Clensy Appavoo : « Si ce qu’on a vu et entendu est vrai, c’est dangereux»

Maurice a enregistré un taux d’investissement de 23,5 % en 2023 et un record d’entrée des investissements directs étrangers (IDE) de Rs 37 milliards lors de la même année. L’investissement du secteur privé avait atteint Rs 109 milliards. S’il y a un élément qui est indispensable pour les investisseurs, c’est bien la confiance. Sera-t-elle ébranlée en raison de l’affaire des écoutes téléphoniques ?

La rude bataille pour l’accession au pouvoir du pays se poursuit. Dans cette ère moderne, la technologie pourrait faire le bonheur des uns et le malheur des autres. La diffusion de certains extraits de plusieurs appels téléphoniques ciblés sur les réseaux sociaux sur la page d’un certain Missie Moutass pourrait être un des faits marquants de la campagne électorale 2024. Elle pourrait être un tournant décisif dans l’éventualité que les responsabilités soient établies après enquête. En plus des effets que cette affaire pourrait provoquer dans les plus hautes sphères du pays, elle ne sera pas sans conséquence sur le milieu des affaires. Les investisseurs étrangers seront attentifs et à l’écoute de l’évolution de cette affaire.   Clensy Appavoo, CEO & Senior Partner de HLB Mauritius, précise que cette affaire touche à la population et au milieu des affaires. « Le milieu des affaires a besoin de travailler dans un climat de confiance. Si ce qu’on a vu et entendu est vrai, c’est dangereux », dit-il. Un communiqué de la police le 20 octobre indique qu’une enquête sera initiée pour déterminer l’authenticité des conversations téléphoniques qui ont fuité sur les réseaux sociaux. 

Cependant, Clensy Appavoo fait observer que le Premier ministre sortant, Pravind Jugnauth, a dit que les extraits publiés émanent des sources illégitimes et de l’intelligence artificielle. « Ce qui met plus de doute dans la tête des gens. On ne peut pas tirer un trait sur cette affaire de façon rapide. Cette affaire aura des effets sur les investissements à Maurice. Dans l’éventualité qu’il y ait eu des écoutes, il y aura plein de questions sur la juridiction », avance le CEO & Senior Partner de HLB Mauritius.  

Pratique courante

Les investisseurs étrangers verront-ils Maurice comme une juridiction à risque à cause de cette affaire d’écoutes téléphoniques ? Shahed Hoolash, Managing Director de Vistra, lie cette affaire à l’approche des élections générales qui auront lieu le 10 novembre. Il avance que les clients étrangers ne sont pas concernés par les élections à Maurice. « Les écoutes téléphoniques existent à travers le monde. Pourquoi est-ce que les investisseurs étrangers seront inquiets ? Ils n’ont rien à cacher. La majorité des investisseurs qui utilisent la juridiction mauricienne ont un “track record” », argue Shahed Hoolash. Dans le même ordre d’idées, le Dr Chandan Jankee, économiste, est d’avis que si un investisseur est droit et n’est pas impliqué dans des affaires illicites, il n’a pas à s’en soucier. 

Quant aux investisseurs étrangers, ajoute-t-il, certains sont issus des États-Unis. « Est-ce qu’il n’y a pas d’écoutes téléphoniques aux États-Unis, en Russie ou au Royaume-Uni ? Je ne pense pas que cette affaire affectera les investisseurs étrangers pour qui la stabilité économique d’un pays est primordiale », argumente l’économiste. Or, en France, l’ancien président, Nicolas Sarkozy, avait été condamné en appel à trois ans de prison en 2023 pour « corruption et trafic d’influence » suivant une affaire des « écoutes ».

Selon le Dr Chandan Jankee, la juridiction mauricienne est bien respectée. Pour lui, il n’y a pas de doute que l’affaire des écoutes téléphoniques va s’éteindre. « Avec l’émergence de l’intelligence artificielle, il faut se questionner sur la véracité de ce qui a été publié », conclut-il.