Face aux éventuels effets cascade de la récente hausse de prix des carburants, des analystes suggèrent des solutions plausibles avec l’objectif de soulager les consommateurs. La structure des prix et quelques items liés à la taxation sont les principales cibles.
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Les estimations du ministère des Finances concernant les projections de revenus provenant de l’impôt sur les produits pétroliers confirment leur contribution aux recettes de l’État. Celles-ci pourraient atteindre Rs 4,41 milliards en 2022-23 et passer à Rs 4,55 milliards en 2023-24. Entre le 1er juillet 2022 et la mi-mai 2023, la TVA avait d’ailleurs permis au gouvernement de récolter Rs 3,2 milliards, dont Rs 1,9 milliard provenant de la commercialisation de l’essence et la somme de Rs 1,3 milliard perçue sur les ventes du diesel. Une autre source de revenu, en l’occurrence, l’Excise Duty, a contribué à hauteur de Rs 2,6 milliards sur les transactions liées à l’essence contre Rs 979 millions pour le diesel.
C’est pourquoi, selon Fazeel Soyfoo, partner International Tax chez Andersen, le gouvernement maintient la taxe sur les produits pétroliers en fin de compte. « Il est possible de réduire l’impôt sur les produits, ne serait-ce que de manière temporaire. Enlever complètement la taxe devrait, cependant, être analysée dans le long terme. Le consommateur aurait pu économiser Rs 21 sans l’Excise Duty et la TVA sur l’essence. Cela aurait été un soulagement pour la population. Pour rappel, la Solidarity Levy avait été retirée au bout de trois ans », fait observer Fazeel Soyfoo.
Le taux de la TVA est de 15 % et selon Sanjay Matadeen, cette taxe peut être enlevée de la structure des prix des carburants. En ce faisant, c’est la facture des importations mauriciennes qui va diminuer d’après l’économiste. « Maurice dépense plus de devises étrangères qu’il n’en reçoit. Cela influe sur la valeur de la roupie. L’Excise Duty est une taxe ad valorem. En économie, la diminution de la TVA stimule la consommation, ce qui implique que le gouvernement percevra davantage de recettes fiscales », explique notre interlocuteur.
Cependant, en prenant en considération le fait que la taxe sur le carburant constitue une source de revenus fiable pour le gouvernement, Ryan Allas craint qu’il y ait un coût d’opportunité en la supprimant. « L’impôt sur les produits pétroliers est un mal nécessaire. Sans cela, il se peut que les taxes directes soient augmentées, ce qui aura des effets conséquents », soutient-il.
Alternatives
Ce serait dans l’intérêt de la population que le gouvernement identifie d’autres sources de revenus, selon Fazeel Soyfoo. Il propose de revoir à la hausse l’impôt sur les produits de luxe. Ryan Allas abonde dans le même sens. Il explique que le montant qui proviendra de cette révision de la taxation sur les produits de luxe pourrait servir à subventionner le prix des carburants pour la classe moyenne et ceux au bas de l’échelle. Fazeel Soyfoo considère également qu’un taux d’imposition plus élevé sur la propriété est une manière de protéger les plus vulnérables.
Quelques solutions des analystes
Fazeel Soyfoo, partner International Tax chez Andersen
« Le gouvernement promeut l’utilisation de véhicules électriques. La proportion de ce mode de transport pourrait augmenter d’ici 2030. Toutefois, ce serait un manque à gagner pour l’État dans le sens qu’il n’y a pas d’Excise Duty pour l’achat de véhicule électrique qui, faut-il le souligner, n’utilise également pas d’essence. Le gouvernement devra, de ce fait, trouver d’autres moyens pour engendrer des revenus ».
Ryan Allas, International Tax Leader chez Rogers Capital
« Maurice dispose d’une relation privilégiée avec l’Inde. Nous pourrions miser dessus pour nous approvisionner en produits pétroliers à prix réduit. L’Inde importe le pétrole russe à meilleur marché ».
Les propositions de Sanjay Matadeen, économiste
Télétravail
Le gouvernement doit venir de l’avant avec une politique nationale pour le télétravail. C’est d’actualité dans le secteur privé où certains employés sont en mode hybride. En implémentant cette pratique dans le secteur public, cela permettra de diminuer l’importation et la consommation de l’essence.
