Avec plusieurs va-et-vient à la tête du CEB depuis 2015, l’organisme a-t-il les moyens de répondre aux défis énergétiques qui menacent le pays ? Éléments de réponse.
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Le Central Electricity Board (CEB) est-il à la hauteur des défis énergétiques qui guettent le pays ? L’organisme a fort à faire. Non seulement au vu du contexte énergétique difficile, avec l’instabilité autour du prix de l’huile lourde sur le marché mondial, qui a pratiquement mis hors-jeu l’Independent Power Producer (IPP) Terragen, qui fournit environ 17 % de l’approvisionnement local en électricité. Mais aussi avec les défis ambitieux du gouvernement, qui souhaite produire 60 % d’électricité à partir des énergies renouvelables.
L’instabilité planant à la tête de l’organisme depuis 2015, avec des exercices de chaises musicales à répétition (voir plus loin), laisse place à pas mal d’interrogations sur la capacité du CEB à relever le défi énergétique. Nommé à la tête du CEB en août 2020, Jean Donat s’apprête à faire ses adieux, puisque son contrat ne sera pas renouvelé. Et plusieurs acteurs du secteur s’accordent à dire qu’il reste encore tout à faire.
L’écologiste Yan Hookoomsing, qui a ardemment mené combat contre la réalisation du projet de centrale à charbon CT Power, s’interroge sur le plan stratégique du CEB. « Nous nous posons cette question depuis cinq ans. Quel est le plan ? What is the thinking? On a dit qu’on va produire 60 % d’énergie renouvelable à partir de sources intermittentes et pour réussir ce pari, il faut investir dans le réseau. Mais quels sont les investissements qui ont été réalisés lors de ces dernières années ? » s’interroge-t-il.
Le CEB ainsi que le ministère des Services publics et de l’énergie ont, ces dernières années, consacré une bonne partie des investissements dans les batteries de stockage, ce qui s’inscrit parfaitement dans sa stratégie verte. Mais là encore, Yan Hookoomsing est loin d’être convaincu. « Les batteries de stockage représentent à tout casser 18 mégawatts (MW), ce qui est une goutte d’eau dans l’océan. Le fait est que notre réseau d’électricité est aujourd’hui outdated et qu’il faut avoir un programme massif pour notre réseau », soutient l’écologiste. Et d’ajouter : « La vérité, c’est que nous sommes en train de stagner en termes d’énergie renouvelable depuis 2013, car nous sommes restés entre 21 % et 22 %. »
Le président du conseil d’administration de la Mauritius Renewal Energy Agency (MARENA), Danen Beemadoo, exprime, pour sa part, un avis diamétralement opposé. « La crise énergétique est arrivée après la présentation de notre roadmap de 2030. Cela démontre que nous avons été proactifs et non réactifs. Nous avons aussi déjà donné les couleurs de notre stratégie énergétique lors du COP 26. Le train est donc en marche », assure-t-il.
Reste qu’il n’y a pas eu d’investissement massif sur le réseau d’électricité depuis 2018, avec le redéveloppement de la centrale controversée de St Louis, qui a augmenté la capacité de production de 77 Mw à 108 Mw, au coût de Rs 4,2 milliards. Un argument contesté par le président de la MARENA.
« Le CEB a déjà finalisé un projet de ferme solaire de 7 à 8 MW. Sans compter qu’au niveau de la MARENA, nous avons déjà lancé un projet pilote de panneaux flottants de 2 MW dans le réservoir de Tamarin Falls. Cela témoigne de notre volonté, même s’il y a encore beaucoup à faire, car c’est un long processus », dit-il.
Danen Beemadoo ne manque pas non plus de faire ressortir que plusieurs appels d’offres ont déjà été lancés par le CEB pour la production de 210 MW d’électricité. « Dans certains cas, des appels d’offres ont déjà été clôturés, alors que d’autres sont en cours », souligne-t-il.
Les appels d’offres lancés par le CEB ne veulent cependant pas dire que ces projets sont près de voir le jour. C’est du moins l’avis exprimé par le député du Parti travailliste (PTr), Patrick Assirvaden. « La construction d’une centrale énergétique prend entre deux ans et trois ans et demi. Si le CEB se lance dans l’implantation d’une centrale en 2022, ce n’est qu’en 2025 que cela sera concrétisé », déclare-t-il.
Selon lui, c’est l’instabilité à la tête du CEB qui remet en question les plans établis. « Ivan Collendavelloo avait mis le CEB dans une direction pendant cinq ans et ce plan a complètement été chamboulé par Joe Lesjongard. Nous nous retrouvons depuis avec des nouveaux directeurs à la tête du CEB trop fréquemment. C’est de l’amateurisme. On ne peut choisir un directeur du CEB par trial and error », lâche-t-il.
Cette zone d’instabilité qui perdure à la tête du CEB est le résultat de l’ingérence politique soutient, pour sa part l’universitaire Khalil Elahee. « Il faut surtout avoir une bonne gouvernance énergétique et laisser chacun assumer ses responsabilités. Le ministère doit se contenter de s’occuper des policy matters et le CEB, dont le rôle est défini par la loi, doit se concentrer dans son opération. »
Et de préciser que l’ingérence politique au sein du CEB date aussi de l’ancien gouvernement.
Forcing de trois cadres pour succéder à Donat
Rajden Chowdharry, Supply Chain Manager, Chavan Dabeedin, Transmission & Distribution Manager, et Maheshwur Dayal, actuellement responsable des audits internes. Ce sont les trois cadres du CEB qui font actuellement le forcing pour succéder à Jean Donat. C’est, cependant, Rajden Chowdharry qui est le mieux placé, car il est très apprécié du personnel du CEB et n’a jusqu’ici jamais été au cœur d’une controverse.
CEB
4 directeurs en 7 ans
- 2015 : Nomination de Gérard Hébrard à la tête du CEB
- 2016 : Nomination du triumvirat Shamshir Mukoon, Chavan Dabeedin et Kesnalall Balgobin à la suite des problèmes de santé de Gérard Hébrard
- 2017 : Nomination de Shamshir Mukoon comme Acting General Manager
- 2020 : Suspension de Shamshur Mukoon à la suite de l’affaire St-Louis
- 2020 : Nomination de Jean Donat à la tête du CEB
- 2022 : Jean Donat sur le départ
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