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Cession des parts d’Orange Madagascar : un fonds offshore mauricien au cœur d’un détournement présumé 

Le bâtiment abritant Orange Madagascar.

Un feuilleton judiciaire qui rebondit 13 ans après les faits. Le tribunal judiciaire de Paris rouvre, début décembre, le dossier de la cession des parts d’Orange Madagascar (OMA), une opération qui a transité par un fonds offshore mauricien aujourd’hui au centre de soupçons d’irrégularités financières. Au cœur de l’affaire : le Bourbon Axa Investment Fund (BAIF), un fonds mauricien liquidé il y a une décennie, soupçonné d’avoir dissimulé une partie des fonds – environ 20 millions d’euros (Rs 1,1 milliard) – issus de la vente de sa participation de 31,7 % dans OMA.

Parallèlement, Henri de Villeneuve, ancien administrateur de Bourbon Axa Management, comparaîtra pour dénonciation calomnieuse après avoir été le premier à signaler ces écarts comptables suspects. 

Pour comprendre l’affaire, il faut remonter au début des années 2000. BAIF, créé à Maurice par Axa Private Equity (aujourd’hui Ardian) et le groupe Bourbon, investissait en capital-développement dans l’océan Indien et en Afrique australe, dans les télécoms, l’hôtellerie ou l’agroalimentaire. Ses actionnaires incluaient, entre autres, la Banque européenne d’investissement et Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Géré par Bourbon Axa Management, le fonds détenait via sa filiale Miaraka une part minoritaire d’OMA, aux côtés de France Télécom qui contrôlait 51 % de Telsea, société mauricienne détenant elle-même 66 % d’OMA.

En 2007, BAIF vend sa part minoritaire d’OMA à France Télécom (devenu Orange) pour un prix officiel de 22,4 millions d’euros (Rs 1,2 milliard), inscrit dans ses comptes. Mais c’est là que l’affaire se corse : les comptes consolidés de France Télécom mentionneraient un engagement total de 42 millions d’euros (Rs 2,3 milliard) pour ce rachat. Cet écart d’environ 20 millions d’euros semble s’être 
« volatilisé ». 

L’argent supplémentaire aurait été payé par l’acheteur, mais pas reçu par le vendeur. Les fonds ont transité par une holding belge gérant les investissements africains de l’opérateur. La Financial Services Commission mauricienne aurait relevé cette anomalie dès l’époque.

Un lanceur d’alerte devenu accusé

Henri de Villeneuve, administrateur de la société de gestion et dirigeant d’une entreprise malgache basé à Johannesburg, repère ce qu’il considère être des anomalies post-transaction. Sa critique est double : d’une part, les gestionnaires auraient été court-circuités dans le processus de vente ; d’autre part, deux offres concurrentes, qui auraient été plus généreuses selon lui, n’auraient pas été examinées au profit de celle de France Télécom. Il est révoqué par la suite.

Des rapports d’experts renforceraient sa thèse : pas de frais d’intermédiaires dans les comptes de la filiale acheteuse, et un gonflement suspect de la dette envers les minoritaires chez France Télécom. L’opérateur, pour sa part, nie tout complément de prix et soutient que tout s’est fait dans les règles.

Ces soupçons provoquent une contre-attaque judiciaire. En 2011, Henri de Villeneuve porte plainte pour abus de confiance au préjudice de BAIF. L’instruction, menée par le juge français Renaud Van Ruymbeke, aboutit à un non-lieu en 2013, confirmé en appel. Le dossier semblait clos.

Mais parallèlement, Dominique Senequier et Vincent Gombault, fondateurs d’Axa Private Equity, poursuivent Henri de Villeneuve pour dénonciation calomnieuse. Une plainte avec constitution de partie civile suit en 2015. Neuf ans plus tard, l’affaire arrive enfin devant le tribunal.

L’audience initialement prévue en décembre 2024 a été renvoyée au 7 décembre 2025. Henri de Villeneuve, défendu par Me Julien Visconti et Me Jean-Baptiste Marre, citera plusieurs dirigeants pour des révélations. Les plaignants, représentés par Me William Bourdon, réclament pour leur part des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
 

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