Peut-on envisager une sortie de crise dans le bras de fer qu’ont entamé le gréviste Nishal Joyram et le gouvernement autour des prix des carburants ? Chacun campe sur ses positions. Reste que cette situation ne peut perdurer.
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Vingt. Ce dimanche, Nishal Joyram entame, en effet, son 20e jour de grève de la faim. Bien que fortement affaibli, il n’entend pas y mettre un terme à moins qu’une baisse des prix des carburants n’intervienne. Sauf que le gouvernement n’entend pas céder, semble-t-il. Du moins, pas dans l’immédiat.
« Il y aura une baisse du prix des carburants quand la situation le permettra. » C’est ce que s’est contenté de dire le ministre des Finances, vendredi, lorsqu’il s’expliquait sur la compensation salariale de Rs 1 000 accordée à tous les salariés du pays. Ce n’est pas la première fois que Renganaden Padayachy commente une éventuelle baisse des prix des carburants. Mais sa dernière déclaration diffère de celle faite au mois d’août, lorsqu’il avait publiquement affirmé que « les prix des carburants à Maurice peuvent baisser dans les mois à venir ».
La véritable question à se poser est : le gouvernement peut-il se permettre une baisse des prix des carburants ? Question que se posent d’ailleurs plusieurs observateurs politiques et économistes. Ils sont plus d’un à être convaincus du fait que c’est uniquement grâce à la surtaxation des prix des carburants que le gouvernement parvient à honorer ses engagements sociaux envers les Mauriciens. Comprenez par-là compensation salariale, mécanisme d’aide en faveur des Petites et moyennes entreprises (PME) pour financer la compensation salariale de Rs 1 000 à partir de fin janvier 2023, ainsi que d’autres aides sociales sur lesquelles le gouvernement semble reposer sa stratégie électorale.
« C’est la STC qui décide »
L’économiste Eric Ng tient d’abord à faire ressortir que la baisse des prix des carburants ne dépend pas du bon vouloir du gouvernement. « C’est la State Trading Corporation qui décide de cela en observant la situation du Price Stabilisation Account (PSA). Aussi longtemps que ce mécanisme est déficitaire, les prix des carburants ne peuvent baisser. Il faut que cela devienne positif », affirme-t-il.
Eric Ng fait cependant ressortir que si le gouvernement veut réellement influer directement sur les prix des carburants, il lui faut alors subventionner le PSA. Le gouvernement peut-il se le permettre ? « Je ne crois pas. Il y a la compensation salariale que le gouvernement va devoir financer à coup de milliards, il faut recapitaliser la Banque de Maurice. Lors du dernier Budget, le ministre des Finances avait annoncé la vente de plusieurs de ses actifs au coût de Rs 22 milliards, mais nous n’avons rien entendu en ce sens », dit-il.
Comment, dès lors, arriver à un compromis dans ce bras de fer opposant le gréviste Nishal Joyram au gouvernement ? La récente déclaration du Premier ministre, Pravind Jugnauth, démontre clairement aucune intention d’accéder à la requête du gréviste. Le chef du gouvernement a d’ailleurs qualifié l’action de Nishal Joyram de « déraisonnable ».
Sortie de crise
« Ou krwar mwa, Premie minis, mo kapav travay koumsa. Enn dimoun fer grev de lafin, mo bizin aksepte seki li dimande. Si koumsa tou dimoun fer grev de lafin, mo bizin aksepte », a-t-il martelé lundi, en réponse aux questions de la presse à l’occasion de l’inauguration du pont de Chamarel. Avant de préciser que son gouvernement sait comment et quand répondre aux problèmes auxquels font face les Mauriciens.
Comment donc arriver à une sortie de crise dans cet engrenage ? Une solution proposée par le citoyen engagé Rama Valayden est de tenter de convaincre le gouvernement de procéder à une recomposition du Petroleum Pricing Committee (PPC), afin d’inclure un membre de la société civile dont l’identité pourrait être proposée par le comité de soutien à Nishal Joyram.
« En assurant la présence d’un membre de la société civile sur ce comité, les attentes de la population pourraient être mieux relayées à cette autorité. C’est, selon moi, la seule manière de mettre un terme à tout ce drame humain », dit-il.
Semaine décisive
« Le gréviste de la faim Nishal Joyram pourra tenir une dizaine de jours supplémentaires dépendant de sa constitution physique », avance le travailleur social Salim Muthy. Ce dernier a mené quatre grèves de la faim, dont la dernière remonte à 2017 aux côtés des souscripteurs des plans de pension du Super Cash Back Gold et Bramer Asset Management (voir en page 22). Sa grève de la faim avait duré 23 jours.
Selon Salim Muthy, Nishal Joyram serait en proie à des démangeaisons au niveau des mains. « C’est l’un des signes primaires démontrant que le gréviste de la faim est en manque de vitamines et de minéraux », dit-il.
La semaine suivant son 20e jour de grève doit être suivie de très près, poursuit le travailleur social. « Nishal Joyram, comme tout gréviste de la faim ayant franchi cette étape, éprouvera des difficultés à parler ou même à réfléchir. Il réagira difficilement ou pourrait ne plus réagir. Son rythme cardiaque baissera davantage. Il sera en proie à des faiblesses et de l’hypotension artérielle », fait-il savoir. Ainsi, selon Salim Muthy, « cette semaine sera critique dans la grève de la faim de Nishal Joyram. L’état de santé du gréviste doit être suivi de très près ».
Dans une déclaration téléphonique, le Dr Vasantrao Gujadhur, du comité de soutien à Nishal Joyram, fait comprendre que l’état de santé du gréviste est suivi heure par heure. « Le gréviste de la faim s’affaiblit de jour en jour. Il est fatigué et ne peut s’asseoir. C’est la raison pour laquelle il reste allongé », indique-t-il.
Aucune communication du gouvernement à samedi soir ? « Non. Nous sommes toujours en attente d’une correspondance », répond-il.
Possibilité d’une flexibilité au niveau des prix en janvier si…
« Nous comprenons le move de Nishal Joyram. Mais nous essayons d’expliquer que la situation est compliquée », avance une source basée à la State Trading Corporation Ltd (STC).
Et cette source d’affirmer : « C’est quasi impossible de baisser les prix des carburants. Du moins, pas maintenant. Nous faisons des efforts, mais la conjoncture internationale ne le permet pas. Le prix est déjà élevé depuis les raffineries. La dernière cargaison de carburants coûtait plus de 1 000 dollars la tonne métrique. »
À quand une possible baisse des prix des carburants ? « Les indicateurs démontrent qu’il y aura peut-être des possibilités d’une flexibilité au niveau des prix au mois de janvier, dépendant de la conjoncture. Il faut que le prix de référence pour les produits pétroliers raffinés chute considérablement, soit de 15 % à 20 %, et que le prix des conteneurs reste stable », souligne-t-on.
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