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Christopher Perle, vedette devenue maçon : «ma vie est une vraie galère»

L’arrestation des athlètes Arnaud Casquette et Kinsley Leopold, pour vol et possession de drogue respectivement, braque les projecteurs sur les conditions de vie lamentables de ceux qui ont jadis fait flotter le quadricolore mauricien lors des rencontres sportives internationales.

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Si certains se sont fait une place au soleil en se recyclant, d’autres mènent une vie difficile dans l’indifférence la plus totale des autorités concernées et de la population. L’ancienne vedette du foot, Christopher Perle en est un exemple.

La pièce est sombre. La porte entr’ouverte du salon laisse passer un courant d’air. Assis sur un divan en rotin de couleur marron-ocre, les dreadlocks sur l’épaule, Christopher Perle se sent à l’aise dans son short de couleur bleu marine et son t-shirt blanc usé. Il revisite les temps forts de sa carrière et les buts qui ont fait de lui une vedette locale…

« J’ai fait mes débuts comme attaquant en 1991, au sein de l’équipe Maurice Espoir, où j’ai marqué une centaine de buts. Quelque temps plus tard, j’ai intégré le Sunrise Sporting Club, où je touchais Rs 5 000 mensuellement, en tant qu’attaquant. En 1998, un recruteur allemand m’a proposé un contrat pour jouer, au sein du Panderborn S.C., comme attaquant. Mon salaire mensuel avoisinait  les Rs 100 000. J’ai accepté l’offre, qui était alléchante, et j’ai passé trois ans en Allemagne. En 2000, j’ai décroché un contrat aux Seychelles avec un salaire de Rs 50 000. Là-bas, j’ai marqué une vingtaine de buts et j’ai raflé les titres de meilleur joueur étranger et de champion d’Afrique.

Après trois ans, je suis retourné au bercail. Deux ans plus tard, un sélectionneur réunionnais m’a proposé un contrat de cinq ans au sein du club tamponnais. à l’expiration dudit contrat en 2010, je suis rentré au pays », raconte l’ancien footballeur de haut niveau, qui a pris sa retraite sportive au lendemain de sa descente d’avion. Depuis son retour à Maurice, selon lui, rien ne va.

Christopher Perle raconte qu’il a du mal à trouver un emploi convenable et qu’il collectionne les petits boulots. L’artisan en herbe dit jongler aujourd’hui entre la maçonnerie et le jardinage, percevant en moyenne une somme de Rs 500 quotidiennement. Le footballeur confie qu’il éprouve parfois du mal à s’acheter de la nourriture, faute d’un salaire stable. « Ma vie est devenue une vraie galère », avouera-t-il. Il se fie donc à l’assistance de sa mère, qui habite à proximité. Sa seule conso­lation reste sa maison à étage construite avec son salaire de footballeur de haut niveau, perçu lorsqu’il était à l’étranger.

« Je condamne les agissements de Casquette et Léopold »

Depuis son retour à Maurice, le footballeur n’a guère tourné le dos à son passé. Ainsi, il insuffle la passion du jeu aux jeunes pousses de la localité. Il reste concerné par la performance de certains athlètes mauriciens et la déchéance des autres. L’ancien footballeur de haut niveau se désole que les sportifs Arnaud Casquette et Kinsley Léopold aient eu des démêlés avec la police pour vol et possession de drogue respective­ment. Il juge inacceptable que des sportifs, qui ont fait honneur au pays, se retrouvent dans de situations aussi dramatiques. Il insiste sur la nécessité de trouver des emplois à ces sportifs.

« Je condamne les agissements de Casquette et de Leopold. Je suis cependant d’avis qu’il ne faut pas juger trop vite les athlètes traversant des périodes sombres. Au lieu de juger leurs actes, j’invite le public à découvrir les raisons ayant poussé ces sportifs à commettre de tels actes qui ternissent l’image du sport local. Sont-ils suffisamment encadrés par leurs fédérations respectives ? Sont-ils rémunérés comme il se doit lors des rencontres sportives ? Autant de questions que l’on doit se poser avant de porter des jugements sur ces sportifs en difficulté », souligne Christopher Perle.

« D’ailleurs, c’est un fait. Ces athlètes autrefois auréolés ne sont pas reconnus à leur juste valeur par les autorités. Bon nombre de sportifs s’attendaient à une vie meilleure après avoir remporté des récompenses internationales. En guise de reconnaissance, la moindre des choses qu’une ancienne gloire pourrait obtenir des autorités serait un emploi décent, peu importe son niveau académique », poursuit notre interlocuteur.

Christopher Perle espère, toutefois, que son appel ne tombera pas dans les oreilles de sourds. « Je suis d’avis que les sportifs ont un rôle important à jouer, car ils doivent également se focaliser sur leurs études en vue de trouver un emploi stable, une fois leur carrière terminée. Mais les  autorités et autres fédérations sportives doivent réaliser que des athlètes sacrifient leur vie et leurs familles pour ramener des médailles pour le pays », affirme le footballeur.

Saleem Moossa et Stéphane Buckland devenus hommes d’affaires

Saleem Moossa et Stéphane Buckland

Saleem Moossa, qui a été footballeur au sein des Muslim Scouts, rebaptisé Scouts Club de 1976 à 1990, se désole en constatant que certains sportifs de haut niveau se retrouvent dans l’ombre après avoir brillé sur la scène locale et mondiale. Le footballeur, reconverti en homme d’affaires au fil du temps, est d’avis que, dès le départ, les aspirants athlètes de haut niveau doivent se focaliser sur leurs études en vue d’assurer leur avenir, une fois leur « carrière d’athlète » terminée.

