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Catherine Lyautey : «Maurice a toujours été une terre maçonnique»

La Grande Maîtresse de la Grande Loge féminine de France, Catherine Lyautey, sera à Maurice du 29 mars au 1er avril. Elle rencontrera des sœurs et des femmes qui voudraient découvrir la franc-maçonnerie féminine. Ce déplacement se fait dans le cadre du 40e anniversaire de La rose de l’aurore, première loge de la Grande Loge féminine de France dans l’océan Indien. Dans cet entretien accordé à Le Dimanche/L’Hebdo, elle explique les objectifs de la franc-maçonnerie et brise quelques mythes.

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Depuis quand êtes-vous dans la franc-maçonnerie ? 
Je suis maçonne depuis un peu plus de trente ans.

Qu’est-ce qui vous a attirée et incitée à entrer dans la confrérie ?
J’avais 40 ans et comme beaucoup de personnes arrivées à ce moment, je me suis demandé quel sens donner à ma vie. Pourquoi sommes-nous sur cette terre ? Quelle empreinte peut-on laisser ? Comment peut-on aider ce monde à s’améliorer ? Comment m’améliorer ? 
C’est à la suite d’une rencontre avec un ami que j’ai découvert la franc-maçonnerie, que je ne connaissais absolument pas.

Quelle image aviez-vous de la franc-maçonnerie avant d’y entrer ?
Je dois vous dire que je ne connaissais rien du tout. C’était une découverte totale. Je n’en avais même pas entendu parler, donc je suis entrée sans aucun préjugé.

Comment êtes-vous entrée ? 
C’est ce collègue de travail qui m’a mise en contact avec ce qu’on appelle chez nous une sœur. Elle m’a parlé de la démarche maçonnique...

Quel parcours avez-vous suivi pour devenir Grande Maîtresse de la Grande Loge féminine de France ?
J’ai suivi les degrés-étapes de la formation d’une maçonne. Je ne dévoile rien en disant qu’il y a trois étapes : apprenti, compagnon et maître. Je me suis toujours intéressée à ce qu’il se passait dans ma loge. Je m’intéressais aussi à ce qu’il se passait dans ma région, car on travaille par région. Puis, comme j’étais très curieuse de notre institution, je me suis intéressée à elle. C’est comme ça que j’ai fait un premier mandat de ce qu’on appelle conseillère fédérale. C’est-à-dire que j’étais membre du conseil d’administration. 

Ensuite, j’ai présenté ma candidature pour être élue Grande Maîtresse. Car chez nous, tout se passe de façon très démocratique. J’ai donc été élue à ce poste en mai 2021. C’est un mandat d’un an renouvelable deux fois, soit un maximum de trois ans.

Il y a plein d’idées préconçues. C’est probablement parce que nous sommes discrets. Mais nous ne sommes pas secrets. Nous sommes avant tout une école de perfectionnement, une école de questionnement 

Que devenez-vous après avoir été Grande Maîtresse de la Grande Loge féminine de France ?
Vous redevenez sœur de base et vous retravaillez avec toutes les autres sœurs. Je retournerai dans ma loge d’origine et je reprendrai ce que je faisais avant. Je m’investissais beaucoup dans des commissions d’études qui travaillent sur différents sujets. Elles abordent le droit des femmes, la laïcité, les rituels et le patrimoine. Je retournerai travailler dans les commissions dans lesquelles j’avais l’habitude de travailler. 

Y a-t-il une attirance, un intérêt accru de la part des femmes pour la franc-maçonnerie ? 
Oui, je pense qu’il y a une appétence de la part des femmes à s’accorder du temps pour la réflexion. Elles approfondissent qui elles sont, abordent des sujets de société à travers le regard d’autres femmes, et échangent avec d’autres femmes. Donc oui, il y a une demande en ce moment, parce qu’il y a une recherche de sens. Il y a une quête personnelle, spirituelle, pour le perfectionnement de soi et de l’humanité. 

Depuis quand la Grande Loge féminine de France existe-t-elle ? 
Nous avons été créées en 1945, le jour où les femmes sont devenues des citoyennes à part entière et ont mis un bulletin de vote dans l’urne. C’était un symbole très fort. 

