Comment le présumé accusé a-t-il pu obtenir une carte d’identité avec sa photo, mais avec des informations relatives à Jean Bradley Marcel ? C’est l’énigme que tentent de résoudre les enquêteurs de la Central Investigation Division (CID) depuis 2011. Après plus de huit ans et malgré une première arrestation, les ennuis de Bradley sont loin d’être terminés. Entre-temps, sa vie est suspendue à un fil depuis si longtemps, qu’il se demande quand il redeviendra enfin lui-même...
Cela fait huit longues années qu’il se bat. Bradley pensait avoir enfin trouvé la lumière au bout du tunnel lorsque Nicolas E., l’homme qui lui a usurpé son identité, a finalement été arrêté. Cependant, le coupable a été libéré contre une caution de Rs 2 500 dès le lendemain et pour Bradley, le combat est loin d’être terminé.
Faisons un saut dans le passé, plus précisément en 2011, quand Bradley apprend pour la première fois qu’une tierce personne utilise son nom. « Au début, je pensais que c’était sans doute une personne qui portait simplement le même nom que moi. Un propriétaire d’autobus avec qui j’ai travaillé dans le passé m’a appelé pour me dire qu’un certain Bradley Marcel travaillait comme chauffeur pour lui. Je lui ai donc envoyé mon numéro de carte d'identité, histoire de me rassurer, et c’est là que nous avons découvert le pot aux roses. Hormis la photo, toutes les informations sur la carte d’identité de cet individu concordaient avec les miennes. Je n’ai pas pensé à une quelconque maldonne, croyant que c’était une erreur administrative.
Cependant, lorsque je suis allé vers l’autre Bradley Marcel pour lui demander des explications, il est descendu de l’autobus en courant et a pris la fuite. Dans la sacoche qu’il a laissée dans l’autobus, j’ai trouvé sa carte d’identité, qui ressemblait à celles délivrées par le ministère de la Sécurité sociale. Ce n’était pas une copie. J’ai donc consigné une déposition à la police et les enquêteurs m’ont expliqué qu’ils allaient procéder à l’arrestation de l’usurpateur. Mais à chaque fois que je les appelais, ils m’expliquaient qu’ils ne savaient pas où il se cachait », raconte Bradley. Il a donc pris les devants et a cherché le suspect. Il y a quelques semaines, il a fini par le trouver et l’a tout de suite conduit à la police. Sur place, Nicolas E. a reconnu les faits et a donc été arrêté.
Si Bradley est allé lui-même à la recherche de l’usurpateur, c’est parce que durant ces dernières années, celui-ci a commis de nombreuses frasques qui ont eu de graves répercussions sur lui. « Avec ma carte d’identité, il a obtenu un permis de conduire en mon nom et l’a utilisé pour travailler comme chauffeur. Lorsque je suis allé aux Casernes centrales, une de ses photos figurait effectivement parmi les miennes.
Pendant un mois, j’ai été privé de mon permis de conduire par la police. En 2011, j’ai appris qu’un mandat d’arrêt a été retiré à mon nom suite à une contravention impayée. En cour, j’ai essayé d’expliquer la situation à plusieurs reprises au magistrat, mais ce dernier a déclaré : ‘Inn pran tro bouku letan pou met lame lor ou. Mo pa anvi ekout ou ban baratin.’ Il a ajouté que si je ne payais pas la contravention, il pouvait m’envoyer en prison pour 21 jours. J’ai donc accepté de régler une infraction que je n’avais pas commise. Ensuite, en 2012, j’ai appris que l’usurpateur avait pris un téléphone portable à crédit chez Mauritius Telecom pour une somme de Rs 47 000 et j’ai été contacté quand il n’a pas honoré les mensualités. »
À ce jour, Bradley a toutes les peines du monde à faire comprendre qu’il n’a jamais acheté ce téléphone. « De plus, dorénavant, mon nom figure dans un rapport au Mauritius Credit Investigation Bureau (MCIB) et maintenant que j’essaie de contracter un emprunt à la banque pour acheter un autobus, je suis freiné dans mes démarches. Au niveau de la banque, le prêt a déjà été approuvé. Cependant, on me demande de faire enlever cette note dans le rapport pour pouvoir décaisser l’argent. Cela fait trois mois que l’autobus est à l’agence et que mon paiement est attendu. »
Bradley explique qu’il a quatre enfants et qu’il a besoin de travailler. Il est las de faire toutes ces démarches. Aujourd’hui, malgré le fait qu’il est stipulé dans un document de la police (voir photo) que Nicolas E. a reconnu avoir usurpé l’identité de Bradley et avoir effectué un achat en son nom, il se retrouve coincé.
Nous avons appelé Nicolas E. Cependant, il a refusé de nous parler. Au niveau de la police, on nous rassure : « L’enquête suit son cours. »
Le bureau de l’État civil réclame un affidavit
Sollicité il y a plusieurs semaines pour trouver une solution pour venir en aide à Bradley, un représentant de l’État civil a expliqué qu’il était important pour Bradley de faire un affidavit, afin d’expliquer ce qui était arrivé et de confirmer son identité. Chose qui a été faite. Il dit ne pas pouvoir expliquer cependant comment Nicolas E. a pu fabriquer une carte d’identité avec les détails de Bradley. Il a conseillé à ce dernier de se tourner vers la police. Il ajoute qu’avec les nouvelles cartes d’identité, il est plus difficile pour une personne d’utiliser celle d’une autre personne.
Un MCIB Report défavorable pour obtenir un prêt
C’est un référentiel d’informations de crédit, positives et négatives, sur tous les destinataires de facilités de crédit, ainsi que de toutes autres informations pouvant être collectées auprès des sociétés de services publics, des sociétés de location-vente ou de toute autre source choisie par la Banque de Maurice. Il a été créé en vertu de la loi de 2004 de la Banque de Maurice et est entré en vigueur le 1er décembre 2005.
Tilotma Gobin Jhurry, de cette unité, explique qu’à aucun moment, elle ne donne son avis sur un accord ou un refus d’un prêt à un client.
Elle explique aussi que les détails sur les crédits sont conservés pour une période de trois ans à partir de la date du dernier paiement. Une note négative de la part d’un organisme qui vous offre un crédit peut cependant jouer en votre défaveur lorsque vous allez demander un nouveau crédit. Dans le cas de Bradley, la Mauritius Telecom a effectivement informé le MCIB du non-paiement du téléphone. Donc, cette dette de Rs 47 000 y figure et c’est cela qui lui cause des difficultés pour obtenir son prêt.
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