Si la Cour internationale de Justice (CIJ) estime que l’excision des Chagos du territoire mauricien en 1965 était illégale, cela ne changera rien dans le concret. L’État mauricien ne retrouvera pas sa souveraineté sur l’archipel et les Chagossiens n’auront pas conquis le droit de retourner sur leurs îles natales. La CIJ ne fera qu’émettre un avis consultatif qui n’est pas un jugement et n’imposera aucune contrainte aux Britanniques. Mais cet avis favorable donnerait au gouvernement un levier sans précédent pour accentuer la pression diplomatique à la fois sur la Grande-Bretagne et les États-Unis.
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Milan Meetarbhan, légiste et ancien ambassadeur aux Nations unies, clarifie la situation en marge des audiences de la CIJ du 3 au 6 septembre prochain. « D’abord, ce n’est pas Maurice qui va devant la Cour internationale, explique-t-il, c’est l’Assemblée générale des Nations unies qui demande un avis consultatif à la Cour. Maurice n’a pas d’affaire à remporter en tant que tel. » Maurice avait introduit une motion à l’Assemblée générale des Nations unies pour demander l’avis de la CIJ sur le sujet. Une motion qui a bénéficié du soutien massif des pays membres des Nations unies.
Vu le dossier à charge, Vijay Makhan, ancien diplomate, estime que Maurice n’a pas de raisons d’être pessimiste sur l’issue de la démarche de l’État. « Personnellement, je crois qu’il n’y a pas de raisons de croire que l’opinion ne sera pas favorable à Maurice, explique-t-il. Je suis confiant dans la justesse de nos arguments. »
L’ancien diplomate explique que si l’opinion de la CIJ ne sera pas « binding » et n’aura donc pas de force légale, elle aura un rôle important à l’avenir. Un avis en faveur de Maurice pourrait servir de levier de pression sur les autorités britanniques et américaines. « Ils devront revoir leur copie, ajoute-t-il. Les États-Unis se sont toujours cachés derrière le prétexte de la souveraineté de la Grande-Bretagne. Cela ne tiendrait plus. »
Milan Meetarbhan espère que cela pourrait contraindre les Britanniques à ouvrir les négociations. « Sur le plan politique et diplomatique, cela peut avoir des conséquences, déclare-t-il. Les Britanniques pourraient arriver à la conclusion qu’il faut ouvrir les négociations avec Maurice même si cela n’est pas synonyme d’un accord. » L’ex-ambassadeur craint toutefois que l’actuelle administration américaine ignore tout simplement l’opinion de la CIJ et refuser d’entrer en négociations avec Maurice. « Ce sera tout de même une avancée, maintient-il. Une pièce de plus au dossier après le jugement du Tribunal international des droits de la mer sur l’illégalité du Marine Protected Area créé par les Britanniques autour des Chagos sans avoir consulté Maurice. »
Dans le concret, c’est dans les coulisses des Nations unies qu’un avis favorable de la CIJ devrait d’abord être utilisé, explique Vijay Makhan. « La CIJ retournera son avis à l’Assemblée générale des Nations unies. À partir de cette opinion, il faudra que le Comité spécial des Nations unies sur la décolonisation se penche sur les implications et que toutes les instances concernées se mettent en branle. » Cet avis pourrait être utilisé pour rallier d’autres pays plus réticents à la cause.
Et si la CIJ devait estimer que l’excision de 1965 était légale. Ce serait un coup dur, selon Milan Meetarbhan.
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