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Cherté de la vie et bas salaires : Diplômés… et toujours aux crochets des parents 

Ils peuvent avoir la meilleure plume, les plus beaux coups de pinceau, être bardés de diplômes. Mais ces jeunes galèrent pour trouver un emploi avec un salaire décent. Être financièrement indépendants leur semble un rêve lointain.

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Sarah, 24 ans, graphiste en freelance : «On ne voit pas la lumière au bout du tunnel»

Sarah a 24 ans et est diplômée de l’École des Beaux-Arts du Mahatma Gandhi Institute. Elle confie que son équilibre financier ne tient qu’à un fil. « Depuis deux ans, je n’ai pas de travail ou de salaire fixe. » Si elle est chanceuse, elle peut se faire Rs 5 000 en un mois grâce à des petits projets.
Graphiste en freelance, elle explique avoir du mal à trouver un emploi en raison du manque de reconnaissance des métiers d’artistes à Maurice. Et obtenir un salaire décent revient à décrocher la lune, lance-t-elle avec dépit. 

La jeune femme, qui n’a pas souhaité témoigner à visage découvert, dit avoir eu des expériences désagréables, « comme sans doute beaucoup de jeunes à leurs débuts dans le monde du travail ». Lesquelles ? « On vous prend en stage non-rémunéré pour finalement ne pas vous embaucher. » 

Sarah parle d’exploitation. « On exploite les jeunes en profitant de leur envie d’acquérir de l’expérience. Car ce “temps d’expérience” est un des critères d’embauche. » 

Elle ne décolère pas. « Nous, les jeunes, on accepte bêtement des stages non-rémunérés dans l’espoir de décrocher un emploi. Personnellement, ça m’est arrivé plusieurs fois. D’où ma décision de me lancer en freelance. »

Sarah le dit volontiers, elle est en mode survie. Depuis qu’elle a terminé ses études en 2020, elle tente tant bien que mal de couvrir ses frais quotidiens et de contribuer financièrement au foyer parental. « Cela me tient à cœur d’accomplir mon devoir en soulageant mes parents de certaines dépenses, surtout avec les récentes augmentations. » 

Elle souhaite surtout dépendre d’eux le moins possible. Mais force est de constater qu’avec « un revenu modique », elle peine à subvenir à ses propres besoins. Ses fins de mois sont stressants. « Mes parents sont compréhensifs mais c’est difficile pour eux. Ça leur fait mal au cœur de voir leur enfant dans une telle situation de précarité après avoir fait des études à l’université. »

Artiste talentueuse et prometteuse, Sarah n’a d’autre choix que de vivre sa vie d’adulte dans un climat de privations face au manque d’opportunités auquel s’ajoute le coût élevé de la vie. « Les sacrifices sont de mise. On oublie les vêtements, les sorties entre amis ou les moments de détente. Je ne peux pas me permettre ces petits plaisirs de la vie. Je me pose systématiquement la question de savoir si c’est un besoin ou une nécessité. Je me force à voir les priorités », souligne-t-elle.

Avec la cherté de la vie et la crise économique, économiser est quasiment impossible. 

« Les jeunes ne trouvent pas la lumière au bout du tunnel. Personnellement, je ne peux même pas économiser afin de concrétiser mes projets d’émigration pour améliorer mes chances d’emploi ou ma qualité de vie. La réalité c’est qu’on peine à survivre. » 

Découragée, Sarah estime que « les jeunes professionnels à Maurice doivent être dotés d’un mental d’acier pour faire face à ces conditions de travail déplorables. C’est injuste ».

L’émigration a la cote auprès des jeunes mais… 

De plus en plus de jeunes songent à émigrer. Les salaires « plus alléchants » leur font miroiter la possibilité d’améliorer leur situation financière et d’avoir une meilleure qualité de vie. Cependant, la majorité d’entre eux soulignent être freinés par le bas salaire à Maurice, qui ne leur permet pas de faire des économies. 

C’est notamment le cas de Deveshsingh Pandohee. Le salaire qu’il obtiendrait à l’étranger, souligne-t-il, lui permettrait de concrétiser certains projets comme construire une maison et acheter une voiture. Et au-delà, « vivre un peu plus librement en me donnant la possibilité de me faire des petits cadeaux ».

