme propose de dire que certains sont assez pauvres ou malades pour mériter une pension, et que les autres, non. Mais où est l’égalité dans cette approche ? » Il met en garde contre les conséquences psychologiques sur les personnes âgées qui se sentiront exclues ou humiliées. Deepak Benydin estime que l’objectif du gouvernement est clair : faire des économies sur le dos des plus vulnérables. « Plutôt que de réformer la fiscalité ou d’optimiser les dépenses de l’État, on tape sur la pension. C’est la voie facile, mais injuste. »

Il affirme que d’autres solutions existent : audit du National Pensions Fund, lutte contre la fraude fiscale, taxation des grandes fortunes. « C’est une question de choix politique. Aujourd'hui, le gouvernement choisit l’exclusion. »

Haniff Peerun (MLC) : « Un ciblage dangereux »

Du côté du Mauritius Labour Congress, Haniff Peerun dénonce un plan conçu pour retarder l’échéance d’une réforme déjà entérinée. Il perçoit dans cette stratégie une volonté de calmer les esprits. « Le ciblage ne passe pas. On tente de le faire avaler avec des mots techniques, des comités, mais sur le fond, c’est la fin de la pension universelle à 60 ans. » Il prend à partie l’héritage de certains élus. 

« Je doute que Paul Bérenger, s’il était dans l’opposition, aurait gardé le silence sur ce qu’il aurait qualifié, à juste titre, de recul social. » Haniff Peerun souligne une contradiction : des anciens ministres continuent de percevoir leurs pensions, alors que des travailleurs seront bientôt contraints de justifier leur droit à vieillir dignement. « Je lance un appel solennel au Premier ministre. Ce débat dépasse les lignes partisanes. Il engage l’avenir de la protection sociale dans ce pays. » Il invite les parlementaires de la majorité à sortir de « l’omerta politique ». « L’histoire jugera ceux qui ont choisi de rester silencieux. Il est encore temps de corriger le tir. »

Narendranath Gopee : « La pension universelle est non négociable »

Pour Narendranath Gopee, président de la National Trade Union Confederation (NTUC), la question de la pension universelle dépasse le cadre politique. « Il faut prendre une décision sociale », affirme-t-il. Selon lui, la pension de vieillesse représente avant tout « une reconnaissance de l’État envers ses citoyens âgés ». « C’est une allocation symbolique qui valorise les efforts de ceux qui ont contribué au développement du pays », explique le syndicaliste.  Narendranath Gopee insiste sur le caractère non négociable de cette pension universelle. 

« Ce n’est pas une simple décision politique, mais une considération sociale fondamentale », ajoute-t-il. Pour lui, il est essentiel que toutes les parties prenantes soient pleinement associées aux discussions concernant l’avenir de cette mesure.
 

  • Nou Lacaz

 

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