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Cassure au gouvernement : la crainte de l’instabilité s’installe

Du jour au lendemain, Xavier-Luc Duval est passé du statut de no 2 du gouvernement à celui de leader de l’opposition. Les observateurs Jocelyn Chan Low, historien, et Dharam Gokhool, ancien ministre de l’Éducation, craignent surtout une instabilité coûteuse.

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« Il s’agit certainement d’un très grand bouleversement, assure d’emblée Jocelyn Chan Low. Le gouvernement se retrouve désormais très affaibli et le Mouvement socialiste militant (MSM) a besoin du Muvman Liberater (ML) pour sa majorité. Cela peut donner lieu à toutes sortes de tiraillements. »

Le flou autour du remaniement ministériel, avec l’absence d’un calendrier, devrait accentuer les choses. Chacun ira de son petit lobby pour décrocher un poste important et, face à la compétition des éventuels transfuges, l’atmosphère devrait être tendue. « Dans un tel contexte, on peut oublier la passation de pouvoir », estime l’historien.

Dharam Gokhool, égale­ment, pense que des ambitions individuelles pour­raient prendre le gouvernement en otage. « Il y aura une lutte pour le pouvoir et chacun voudra accéder à des postes clés. Ce ne sera pas bon pour le pays, car il régnera une certaine ambiance préélectorale. » L’ancien ministre travailliste est d’avis que l’instabilité devrait s’accentuer dans le paysage politique.

Un boulevard pour l’opposition

Cette cassure importante au sein du gouvernement annonce plein de bonnes choses pour l’opposition, estime Jocelyn Chan Low. Tout parti qui ne se trouve pas dans la majorité peut exploiter l’instabilité à son avantage. Surtout le Parti travailliste (PTr) de Navin Ramgoolam. « Cette situation peut booster le labour revival auquel nous assistons et cela donne également un boulevard à Xavier-Luc Duval comme leader de l’opposition », explique-t-il. Et le Mouvement militant mauricien (MMM) ? Il peut en profiter pour se consolider et essayer de se reconstruire sur de nouvelles bases.

Quant au front commun de l’opposition au Parlement, pour Jocelyn Chan Low, il s’agit d’un acquis. « C’est naturel qu’ils joignent leurs forces dans l’hémicycle, même s’ils ne s’entendent pas sur tous les sujets. Reste à savoir qui fera seulement semblant d’être dans l’opposition. »

Dharam Gokhool, lui, a une analyse diamétralement opposée : « Cela ne veut pas dire que l’opposition en ressortira plus forte. Le front commun, c’est sur papier. Cela ne se fera pas dans la pratique. » Et c’est sans compter le déficit en termes de crédibilité que tous les partis doivent affronter, selon l’ancien ministre.

« Il n’y a pas d’alternative crédible à laquelle la population puisse s’identifier, assure notre interlocuteur. Les deux blocs vont faire jeu égal et il sera difficile de les départager. Il faudra que quelqu’un se repositionne pour jouer sur la frustration populaire qui est à son comble. » Peu importent les alliances qui se feront une fois venu le temps des élections, les adversaires du jour devront batailler dur pour remporter la victoire, selon lui. « Ce sera une campagne ardue. Ce sera bon pour le pays et pour la démocratie. Ils seront obligés de revoir leur programme. »

Des investisseurs frileux

Les investisseurs n’aiment pas l’instabilité. Ce truisme pourrait revenir hanter le gouvernement dans les mois à venir. Pour Jocelyn Chan Low, « la relance de l’investissement devrait en prendre un coup. La Prosecution Commission a créé la perception que le gouvernement veut empiéter sur le judiciaire. Avec ce genre de choses, aucun investisseur ne voudra mettre les pieds à Maurice. » Dharam Gokhool s’inquiète surtout pour les jeunes : « Cela fait des années que des jeunes diplômés végètent. Ils sont frustrés et une telle situation est dangereuse pour le pays. »


De l’Hôtel du gouvernement à l’opposition

La semaine a vite défilé pour le Parti mauricien social-démocrate (PMSD). Tout s’est joué entre le lundi 12 et le lundi 19 décembre. Le 12, le comité ministériel sur la Prosecution Commission est instituée et dès le lendemain, Xavier-Luc Duval préside la première réunion. Des changements sont apportés au premier draft. Les choses se passent mal, car dès le lendemain, le bruit court que le PMSD est mécontent du contenu de cette loi.

Vendredi, au Conseil des ministres, la tension monte d’un cran. Le Premier ministre sir Anerood Jugnauth et son adjoint n’arrivent pas à se mettre d’accord. Le leader du PMSD juge inacceptable la clause de rétroactivité. Le chef du gouvernement l’accuse d’avoir fait fuité des informations dans la presse.

Après des consultations avec des hommes de loi, dont sir Hamid Moollan, dimanche tout le monde au PMSD sait déjà que la cassure est inévitable. Le lendemain, Xavier-Luc Duval réunit ses parlementaires à son bureau pour annoncer officiellement sa décision. Deux jours plus tard, il remplace officiellement Paul Bérenger comme leader de l’opposition après que le gouvernement a finalement décidé de renvoyer le projet de loi sur la Prosecution Commission à la rentrée 2017.

Entre-temps, les membres du PMSD sont contactés par des émissaires du gouvernement. Marie Claire Monty lance des signaux ambigus, mais c’est Ramalingum Maistry, président du parti et de la Mauritius Ports Authority, qui franchit le pas en premier vendredi. Sur Radio Plus, il déclare n’avoir pas reçu d’explications convaincantes sur les raisons ayant poussé le PMSD à quitter le gouvernement.

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