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Clancy Philippe, ingénieur : «Le Land Drainage Master Plan doit être rendu public»

L’ingénieur Clancy Philippe préconise la mise en œuvre d’une amélioration de la capacité du système des drains dans Port-Louis. Une des solutions serait de retenir temporairement l’eau de pluie au pied des montagnes par exemple au Champ de Mars, une solution cruciale pour diminuer l’intensité des inondations futures vers le centre de Port-Louis. 

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Votre analyse approfondie sur les inondations de Port-Louis ? 

Mon analyse révèle un sérieux déficit au niveau de la capacité des drains de Port-Louis à contenir l’eau de pluie. Revenons en arrière. Les constructeurs français avaient conçu des conduits d’évacuation de manière à dévier l’eau des montagnes vers des canaux, qui se déversaient ensuite vers le bas de Port-Louis. Historiquement, l’eau était ensuite dirigée dans la rade de Port-Louis. Depuis 1840, 1865, 1888, 1896, 1904, 1929, 1995 et jusqu’en 2013, Port-Louis a été frappée par des inondations à répétition. 

La plus récente remonte à 2024. Nous sommes confrontés à un cycle, car les inondations autour de la capitale se produisent à des intervalles plus ou moins spécifiques. Mais l’imperméabilité de Port-Louis a considérablement augmenté. Plusieurs facteurs y sont associés, comme la présence d’obstructions dans le système des drains. 

Quels autres facteurs pourraient expliquer des inondations d’une telle ampleur à Port-Louis ? 

Tout d’abord, l’abattage d’arbres sur les montagnes qui ne retiennent plus l’eau de pluie. Certaines maisons ont été érigées au pied des montagnes autour de Port-Louis, réduisant ainsi la perméabilité du sol. 

Ensuite, il est impératif de réexaminer nos drains, dont la construction ne date pas de 2013 mais de 1840 voire avant. Des ingénieurs britanniques avaient proposé en 1870 une mise à jour de nos drains, mais la proposition avait été rejetée par les administrateurs de l’époque. Ce n’est qu’en 1894 que le système de drains à Port-Louis a été dernièrement amélioré. 

Pensez-vous que notre système d’évacuation résistera aux situations extrêmes découlant du réchauffement climatique ? 

Les drains ne sont plus à la hauteur de la tâche ! Sans intervention, d’autres inondations, de plus en plus dévastatrices, sont à prévoir. Il est primordial de résoudre ce problème tant qu’il est encore temps. Je suis un enfant de Port-Louis, ayant vécu à la rue Madame. Il y avait un drain qui acheminait l’eau de la montagne vers la rade de Port-Louis. Au fil du temps, les autorités successives ont construit des parkings sur certains de ces drains, maintenant couverts de plaques en béton armé. 

Toutefois, lors des averses, ce type de drain se bloque et ne peut évacuer l’eau convenablement, provoquant des débordements sur les routes. Autrement dit, certaines infrastructures mal placées peuvent se transformer en de véritables barrages.

 À qui incombe la responsabilité ? 

Cette problématique résulte de la négligence et de la responsabilité de plusieurs échelons gouvernementaux. Il y a un manque criant de drains à Port-Louis et à travers le pays. Des propositions de mise à jour sont restées en sommeil depuis la mise en œuvre du Land Drainage Master Plan en juin 2022. Ces informations doivent être rendues publiques. 

Si les autorités ne facilitent pas les choses, rien ne sera accompli. Le gouvernement doit publier le Land Drainage Master Plan, le rendre public et établir le modélisme du système de drains pour que les collectivités locales puissent entreprendre les travaux nécessaires. Il est crucial d’agir de manière holistique plutôt que de traiter le problème par petits morceaux ou de le déplacer d’un point à un autre. 
 

Quel est le véritable problème ? 

La capacité des drains de nos jours, surtout à Port-Louis, est insuffisante. Actuellement, les routes se transforment en véritables canaux quand il pleut à verse. C’est mon analyse. D’ailleurs, les inondations survenues en 2013 et en 2024 démontrent que les routes sont devenues des conduits d’eau. 

Cependant, je suis encouragé par le fait que la Land Drainage Authority (LDA) a commencé la modélisation des drains de Port-Louis en 2019. Le rapport de la LDA et de la National Development Unit, en date de 2019-20, identifie environ 250 zones sujettes aux inondations et 47 sites à haut risque pour les êtres humains. Bien que le rapport date de 2019-20, c’est un pas dans la bonne direction. Cependant, le défi réside surtout dans le manque de capacité des drains, tant à Port-Louis qu’ailleurs. La question qui se pose est la suivante : comment canaliser l’eau qui descend vers Port-Louis sans causer des inondations ? 

Quel devrait être le meilleur modèle d’aménagement du territoire pour Port-Louis  ? 

Tout commence par un inventaire des infrastructures existantes. Port-Louis, nichée dans un bas-fond, est entourée d’une rangée de montagnes et d’une rade. Je propose de faire place à une végétation pour retenir l’eau, surtout en flanc des montagnes et dans les parcs. Il y a trop de développements sauvages à travers la capitale. 

Un plan de développement approprié aurait dû anticiper que l’autoroute pourrait agir comme un barrage, provoquant une élévation du niveau de l’eau lors des inondations. Il semble que l’aménagement du territoire n’ait pas pris en compte le fait que les infrastructures, comme l’autoroute ou le métro, pourraient bloquer le cours de l’eau.

 Il est donc impérieux de repenser notre approche en matière de drainage urbain... 

Absolument. Les officiers de la LDA ont bien commencé, d’après les rapports que j’ai consultés. Ils sont sur la bonne voie, mais les autorités doivent agir, surtout face aux changements climatiques. Le système de drains de la ville de Quatre-Bornes, entre autres, doit également être réévalué. Un réseau de drainage souterrain ferait partie de la solution. 

Vous parlez d’une végétation à Port-Louis. Le Budget 2023-24 mentionne la démolition du bâtiment Emmanuel Anquetil pour créer un espace vert...  

La création d’un espace vert dans cette zone précise est une bonne idée. Cependant, l’eau de pluie sera absorbée lors de pluies légères, mais pas lors de fortes averses, ni pendant la saison cyclonique. La terre sera rapidement saturée. 

Êtes-vous en train de lancer un message aux autorités ? 

Le problème dans toutes les villes du monde est le bétonnage excessif. L’imperméabilité à Port-Louis est d’environ 90 % à certains endroits. Le Land Drainage Master Plan approuvé en juin 2022 ne doit pas rester dans un tiroir. Les autorités, surtout les municipalités, doivent songer à appliquer les mesures y figurant. 

Êtes-vous favorable à l’introduction d’un nouveau système d’avertissement lors des averses ? ​​​​​​​

Maurice peut adopter le système australien, avec l’installation de capteurs électroniques (sensors ; NdlR) dans les drains et les zones inondables à travers le pays. Ce mécanisme d’alerte indiquerait en temps réel le taux de pluviométrie, ce qui permettrait aux autorités de détecter les endroits à risque en avance et d’intervenir à tout moment. D’ailleurs ce mécanisme qui est hautement performant fait partie de la gestion des inondations.

La mise en place d’un réseau de tunnels hydrauliques sous les routes, acheminant l’eau jusqu’à la mer, serait-elle la meilleure solution ? 

Le concept doit impérativement s’inscrire dans une approche hydraulique et dans le contrôle des développements urbains munis d’un système adéquat de drains. 




 

 

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