
Le Dr Siddick Maudarbocus, addictologue et directeur du Centre Les Mariannes, ainsi que Kunal Naïk, psychologue et addictologue, et Vijay Ramanjooloo, psychologue clinicien, apportent leur éclairage sur les effets du cannabis en comparaison avec d’autres substances psychoactives comme l’alcool et le tabac. Ils rappellent que toutes ces substances affectant le cerveau, mais avec des impacts qui varient considérablement selon leur composition et mode de consommation.
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Le cannabis: effets et particularités
Le cannabis présente certaines particularités qui le distinguent des autres substances. Selon le Dr Maudarbocus, il est moins nocif pour le cerveau car ses dommages ne surviennent pas rapidement. Cette tolérance relative s’explique notamment par le fait que le cerveau humain possède naturellement des récepteurs de cannabidiol, lui permettant de mieux s’adapter à cette substance. Les produits à base de cannabis, fabriqués avec moins de transformations chimiques et d’additifs de synthèse que d’autres drogues, conservent un caractère plus naturel et présentent donc une toxicité généralement moindre.
À court terme, Kunal Naïk observe que le cannabis produit des effets relaxants et euphorisants, tout en affectant la mémoire immédiate et les fonctions motrices. Une consommation excessive de tétrahydrocannabinol (THC) peut cependant déclencher des épisodes d’anxiété et, dans certains cas, provoquer des hallucinations. Vijay Ramanjooloo confirme ces observations. « Le cannabis peut avoir plusieurs effets sur la santé cognitive, en particulier lorsqu’il est consommé régulièrement ou en grande quantité. Ces effets peuvent varier en fonction de l’âge de la personne, de la fréquence de consommation, de la quantité consommée ainsi que des prédispositions génétiques individuelles. »
Sur le long terme, l’impact cérébral dépend largement du taux de THC présent dans le produit et de la régularité de la consommation, poursuit Kunal Naïk. Avec un taux faible, les effets demeurent limités, mais au-delà de 10 % de THC, les fonctions cognitives peuvent être significativement altérées. Environ 1% des consommateurs développent une psychose induite par le cannabis, d’autres souffrent de problèmes respiratoires, et près de 9% deviennent dépendants avec le temps. Une consommation chronique peut également entraîner une perte de motivation caractéristique.
outefois, la présence d’un bon taux de cannabidiol (CBD) dans le produit aurait un effet protecteur sur le cerveau. « La légalisation du cannabis permettrait un meilleur contrôle du THC et garantirait un bon équilibre avec le CBD pour limiter les risques », affirme Kunal Naïk.
L’alcool: effets immédiats et conséquences à long terme
L’alcool affecte l’organisme de façon bien différente. À court terme, il altère le jugement et diminue la coordination motrice. Une consommation excessive provoque des vomissements, encourage les comportements à risque et augmente significativement l’agressivité. Dans les cas les plus graves, les consommateurs peuvent subir des « black-out » ou des empoisonnements alcooliques potentiellement mortels.
Les effets à long terme sont particulièrement préoccupants. L’alcool est responsable de nombreuses pathologies graves : cirrhose du foie et stéatose hépatique, risques accrus de cancers (foie, sein, bouche, gorge, œsophage), problèmes cardiovasculaires, hypertension, dégradations cérébrales, troubles de la mémoire, anxiété, dépression, et affaiblissement du système immunitaire. Kunal Naïk souligne que « l’alcool est un dépresseur, et sa dépendance peut être sévère ». Le sevrage alcoolique sans supervision médicale peut d’ailleurs entraîner des complications graves, voire fatales, chez les personnes dépendantes.
Le tabac: addiction puissante et dommages progressifs
Le tabac contient de la nicotine, substance reconnue pour son pouvoir addictif extrêmement élevé. Initialement, la cigarette produit un effet stimulant, accélère le rythme cardiaque, augmente la pression artérielle et réduit l’appétit. Si de nombreux fumeurs décrivent une sensation apaisante, cette habitude provoque rapidement des effets visibles et nocifs: jaunissement des dents et des doigts, irritations de la gorge, nausées chez les nouveaux consommateurs, et risques accrus de bronchite chronique et d’emphysème pulmonaire.
