À la suite des résultats du premier tour des élections présidentielles en France, il a été révélé que 630 Français vivant à Maurice ont voté pour Éric Zemmour, dont le projet est de favoriser le nationalisme français. Qu’est-ce qui peut expliquer ce choix de la part de personnes qui ont choisi de vivre dans un pays aussi tolérant que pluriculturel ?
Il faut d’abord noter un fort taux d’abstention de plus de 60 % à Maurice et aux Seychelles. Ensuite, ce sont 630 détenteurs de la nationalité française parmi les 3 587 votants (soit 17 %) sur 9 643 inscrits (soit 6,5 %) vivant à Maurice et aux Seychelles qui ont choisi le candidat Zemmour au premier tour.
D’une part, nous n’avons pas le détail exact des votes à Maurice, séparés de ceux des Seychelles. D’autre part, nous ne connaissons pas la proportion d’expatriés français en comparaison avec celle des Mauriciens et Seychellois détenant la nationalité française qui ont voté ainsi au premier tour.
Il n’empêche que, pour tout citoyen de ces îles, ce sont des résultats qui interpellent. Nos pays ont connu la douloureuse histoire de la colonisation et ont des populations hybrides résultant du mélange historique de migrants, qu’ils soient volontaires (colons et migrants économiques) ou forcés (esclaves et travailleurs engagés). À Maurice, les différentes composantes de notre société semblent cohabiter relativement bien au quotidien, malgré quelques tensions latentes qui peuvent se manifester de temps à autre.
En tant que citoyenne de ce pays pluriculturel, je suis simplement perplexe au vu de la position extrêmement xénophobe du candidat Zemmour.
Certains parlent de vote de protestation, de ras-le-bol envers le statu quo. Mais était-ce la seule ou la meilleure option, compte tenu du grand nombre de candidats qui se sont présentés au premier tour et aussi du fait que le vote blanc est comptabilisé ?
Peut-on déduire qu’il existe à Maurice une frange de Français d’extrême-droite ?
C’est possible, comme il existe partout ailleurs des partisans d’extrême droite. “Frange” est probablement le mot approprié, car il s’agit d’un petit nombre dans l’absolu, même si on peut être personnellement effrayé par l’existence même de partisans de l’extrême droite française dans notre pays. Ce sont des personnes qui cohabitent avec les autres citoyens mauriciens et bénéficient du même État providence, qui ont migré eux-mêmes en tant qu’expatriés ou sont descendants de migrants détenant une double nationalité.
Comment peuvent ces personnes-là, dans leur vie quotidienne, concilier leur choix d’exclusion de ce qui n’est pas ‘Français’ avec une population mauricienne qui est, elle, pluriethnique et multiculturelle ?
Si ce sont des gens qui ont été effectivement séduits par le discours d’exclusion de ce qui n’est pas français, peut-être vivent-ils dans des bulles d’exclusion justement et ont-ils la nostalgie d’un ordre révolu, où la supposée supériorité de certaines “races” était encore soutenue et appliquée sans crainte de l’opprobre populaire.
Faut-il craindre une dérive extrémiste de droite au sein de la communauté française de Maurice ?
Les dérives existent déjà dans toutes les communautés, car l’être humain est enclin à croire sa communauté socio-ethnique meilleure que celle des autres et à essayer de la protéger contre ce qu’il perçoit comme des attaques sur son identité.
On a cependant tendance à penser que la communauté de votants français est en moyenne plus éduquée et plus fortunée que le citoyen mauricien lambda. Ceux qui souscrivent à l’agenda d’exclusion de ce qui n’est pas français disposent donc de plus de ressources, que ce soit en termes de soft power ou de moyens financiers et autres, pour appliquer un agenda raciste, ce qui est aussi inquiétant que d’hypothétiques débordements physiques.
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