Qui sont derrière sa création ?
Elle a été créée par une association de femmes. Dans notre histoire d’avant la Grande Loge féminine de France, on était ce qu’on appelait des loges d’adoption. C’est-à-dire qu’on travaillait sous l’aimable protection de nos frères de la Grande Loge de France. Donc, il y a toujours eu des femmes maçonnes et en 1945, nous avons décidé de devenir indépendantes.

Beaucoup d’obédiences masculines étaient présentes à Maurice. C’est en partie parce que c’est une île et qu’il y avait des marins. Beaucoup de marins étaient maçons

La Grande Loge féminine de France est-elle la principale loge qui regroupe des femmes ? 
C’est la première obédience féminine mondiale en tant qu’obédience mono genre féminin. 

Que faut-il comprendre par obédience ? 
C’est un regroupement de loges. Il y a de grandes obédiences en France comme le Grand Orient de France et la Grande Loge de France, par exemple.

Combien de membres, réparties dans combien de pays, la Grande Loge féminine de France compte-t-elle ? 
Nous sommes 13 000 membres réparties dans 450 loges et nous couvrons la métropole et les départements et territoires d’outre-mer, l’Afrique, le Maghreb, l’Europe de l’Est. Nous sommes répartis partout dans le monde. Nous avons été à l’origine de la création d’autres obédiences féminines nationales que nous appelons, entre nous et très gentiment, nos filles.

Et qu’en est-il pour Maurice ? 
Maurice a toujours été une terre maçonnique, mais surtout masculine. Et les femmes se sont intéressées à la maçonnerie comme partout dans le monde. 

Dans notre structure, dès le début de notre existence, on a créé la loge La rose des vents. Comme son nom l’indique, cette structure permet, là où il n’y avait pas de loge de la Grande Loge féminine de France, d’aider des femmes. Elles étaient dans des territoires éloignés et pouvaient ainsi créer leur loge avec un accompagnement pour prendre leur envol. C’était le cas de la première loge à Maurice. Par la suite, il y a eu deux autres loges. 

Donc, la Grande Loge féminine de France compte trois loges à Maurice... 
C’est tout à fait ça. Il y a La rose de l’aurore, Le flamboyant et La Shooting Star. La rose de l’aurore va avoir 40 ans. Le flamboyant a été créée en 2004 et La Shooting Star a vu le jour en 2015. 

Maurice a trois loges féminines. Il y a La rose de l’aurore, Le flamboyant et La Shooting Star. La rose de l’aurore va avoir 40 ans. Nous avons 120 à 150 soeurs

Combien de membres y a-t-il à Maurice ?
Nous avons 120 à 150 sœurs. 

Dans quelles circonstances La rose de l’aurore a-t-elle vu le jour ? 
Plusieurs femmes avaient envie de créer une loge et c’est comme ça que La rose de l’aurore a été créée. C’est pour pouvoir, comme nous disons avec nos termes, apporter la lumière à des femmes qui étaient en quête.

Y a-t-il beaucoup d’intérêt de la part des femmes pour rejoindre la franc-maçonnerie ?
Je pense qu’il y a des intérêts partout dans le monde de la part des femmes pour devenir maçonnes.

Vous avez dit que Maurice a toujours été une terre maçonnique. Qu’est-ce que cela veut dire ? 
Il y avait beaucoup d’obédiences masculines qui étaient présentes à Maurice. C’est en partie parce que c’est une île et qu’il y avait des marins. Beaucoup de marins étaient maçons, car la maçonnerie s’est aussi développée par les voies maritimes. 

En quoi la franc-maçonnerie féminine se distingue-t-elle de la franc-maçonnerie masculine ? 
La méthode symbolique est exactement la même. Nous sommes un ordre initiatique. Le terme peut surprendre, mais il faut surtout retenir : initiation. Et ce qui diffère avec une obédience mixte ou une obédience masculine est que l’initiation est donnée par des femmes pour des femmes. Donc c’est très différent, mais sinon nous sommes des maçonnes avec les mêmes rituels et symboles.

De temps en temps, les gouvernements peuvent nous demander des avis sur différents sujets. Nous parlons juste de nos valeurs et de nos principes

Si une Mauricienne veut devenir franc-maçonne, que doit-elle faire ?
Nous sommes entre tradition et modernité comme tout le monde. Elle peut se rendre sur notre site où elle aura des informations et où elle pourra envoyer sa candidature. Une des sœurs, d’une des loges de Maurice, la contactera pour lui faire préciser pourquoi elle souhaite entrer en franc-maçonnerie. Parce que parfois une personne ne sait pas très bien exprimer sa demande. On lui demandera d’expliquer sa démarche, ce qu’elle pense qu’on peut lui apporter et ce qu’elle peut nous apporter pour cheminer ensemble.