« On ne choisit pas son enfance, mais on choisit tout de même son avenir. L’athlète doit songer à l’après-carrière, c’est-à-dire trouver un emploi permettant une rémunération systématique, avant la fin de sa carrière, qui dure entre 10 et 14 ans. C’est la raison pour laquelle les aptitudes académiques sont importantes dans la vie de tout sportif. Il est du devoir des autorités d’encadrer les athlètes durant et même après leur carrière sportive. Mais les sportifs ont également un rôle important à jouer : voler de leurs propres ailes et ne rien attendre de qui que ce soit à l’avenir », dit-il.

Saleem Moossa, qui a suivi un parcours éloquent dans le circuit footballistique, demande aux autorités et autres fédérations sportives de changer de mentalité concernant les athlètes qui font honneur au pays. « En guise de reconnaissance, les autorités doivent encadrer les athlètes afin que ces derniers ne tombent pas dans la précarité », insiste Saleem Moossa.
 En 2003, soit en pleine gloire, Stéphane Buckland songe à lancer son propre business − la commercialisation de nourritures. Aujourd’hui, l’ancien athlète de haut niveau, âgé de 40 ans,  jouit de sa reconversion réussie et continue à s’adonner à ses entraînements, au stade du Réduit, à ses heures perdues.

Qui ne connaît pas Stéphane Buckland ? Il est de ceux qui ont fait vibrer le pays aux championnats du monde d’athlétisme à Edmonton en 2001, aux championnats du monde à Paris en 2003, aux Jeux olympiques  d’Athènes en 2004, ou encore aux Jeux olympiques de Pékin en 2008… Devenu un véritable champion aux yeux du public, au fil des années, le spécialiste du 200 mètres a tout de même préféré prendre sa retraite d’athlète afin de se consacrer à sa famille et à ses trois enfants.

« Depuis que je me suis lancé dans le sport, j’ai toujours entendu dire qu’il y avait des athlètes qui n’ont rien obtenu des autorités après avoir brillamment représenté le pays lors des rencontres internationales. Je ne voulais pas me retrouver dans la même situation que mes confrères. C’est la raison pour laquelle je pensais déjà à ma retraite, avant même de terminer ma carrière de sportif de haut niveau », dit-il. Son entreprise est localisé à Curepipe et il offre également ses services au Champs-de-Mars.

Le gardien de but de l’ASPL 2000 arrêté - Christopher Leopold : « Mon frère n’est pas un trafiquant »

Joseph Kinsley Leopold, le gardien de but de l’ASPL 2000, est derrière les barreaux depuis mardi. Suspecté d’être impliqué dans un trafic de drogue, il a fait l’objet d’une perquisition par des limiers de l’Adsu, qui ont découvert 22 doses d’héroïne à son domicile, à Roche-Bois.  « Mon frère n’est pas un trafiquant », lâche Christopher, le frère du suspect. « Il s’est tout le temps consacré à son sport », affirme-t-il.

« Depuis son enfance, mon frère s’est intéressé au football. Il a commencé par jouer dans la rue dans le quartier, puis il a intégré des équipes. Le football est toute sa vie », explique Christopher Leopold. Il explique que c’est en tant qu’attaquant que son frère a commencé à jouer au ballon. « Il pensait pourtant qu’il se débrouillerait  mieux comme gardien de but. Il a essayé ce poste et y est resté ».

Son talent lui a valu le poste de goalkeeper attitré de l’Association sportive de Port-Louis 2000. « Cela fait trois ans environ qu’il joue dans cette équipe », poursuit notre interlocuteur. L’ASPL 2000, évoluant en première division, a été sacrée championne la saison dernière.

Son arrestation est un coup d’arrêt brutal dans sa progression en tant que joueur. « Il n’a jamais eu de démêlées avec la police. Chacun peut commettre des erreurs », dit Christopher. En effet, le soupçonnant d’être mêlé à un trafic de drogue, des limiers de la brigade antidrogue ont effectué une descente à son domicile mardi après-midi. Ils y ont découvert 22 doses d’héroïne et un gramme de cette même drogue. Le portier a été placé en état d’arrestation. « Les choses ne sont pas passées de la sorte. Mon frère n’a rien à voir avec un quelconque trafic », lâche notre interlocuteur.

Joseph Kinsley Leopold a comparu devant le tribunal de Port-Louis sous une charge provisoire de trafic de drogue. Il demeure en cellule policière. L’enquête se poursuit.

Ces athlètes en décadence

  • Arnaud Casquette, athlète de haut niveau et champion de saut en longueur, a été arrêté par la police, le 27 septembre 2016, pour vol.
  • Kinsley Leopold, portier de l’Association sportive de Port-Louis 2000 (ASPL 2000) a été arrêté à son domicile, le 27 septembre 2016. Il est suspecté d’être mêlé à un trafic de drogue.
  • Raoul Angelo Thomas, boxeur, a été arrêté par la brigade anti-drogue (Adsu) à son domicile. 23 boulettes d’héroïne, d’une valeur de Rs 6,63 millions, ont été saisies à son domicile à Ste-Croix.
  • En janvier 2004, le médaillé mondial de bronze en kick-boxing, Shyam Seebaluck, était interpellé par l’Adsu avec 20 grammes d’héroïne. Le prévenu a écopé de trois ans de prison. En 2009, le tireur comparait une fois de plus devant la justice pour extorsion et en 2012, il détrousse une ressortissante chinoise dans la région de Moka, avec un complice.
 

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