Covoiturage
C’est une piste qui mérite réflexion. Le covoiturage est prisé dans certains pays à l’étranger. Cela pourrait être une opportunité pour les entrepreneurs qui pourraient développer des applications en ce sens. Cependant, il serait nécessaire d’envisager une législation appropriée à cet égard à Maurice.
Biocarburant
Le biocarburant est une solution qui risque cependant de prendre du temps à introduire, car il requiert une volonté politique et aussi du privé. Les sucriers et les planteurs devront jouer le jeu. Ajouté à cela, il y a également le fait que les moteurs doivent être adaptés au biocarburant.
Navin Ramgoolam préconise de retirer l’Excise Duty et la VAT
Le contrat négocié sous le régime travailliste avec Mangalore Refinery and Petrochemicals Ltd, qui excluait des courtiers ou des commerçants, visait à assurer que Maurice soit approvisionné en produits pétroliers à un bon prix, selon Navin Ramgoolam. Afin de soulager la population, l’ancien Premier ministre suggère que l’Excise Duty soit enlevée de la structure des prix du carburant. Celle-ci est de Rs 12.20 sur chaque litre d’essence et de Rs 4.20 sur celui du diesel.
« Il faut aussi retirer la VAT pour que les gens ne souffrent pas. Ce faisant, le litre d’essence serait descendu à Rs 50.50. La VAT rapporte Rs 61.5 milliards à l’État. Celui-ci a déjà récolté Rs 12.1 milliards supplémentaire cette année. Il y a donc de la marge pour réduire les prix des carburants », a-t-il déclaré le 2 octobre dernier, à Laventure.
Des solutions à apporter dans le long terme selon Ramgoolam
- Stabiliser la roupie
- Contrôler le taux d’inflation
- Éliminer les courtiers
- Trouver une source stable de pétrole
Réactions
Jayen Chellum : « Le GM aurait pu puiser Rs 5 Mds des recettes de la MRA »
L’Association des Consommateurs de l’Ile Maurice (ACIM) annonce un rallye de protestation, le samedi 7 octobre prochain dans les rues de la capitale. Son secrétaire général, Jayen Chellum, qui animait une conférence de presse, mardi, a soutenu que le gouvernement avait la possibilité d’éviter à la population cette nouvelle hausse du carburant en révisant à la baisse la taxe douanière (Excise Duty) et en éliminant la TVA sur l’essence et le diesel. D’après ses estimations, le prix de l’essence aurait baissé par au moins Rs 23 par litre.
En ce qui concerne la TVA, il est d’avis qu’il est injuste que cette taxe soit également appliquée à l’Excise Duty. « C’est une double taxation que subissent ceux qui utilisent l’essence et le diesel comme les propriétaires de voitures privées, les chauffeurs de taxi, les opérateurs d’autobus, les compagnies de distribution, les boulangeries et les autres commerces », dit-il.
Jayen Chellum souligne que le gouvernement a modifié la législation afin de maintenir les prix du carburant inchangés, même lorsque les prix du pétrole baissent, tant que le Price Stabilisation Account de la State Trading Corporation (STC) demeure en déficit. Cela dit, il estime que, pour éviter une nouvelle majoration des prix du carburant, le gouvernement aurait pu puiser Rs 5 milliards des recettes collectées par la Mauritius Revenue Authority (MRA), provenant de diverses taxes, qui s’élèvent selon lui à plus de Rs 125 milliards, et les utiliser pour renflouer le PSA de la STC. Cette action aurait pu constituer un geste de bonne volonté, particulièrement envers les consommateurs, surtout les plus défavorisés, ce qui aurait contribué à atténuer l’impact de la nouvelle hausse des prix sur le marché pétrolier.
Notre interlocuteur craint que cette situation relance une nouvelle vague inflationniste. « Même le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a reconnu que chaque hausse de la roupie entraîne une inflation de 0,2 %. Si l’on considère que les prix des carburants ont augmenté de Rs 8,55 par litre, cela se traduit par une augmentation de l’inflation de 1,71 %, ce qui est significatif », fait-il ressortir.
