Les décès suspects de Nadeem Permessur (48 ans) et Salman Sayfud-Din Sauterelle (21 ans) révèlent les pratiques alarmantes de certains centres de désintoxication opérant dans l’ombre à travers le pays. D’après plusieurs travailleurs sociaux, au moins quatre de ces centres clandestins utilisent des méthodes controversées pour « traiter » leurs patients. Ils évoquent des enlèvements, des séquestrations et même des passages à tabac.
Dans certains centres de désintoxication du pays, la violence remplacerait l’accompagnement thérapeutique. Ces établissements, fait-on comprendre, seraient gérés par une « association secrète » aux méthodes brutales, mais sous couvert de la spiritualité. Les patients, souffrant d’addictions, sont soumis à des traitements violents. « Il y a environ quatre de ces centres répartis à travers le pays. Leur mode de fonctionnement est loin d’être acceptable, car tout est fait avec le consentement des parents, mais sans celui de la personne concernée. On vient chercher les patients chez eux sans leur accord. C’est presque un enlèvement et une séquestration », dénonce un travailleur social, également directeur d’une ONG.
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Ces centres réclament environ Rs 15 000 par mois pour chaque patient, mais leurs exigences financières sont sans limites, explique l’intervenant. « Ils forcent les patients à se défaire de leur dépendance aux substances illicites à coups de bâton. Pa gayn manze ou swa gayn mine Apollo. Lev bann pasian la avek matrak. Malad pa malad, konplikasion pa konplikasion bizin manz ar li », ajoute-t-il. Notre source insiste sur le fait qu’il n’existe « aucune thérapie de réhabilitation » dans ces centres. « Il est vrai que la dépendance aux drogues diminue après quelques jours, mais il n’y a aucun suivi pour éviter les rechutes. En fait, tout semble indiquer que les prétendus responsables de ces centres n’ont aucune idée de ce qu’est la réhabilitation ».
Réseau bien rodé
La presse rapporte qu’un « cartel » se cacherait derrière la gestion de centres de désintoxication illégaux à travers le pays. Un travailleur social, bien connu dans le milieu de la lutte contre les addictions, affirme qu’un « réseau bien rodé » opère depuis un peu plus d’un an. « Tout fonctionne de manière informelle, de bouche à oreille. Des familles en détresse se conseillent mutuellement. Fami ki dan lapenn ed fami ki dan lapenn. Zis ena pou dir sant Bhai A. Bane dimounn sant la pou vinn kot ou. Pran zanfan la ale. Kit so telefonn lakaz pou pena kontak ar fami. Fami mem pa gayn drwa vinn get zanfan la dan sant », précise notre source.
Le travailleur social affirme qu’il existe « au moins cinq de ces centres illégaux » à Grande-Rivière Nord-Ouest, Vacoas, Terre-Rouge, Eau-Coulée et Castel, tous gérés par la même équipe. « Ils ont trouvé un moyen lucratif d’exploiter le désespoir des parents. On leur fait croire que leur enfant sera guéri par des méthodes spirituelles et des punitions physiques », souligne-t-il.
Une quinzaine de centres-ONG reconnus offrent, par ailleurs, des services aux personnes souffrant d’addictions, bénéficiant d’une aide financière de la National Social Inclusion Foundation (NSIF). Ces centres respectent des protocoles encadrés, contrairement aux centres clandestins.
Absence totale de réhabilitation
Le National Drug Secretariat, sous l’égide du Bureau du Premier ministre (PMO), se dit préoccupé par cette situation. « Ces soi-disant centres de désintoxication n’ont jamais été officiellement reconnus par les autorités. Ils ont surgi de nulle part, prétendant traiter les addictions par la spiritualité ou la punition. Aucune de leurs méthodes ne repose sur un programme de réhabilitation validé », précise le National Drug Secretariat.
Un de ces centres avait déjà fait l'objet de plaintes l’année dernière, entraînant l’intervention des forces de l’ordre. « Mais depuis un an, la situation a pris une ampleur inquiétante. Il est difficile de dire si ces centres sont vraiment des ONG reconnues », conclut-on.
Ally Lazer de l’ATSM : « Je tire la sonnette d’alarme depuis plus de huit mois »
Le président de l’Association des travailleurs sociaux de l’île Maurice (ATSM), Ally Lazer, déplore la prolifération des centres de désintoxication marrons à travers le pays. « Je tire la sonnette d’alarme depuis plus de huit mois. La désintoxication est un traitement médical. », déplore-t-il. Ally Lazer compte déposer une lettre au bureau du Premier ministre sur ce dossier lundi. Il dit détenir des informations selon lesquelles quatre centres opèrent dans l'illégalité.
