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Combat contre la fraude et la corruption : des vœux pieux

Malgré les engagements affirmés par tous les partis politiques traditionnels à Maurice pour lutter contre la fraude et la corruption, ce fléau persiste et continue d’affecter le pays et ses institutions. Comment y remédier ? Thierry Laurent La création d’une Financial Crimes Commission (FCC) fait l’objet de vifs débats depuis quelques semaines.

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Une large frange de la société civile dénonce les pouvoirs excessifs accordés à cette nouvelle agence, et surtout à son directeur général. Ces pouvoirs sont perçus comme anticonstitutionnels et empiétant sur l’autorité du Directeur des poursuites publiques (DPP).

Cependant, force est de constater que les diverses initiatives des partis politiques au pouvoir à différentes époques n’ont jamais convaincu, mettant en doute la sincérité et la volonté des acteurs politiques à combattre efficacement la fraude et la corruption à Maurice. L’avocat Parvez Dookhy est catégorique dans son constat : tous les gouvernements ont complètement manqué l’occasion de lutter efficacement contre la fraude et la corruption. Il souligne particulièrement ce qui s’est passé sous le gouvernement MSM-MMM en 2000, qualifiant de très grave la dissolution de l’Economic Crime Office (ECO).

Une action extrêmement préjudiciable, selon lui, surtout étant donné qu’un des dirigeants du MMM était sur le radar de cette ancienne agence anticorruption. Il souligne également le caractère choquant de cet épisode, notant que tous les dossiers de l’ancienne ECO avaient été remis à la Mauritius Revenue Authority (MRA) et que ces enquêtes n’ont jamais été relancées depuis, sans aucune explication.

La création de l’Independent Commission Against Corruption (Icac) n’a pas été plus efficace, poursuit l’avocat. Selon lui, bien que le système de nomination, qui consistait en un comité composé du Premier ministre, du leader de l’opposition et du président de la République pour déterminer l’identité du directeur général, ait été salué par certaines voix, il n’en demeure pas moins que c’était toujours le Premier ministre qui avait le dernier mot. Et les choses se sont détériorées par la suite avec la décision de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam de changer le mode de nomination.

Mode de nomination qui est d’ailleurs toujours en vigueur, où le président nomme le directeur général sur les conseils du Premier ministre, avec une consultation avec le leader de l’opposition qui n’a pas de valeur significative. Toute cette réflexion conduit Parvez Dookhy à affirmer que la lutte contre la fraude et la corruption est faussée dès le départ, notamment en raison de l’absence d’une loi sur le financement des partis politiques. « En l’absence d’une telle législation, une entreprise qui obtient un contrat sous un gouvernement peut facilement faire un don politique au parti au pouvoir en signe de gratitude.

C’est clairement un acte de corruption qui persiste depuis la nuit des temps à Maurice et qui perdurera tant qu’il n’y aura pas de loi appropriée », soutient-il. L’avocat Dev Ramano abonde dans le même sens. Tous les partis politiques traditionnels à Maurice opèrent avec des « caisses noires », avance-t-il. Malgré le plafond de dépenses autorisées par la Commission électorale lors des campagnes électorales, ces partis le dépassent fréquemment, souligne-t-il.

D’ailleurs, selon lui, les sources de financement des partis politiques traditionnels pendant les campagnes électorales, proviendraient souvent du blanchiment d’argent, de barons de la drogue ou d’autres sources liées à des activités illicites. Pour Me Dev Ramano, il n’est pas surprenant de voir des criminels liés à la drogue entourer les leaders politiques traditionnels de tous bords lors des campagnes électorales et prendre des photos avec eux. Bien que Dev Ramano critique les pouvoirs jugés excessifs et anticonstitutionnels attribués à la (FCC, et condamne le MSM pour avoir présenté un tel texte de loi au Parlement, il exprime des doutes sur la sincérité de l’opposition parlementaire pour réellement abolir cette législation en cas de victoire électorale.

Tout en saluant les positions de l’opposition contre ce texte de loi, il fait ressortir qu’une fois au pouvoir, bien souvent de nombreux partis d’opposition sont tentés d’utiliser les institutions à leurs propres fins politiques. Il met en lumière le risque que les pouvoirs accordés à la FCC soient une tentation forte pour tout parti traditionnel arrivant au pouvoir, l’incitant à les utiliser à des fins politiques partisanes.

Le combat contre la fraude et la corruption n’a pas été parfait, concède l’avocat Penny Hack. Cependant, pour lui, ces dix dernières années ont représenté le point le plus bas de cette lutte, marquées par des tentatives de dissimulation et un abus excessif de l’Icac. Le démantèlement de l’ancienne BAI, qu’il considère comme une vengeance politique et personnelle, illustre à quel point le régime en place a donné un mauvais exemple dans la lutte contre la fraude et la corruption, estime-t-il.

Pour nos interlocuteurs, l’utilisation à des fins politiques des agences anticorruption a miné la crédibilité de ces institutions, créant un climat de doute parmi les citoyens quant à la capacité des autorités à mener des enquêtes impartiales et à poursuivre les responsables de manière équitable. Afin de restaurer la confiance dans le système, il est impératif de renforcer l’indépendance des organes chargés de lutter contre la corruption et de veiller à ce qu’ils opèrent sans aucune influence politique.

 

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