Sur le long terme, le tabagisme augmente considérablement les risques de cancers (poumon, gorge, bouche, pancréas) et de maladies cardiovasculaires (hypertension, crises cardiaques). Il affaiblit également le système immunitaire, accélère le vieillissement et diminue la fertilité. « Fumer du cannabis avec du tabac combine les effets nocifs des deux substances », avertit Kunal Naïk.
Comportements sociaux et conséquences collectives
L’analyse comparative des impacts sociaux révèle des différences significatives entre ces substances. Le Dr Maudarbocus observe que la consommation de cannabis pur, sans mélange avec d’autres produits, engendre nettement moins de problèmes sociaux que l’alcool ou le tabac. Des études citées par ce spécialiste montrent que, pour 100 000 consommateurs, l’alcool génère de nombreux problèmes collectifs graves : violences conjugales, accidents de la route, pertes d’emploi. En comparaison, l’impact social du cannabis apparaît beaucoup plus limité.
Pour illustrer cette différence fondamentale, le Dr Maudarbocus propose une expérience de pensée: cent personnes consommant du cannabis, enfermées dans une pièce, passeraient vraisemblablement la nuit dans une ambiance détendue, certaines chantant ou se relaxant. À l’inverse, quatre personnes alcoolisées dans des conditions similaires risqueraient fortement d’en venir aux mains. Cette comparaison met en lumière l’effet potentiellement agressif de l’alcool sur le comportement humain, contrastant avec les effets généralement apaisants du cannabis.
Un aspect frappant de cette comparaison concerne le décalage entre la dangerosité des substances et leur acceptation sociale. Le Dr Maudarbocus rappelle que l’alcool, malgré sa nocivité avérée et son fort potentiel addictif, bénéficie d’une large acceptation sociale et d’une commercialisation intensive. De même, le tabac s’est progressivement imposé dans notre culture au fil des décennies. Il y a seulement 50 ans, il n’était pas courant de fumer dans tous les lieux publics, y compris à bord des avions. Pourtant, la cigarette crée une dépendance particulièrement tenace, agissant directement sur le cerveau en provoquant une forte libération de dopamine, ce qui rend le sevrage exceptionnellement difficile.
Les données comparatives sur le potentiel addictif de ces substances sont éloquentes : environ 9 % des consommateurs de cannabis développent une dépendance, contre approximativement 32 % pour la nicotine et entre 15 et 20 % pour l’alcool.
Cependant, malgré ses avantages comparatifs, le cannabis présente des risques spécifiques qui ne doivent pas être négligés. Le Dr Maudarbocus insiste sur le fait que toute substance introduite dans l’organisme produit inévitablement des effets tant positifs que négatifs. Si certaines personnes consomment du cannabis occasionnellement sans développer de dépendance, d’autres y deviennent sensibles, particulièrement lorsqu’elles présentent une prédisposition aux comportements addictifs.
Un danger particulier concerne la consommation précoce. L’usage du cannabis avant l’âge de 25 ans, période durant laquelle le cerveau poursuit son développement, peut entraîner des dommages neurologiques irréversibles et perturber la neuroplasticité. Par ailleurs, chez les individus présentant des prédispositions à certains troubles psychiatriques comme la schizophrénie, la consommation de cannabis peut significativement aggraver leur condition, constituant un facteur déclencheur ou aggravant de pathologies latentes.
Ainsi, le cannabis apparaît comme une substance potentiellement moins nocive que l’alcool et le tabac, à condition toutefois que sa composition soit contrôlée et qu’il ne soit pas associé à d’autres substances. Les risques diminuent considérablement dans un cadre réglementé favorisant une consommation responsable.
Dans cette optique, Kunal Naïk souligne l’importance cruciale d’un encadrement strict et d’une vaste campagne d’éducation en cas de légalisation, afin de minimiser les risques pour la santé publique. Une régulation adéquate permettrait notamment de contrôler précisément la teneur en THC des produits commercialisés et d’assurer un équilibre optimal avec le CBD, composant aux propriétés neuroprotectrices reconnues.

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