
Le gouvernement lance une réforme pour moderniser l’octroi des permis de travail, fondée sur une classification claire des emplois, un cadre d’accréditation des employeurs et un portail numérique doté de l’intelligence artificielle. Ce nouveau dispositif, validé par le Conseil des ministres, promet de centraliser les procédures jusque-là fragmentées. Les syndicats, eux, réclament des garanties et la transparence.
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Le Conseil des ministres a approuvé, le vendredi 8 août 2025, l’introduction d’un nouveau système fondé sur des règles claires pour la délivrance des permis de travail. Cette réforme, annoncée dans le discours budgétaire 2025-26, vise à moderniser et à structurer la procédure actuelle.
Ce dispositif s’articule autour de trois piliers majeurs. Le premier porte sur une classification normalisée des emplois avec un système d’enregistrement précis des grades d’emploi et des informations liées aux Remuneration Orders. Un modèle de contrat type sera généré pour limiter les modifications unilatérales des conditions d’emploi par les employeurs.
Le second point concerne l’instauration d’un cadre d’accréditation pour les employeurs afin de s’assurer qu’ils respectent la législation. Enfin, le troisième pilier est un portail unique en ligne, intégrant des outils d’intelligence artificielle. Il facilitera la publication des offres d’emploi et l’accès des demandeurs aux postes vacants.
Un comité de pilotage, sous la direction du Bureau du Premier ministre et incluant plusieurs ministères et organismes, coordonnera le projet. Une fois le système en place, toutes les demandes de permis de travail passeront par le National e-Licensing System. La loi sur les restrictions d’emploi des non-citoyens sera également amendée afin de permettre la délivrance d’un permis combiné de travail et de résidence.
Une réforme saluée, mais sous conditions
La Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) salue cette réforme. « Il était grand temps de mettre de l’ordre dans le système de recrutement des travailleurs étrangers à Maurice », indique Jane Ragoo, sa porte-parole, qui dénonce la gestion fragmentée jusque-là.
« Parfois c’est le ministère du Travail qui s’en chargeait, parfois l’Economic Development Board. Il n’y avait pas vraiment de règlements clairs. Maintenant que tous les permis seront traités sous un seul et même toit, ce sera plus facile de faire le suivi des dossiers », avance-t-elle.
Pour autant, la CTSP formule plusieurs exigences. Elle demande que le recrutement privilégie des accords Government-to-Government avec les pays fournisseurs. « Si des travailleurs bangladais sont recrutés, le gouvernement mauricien devra signer un accord avec le Bangladesh. Idem pour les Malgaches et les Népalais, entre autres », ajoute la syndicaliste.
Jane Ragoo insiste aussi pour exclure les employeurs inscrits sur la liste rouge pour violations des droits humains tant qu’une due diligence n’aura pas été faite. De plus, elle réclame davantage de transparence sur les agents recruteurs, dénonçant les abus. « Il y a trop d’arnaqueurs qui réclament des frais. Or, les travailleurs étrangers n’ont rien à payer pour venir travailler à Maurice », martèle-t-elle.
Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, dénonce, lui, l’absence de consultations syndicales lors de la conception du nouveau système. « Maurice est déjà gouverné par des lois du travail, telles que l’Employment Rights Act et l’Employment Relations Act. Tout changement législatif doit faire l’objet de consultations avec les syndicats », dit-il.
Il déplore que, contrairement au patronat, les représentants des travailleurs n’aient pas été consultés, même sur le Finance Bill. « Avec un dialogue sincère, des décisions allant dans l’intérêt des travailleurs pourraient être prises en considération. »
Sur le volet technologique, Haniff Peerun réclame des éclaircissements sur le fonctionnement du National e-Licensing System : « Quels critères seront appliqués ? Cela concernera-t-il tous les travailleurs, mauriciens comme étrangers ? » Il estime que les prochaines Assises du travail, prévues en septembre, seront l’occasion d’aborder ces questions.
« La formule ‘one size fits all’ ne devrait pas fonctionner ici », estime-t-il. Il rappelle que Maurice est signataire de conventions avec l’Organisation mondiale du travail qui préconisent des consultations avec toutes les parties prenantes. « Le gouvernement doit donc respecter cet engagement », conclut-il.
Pradeep Dursun, COO de Business Mauritius : « Des mesures pour combler rapidement les lacunes en matière de personnel »
Business Mauritius salue la décision du Conseil des ministres de rationaliser et d’améliorer le système d’octroi de permis de travail aux travailleurs étrangers.
« Nous soutenons ces mesures qui visent à combler rapidement les lacunes en personnel, afin d’assurer la continuité des opérations des entreprises », indique Pradeep Dursun, le Chief Operating Officer.
Selon lui, cette initiative s’inscrit dans la continuité des efforts du gouvernement pour apporter des solutions concrètes à la pénurie de main-d’œuvre qui affecte plusieurs secteurs.
S’il se dit conscient que cette situation nécessite des réponses immédiates, il estime néanmoins qu’il est important de rester pleinement engagé dans une vision à long terme pour l’employabilité de la main-d’œuvre locale : « Nous travaillons activement avec nos membres et partenaires à la mise en place et au renforcement des programmes de formation, de perfectionnement et de reconversion professionnelle (upskilling et reskilling). »
L’objectif, poursuit-il, est de permettre à la main-d’œuvre mauricienne d’acquérir les compétences requises face aux besoins changeants de l’industrie. « La simplification des procédures administratives est une mesure accueillie. Nous savons que le processus actuel pouvait, par moments, entraîner des retards et des complications pour les entreprises. Nous sommes convaincus que ce nouveau système rendra les démarches plus efficaces et transparentes pour tous. »

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