Danny Philippe : « Qui forme les animateurs thérapeutiques ? »
Danny Philippe, chargé de plaidoyer auprès de l’ONG Développement, rassemblement, information et prévention s’interroge sur la formation et la qualification des animateurs thérapeutiques qui travaillent dans les centres de désintoxication. « On se demande où ces animateurs ont été formés. Au sein du National Drug Secretariat, nous travaillons dans un petit milieu où tout le monde se connaît, car nous devons collaborer étroitement. Pourtant, nous ne connaissons pas les animateurs de ces centres. Ce qui soulève des questions », souligne-t-il. Notre intervenant dit « avoir entendu parler de certains de ces centres ». « Mais nous n’avons aucune visibilité sur leur fonctionnement », poursuit-il.
La Santé appelle à la vigilance
Le ministère de la Santé et du Bien-être appelle le public à signaler l’existence de centres de désintoxication ou de réhabilitation qui opèrent illégalement. Le ministère précise qu’il existe trois types de structures dédiées aux soins des personnes souffrant de dépendances : les centres de détox, les centres de désintoxication et les centres de réhabilitation. Tous ces établissements doivent obligatoirement obtenir un permis délivré par le ministère pour exercer leurs activités. « Nous n’étions pas au courant de l’existence de centres de désintoxication clandestins dans le pays jusqu’à la mort de Nadeem Permessur et de Salman Sayfud-Din dans des circonstances troublantes », indique le ministère. Il lance un appel à la population pour qu’elle dénonce les centres qui fonctionnent illégalement. « Pour que nous puissions intervenir, il faut des plaintes. Le public doit nous aider », ajoute-t-on. Le ministère rappelle que toute demande pour l’ouverture d’une unité de soins doit répondre à des exigences strictes. Une demande officielle doit être formulée, après quoi le dossier est minutieusement examiné. Les locaux sont ensuite inspectés avant que le permis d’opération ne soit délivré.
Dr Siddick Maudarbocus, directeur de la clinique « Les Mariannes Wellness » : « Il est essentiel que les autorités encadrent ces activités »
Le responsable de la clinique « Les Mariannes Wellness », un centre spécialisé dans les dépendances, souligne qu’il existe des protocoles stricts à respecter lors de la désintoxication des patients qui souffrent de dépendances. Selon lui, la dépendance est avant tout un problème médical, nécessitant une approche adaptée.
Avez-vous connaissance de l’existence des centres de désintoxication non réglementés ?
Ces centres ne sont pas une nouveauté, mais leur prolifération s’est accélérée récemment, en raison du nombre croissant de toxicomanes dans le pays. De nombreux patients qui ont fréquenté ces établissements se sont ensuite tournés vers nous pour des traitements supplémentaires.
Faut-il réglementer davantage ces centres ?
Il est essentiel que les autorités encadrent ces activités. Toute personne qui souhaite s’engager dans la désintoxication de personnes dépendantes aux substances illicites doit posséder les compétences nécessaires. De plus, tous les centres de traitement devraient avoir un médecin qualifié pour prendre en charge les patients. L’objectif est de garantir que le traitement se déroule correctement. Ces jeunes sont vulnérables et les parents cherchent des solutions rapides.
Les conditions de « traitement » dans ces centres sont-elles vraiment inhumaines ?
Les patients que nous avons vus étaient dans un état pitoyable. Certains montraient des signes évidents de traumatisme, ce qui indique qu’ils ont été traités de manière déplorable. Certains ont même affirmé qu’ils n’avaient rien eu à manger.
Lorsqu’une personne souffre de dépendance, un protocole de traitement approprié est indispensable. Sinon le patient risque d’être tourmenté et d’halluciner. Ces patients viennent chercher de l’aide parce qu’ils sont toujours en phase de détoxification. Il est crucial de les traiter avec les médicaments appropriés et de se concentrer sur leur réhabilitation, qui est primordiale.
Craignez-vous d’autres pertes de vie ?
Le principal souci est la possibilité de nouvelles pertes de vies si les autorités ne réagissent pas rapidement. Je tiens à souligner que les centres de traitement doivent obligatoirement disposer d’un médecin pour la prise en charge des patients.
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