Le rallye de protestation, dit-il, se tiendra ce samedi à Port-Louis à partir de 14h30. À cet effet, il s’attend à une participation des ONG, les partis politiques (parlementaires et extra-parlementaires, les associations syndicales, les chauffeurs de taxi et les opérateurs des vans scolaires, entre autres. Il invite aussi la population à réagir vivement face à cette nouvelle hausse de carburant.
Clency Bibi : « La GWF sera présente au rallye de l’ACIM »
Le président de la General Workers Federation (GWF), Clency Bibi, juge inacceptable l’augmentation du prix du carburant. « Je pense que le gouvernement aurait dû trouver une autre alternative à la hausse de prix de l’essence et du diesel », dit-il. Cette situation, fait-il ressortir, va pénaliser des milliers d’automobilistes et des opérateurs. Il se plaint aussi que les consommateurs, en particulier les seniors qui ne comptent que sur leur pension de vieillesse, seront affectés par une nouvelle poussée inflationniste dans le commerce.
Il explique que la GWF se réunira prochainement pour déterminer la marche à suivre, avant de préciser qu’elle sera présente au rallye de l’ACIM.
Suttyhudeo Tengur : « Mettre fin à la double taxation sur le carburant »
Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC) Suttyhudeo Tengur, estime que le gouvernement aurait pu éviter cette augmentation de l’essence et du diesel pour ne pas pénaliser les consommateurs. Il explique : « Le gouvernement aurait pu, par exemple, mettre fin à la politique de double imposition sur le carburant », dit-il, tout en exprimant son souhait que les autorités révisent leur décision d’augmenter les prix du carburant afin d’alléger le fardeau de la population.
Judex Rampaul : « Une subvention sur le carburant »
Pour le président du Syndicat des pêcheurs, Judex Rampaul, la hausse des prix du carburant provoquera une augmentation des prix du poisson frais sur le marché local. En moyenne, dit-il, un pêcheur qui opère dans le lagon utilise entre 25 à 40 litres d’essence par jour. Pour une campagne de pêche dans un bateau semi-industriel, il faut compter autour de 4 tonnes de diesel. « La hausse des prix des carburants laisse déjà entrevoir son impact considérable sur la communauté des pêcheurs », souligne-t-il, tout en plaidant en faveur de l’octroi de subventions sur le carburant pour ces derniers.
Claude Canabady : « Un représentant d’une association des consommateurs sur le PPC »
Le secrétaire de la Consumer’s Eye Association, Claude Canabady, ne cache pas sa déception face à cette nouvelle hausse. « Elle aura un impact significatif sur le budget des consommateurs, entraînant une augmentation des prix dans le commerce. Comme d’habitude, ce seront les plus vulnérables qui en subiront les conséquences les plus lourdes », explique-t-il.
Il réclame davantage de transparence dans le mécanisme de calcul des prix des produits pétroliers, d’où son souhait pour qu’un membre de l’association des consommateurs siège au sein du Petroleum Pricing Committee (PPC).
Claude Canabady estime que le gouvernement aurait pu réduire les taxes et les contributions qui sont imposées sur les produits pétroliers pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs.
Les craintes d’une hausse des prix
Isoop Soobadar : « C’est sûr que les prix des légumes vont augmenter »
Le président de la Market Traders Association, Isoop Soobadar, prévoit une augmentation d’au moins Rs 5 dans le prix des légumes en raison de la hausse des prix du carburant. Cela s’explique par le fait que les maraîchers doivent désormais se rendre au National Wholesale Market de Belle-Rive pour s’approvisionner en légumes. « Il est normal que nous devions couvrir les frais du transport », fait-il comprendre.
Kursley Hélène : « Un coup dur pour les petits entrepreneurs de la construction »
L’entrepreneur en construction, Kursley Hélène, explique que suivant la hausse du diesel, les camionneurs vont revoir invariablement leurs prix pour la livraison des matériaux sur les sites de construction. « Malheureusement, ce sont des dépenses supplémentaires que nous ne pouvons pas réclamer à nos clients, car une fois les contrats signés, nous ne pouvons pas exiger des frais supplémentaires. Cela diminue nos bénéfices », déplore-t-il
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