Mais pour pouvoir se rendre à l’étranger, il faut des sous. « Cela prendra plusieurs années avant de pouvoir réunir les économies nécessaires pour survivre les premiers mois à l’étranger en attendant de décrocher un emploi, mais aussi pour payer le billet d’avion, entamer les démarches, entre autres », fait-il valoir. 

Sarah abonde dans le même. Elle estime qu’émigrer serait la meilleure option pour sa carrière. Cependant, elle est « coincée » en raison de sa situation financière qui empire de jour en jour. « Si j’avais eu la possibilité d’émigrer, j’aurais pris mes valises sans la moindre hésitation. » 
Premièrement, énumère-t-elle, les opportunités à l’étranger lui auraient permis de vivre confortablement de sa passion. « Par ailleurs, ma carrière d’artiste aurait pu décoller et j’aurais pu obtenir une reconnaissance pour mes travaux. »

Et, deuxièmement, « cela m’aurait permis de vivre ma vie de jeune adulte de manière autonome. Malheureusement, ma situation financière m’empêche de rêver d’une vie stable ».

Deveshsingh Pandohee, 24 ans, employé du secteur de la finance : «Vivre de manière autonome est impossible» 

DeveshsinghProfessionnel en « billing, transaction and Compliance » dans le secteur de la finance et du droit, Deveshsingh Pandohee, 24 ans, pensait enfin réaliser son rêve d’être indépendant. Il a vite été rattrapé par la réalité des jeunes professionnels à Maurice : diplômés et « sous-payés ». 

C’est en 2019 que le jeune homme prend le chemin du travail en espérant financer ses études à l’université et soulager sa mère après le décès de son père. « Déjà, ce n’était pas évident de décrocher un emploi. Du coup, quand j’en ai obtenu un, c’était un soulagement pour moi mais également pour ma famille. » 

Il dit avoir pu commencer à financer ses études, contribuer financièrement à la maison et s’offrir un petit plaisir en termes de fast-food deux fois par semaine. « Mais en faisant le compte, il ne reste pas grand-chose à économiser. »

Deveshsingh Pandohee pousse un coup de gueule contre ce système. Il affirme que dans nombre de cas les jeunes diplômés sont déçus car ils doivent accepter des emplois « sous-payés » ou se résoudre à travailler dans une filière complètement différente à cause de la difficulté à trouver un emploi dans leur domaine. 

« À Maurice, les universités proposent des cours pour permettre aux étudiants d’investir dans un avenir brillant. Mais toutes ces années de sacrifices financiers, nourris par la vision et l’espoir de réussir, tombent à l’eau avec un salaire de base de Rs 15 000 pour un diplômé », lâche-t-il.

Et de faire ressortir qu’en raison du bas salaire, les projets d’avenir des jeunes deviennent irréalisables. « D’après mes calculs, même lorsque je pourrais récupérer l’investissement sur mes études, financer la construction d’une maison ou l’achat d’une voiture sera difficile. Ce n’est qu’après de nombreuses années d’expérience et l’acquisition d’autres certificats qu’on touche le seuil des Rs 35 000 – Rs 40 000. » Sans compter que pour obtenir un prêt bancaire, il faut avoir une bonne base de salaire. 

« Encore heureux que j’aie le toit de mes parents sur ma tête ! Sinon vivre de manière autonome en payant le loyer, les courses, entre autres, serait impossible », lance-t-il. 

Deveshsingh Pandohee confie avoir le projet d’entamer une licence dans le domaine de la finance afin de toucher un salaire décent. Il tente désespérément de rattraper le retard sur ses économies afin de prendre son envol. 

Ce que proposent les jeunes professionnels 

  • Dès que le jeune entame le cycle universitaire, proposer des formations professionnelles.
  • Mise sur pied de « think tank » ou encore d’ateliers de « career guidance » avec des employeurs pour s’aligner sur la demande du marché. Ce qui permettrait aux jeunes d’avoir une meilleure vue du pôle de l’emploi.
  • Un réalignement des conditions de travail et du salaire afin de permettre une meilleure transition des jeunes du cycle universitaire au monde du travail. Ce qui leur permettrait d’avoir une qualité de vie décente.
 

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