À Maurice, il y a beaucoup de mystère et de mythes autour de la franc-maçonnerie. Est-ce le cas ailleurs aussi ?
C’est partout, je pense. Il y a plein d’idées préconçues. C’est valable partout. C’est probablement parce que nous sommes discrets. Mais nous ne sommes pas secrets. Certains ont l’impression qu’il y a plein de choses qui se passent, alors que ce n’est absolument pas le cas. Nous sommes avant tout une école de perfectionnement, une école de questionnement. Et nous travaillons pour que l’humanité soit plus juste, plus égale et pour que l’être humain soit au centre des préoccupations. 

Il y a la perception de réseau qui permettrait d’influer sur des décisions importantes dans un pays. Qu’est-ce que vous répondez à cet argument ? 
Si la franc-maçonnerie a eu un pouvoir d’influence, c’était sous la 3e République française. C’était évident. Depuis, les choses ont énormément évolué. 
Il y a eu la Seconde Guerre mondiale avec les décrets anti francs-maçons bien avant les décrets anti-juifs. Depuis, nous avons préféré travailler dans la discrétion et nous focaliser sur ce qu’est la franc-maçonnerie. C’est-à-dire la recherche de savoir qui nous sommes et comment nous pouvons nous perfectionner. C’est pour partager avec l’extérieur ce que nous portons en nous. 

Mais à titre individuel, je dirais que chaque maçonne ou chaque maçon peut, dans son entourage, apporter des réflexions qu’il ou elle a entendues dans le temple. Ce qui n’a pas un pouvoir de pression. 

Certes, de temps en temps, les gouvernements peuvent nous demander des avis sur différents sujets. Il n’y a pas très longtemps, ce fut le cas sur la fin de vie en France, mais nous ne donnons jamais une position. Nous parlons juste de nos valeurs et de nos principes. Et nous travaillons toujours sur ce sujet à travers le prisme de liberté, d’égalité et de fraternité. 

Beaucoup de gens pensent qu’il faut être quelqu’un d’important, de riche, pour pouvoir entrer dans la franc-maçonnerie. Que répondez-vous à cela ? 
La notion d’élitisme est une idée absurde et totalement fausse. On demande à n’importe quel aspirant-maçonne ou maçon d’être sincère dans sa démarche, de dire qu’il veut s’améliorer et de savoir ce qu’il est. Il doit être en quête d’une recherche spirituelle hors des dogmes puisque nous sommes des obédiences adogmatiques. 

Alors, que vous soyez surdiplômée, vendeuse ou fonctionnaire, si votre démarche est sincère, vous pouvez venir nous rejoindre. Comme on dit chez nous, vous pouvez frapper à la porte du temple.

Pourquoi continuer en 2023 avec cette discrétion ? Est-ce qu’il n’est pas temps de lever le voile ? 
Je pense qu’on essaie toujours de lever le voile dans beaucoup d’endroits. Nous donnons énormément de conférences publiques. Il nous paraît important de parler de nous-mêmes directement, plutôt que de faire parler les autres à notre place. Nous faisons beaucoup de colloques en visioconférence, beaucoup de choses pour justement lever le voile. 

Il y a une autre idée reçue à Maurice qui veut qu’un franc-maçon ne peut se révéler…
La franc-maçonne ou le franc-maçon peut tout à fait révéler son appartenance. Il n’y a aucun souci. Par contre, ce qu’il ou elle ne peut pas faire, c’est révéler l’appartenance à la franc-maçonnerie de quelqu’un d’autre. Une sœur, un frère peut dire je suis franc-maçon, je suis fier d’être franc-maçon, mais il ne dira pas : mon voisin est franc-maçon. 

Pourquoi votre visite à Maurice ?
C’est pour fêter les 40 ans de la première loge féminine de Maurice. Je vais rencontrer les sœurs, échanger avec elles. Et je vais leur assurer qu’elles sont membres à part entière de la Grande Loge féminine de France, malgré la distance.

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