Le 4 février est la Journée de lutte contre le cancer. C’est l’occasion de rappeler l’importance du dépistage précoce et les différents types de préventions possibles. Le point avec le Dr Devi Tanooja Hemoo, consultant en oncologie à l’hôpital Victoria.
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Le cancer est en hausse à Maurice. Comment expliquer cette situation ?
Le cancer est en hausse non seulement à Maurice, mais partout dans le monde. Il faut bien comprendre cela. Ce n’est pas une situation qui est propre à notre pays, c’est une tendance mondiale. Une des raisons qui pourrait expliquer cette augmentation à Maurice c’est que nous avons une population vieillissante et le cancer est présent plus particulièrement chez des sujets âgés.
Cette augmentation pourrait aussi s’expliquer par le fait qu’il y a des diagnostics précoces que nous effectuons. Avant il y avait moins de tests et les patients consultaient moins chez le médecin. Le tabou autour de cette maladie est moindre même s’il est toujours présent.
Est-ce que le cancer peut être prévenu ? Peut-on diminuer le risque d’avoir un cancer ?
Pour éviter d’avoir le cancer, il y a la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
« Le tabou autour de cette maladie est moindre, mais il est toujours présent »
On parle aussi souvent de dépistage précoce pour une meilleure prise en charge de la maladie et plus d’efficacité par rapport au traitement. Expliquez-nous l’importance de cela ?
Ce que la population doit comprendre c’est qu’il ne faut pas attendre qu’on soit malade pour faire des bilans de santé. Il est bon de le faire régulièrement. C’est ce qu’on appelle le dépistage précoce. Cela est important pour une meilleure prise en charge et une meilleure réussite du traitement, en cas de maladie comme vous avez dit. Cela concerne tous les types de cancer au stade 1.
Dans 90 % des cas, les patients vont vivre les premiers cinq ans. Au-delà de cela, on ne parle pas de guérison, mais on dit que vous allez très bien. Les premières cinq années sont importantes. Par exemple pour le cancer du col de l’utérus, si on découvre des cellules ne sont pas encore au stade de cancer, on peut trouver une guérison à 100 % après un traitement. Là on est au stade zéro de la maladie. Le traitement est beaucoup plus léger et il n’y a pas lieu de faire la chimiothérapie ou la radiothérapie. Cela peut être uniquement une petite chirurgie. Dans beaucoup de pays, le cancer du col de l’utérus n’existe plus grâce au programme de dépistage mis en place qui a été un succès. À Maurice, ce type de cancer occupait la première place avec un plus grand nombre de personnes atteintes, mais maintenant il se trouve à la troisième place. Il est précédé du cancer du sein et colorectal respectivement. La baisse est visible année après année ce qui est une bonne chose.
Le ministère a des caravanes de santé qui passent sur les lieux du travail et dans différentes localités de l’île pour des tests de dépistage. C’est gratuit, il faut en profiter, car c’est important.
Si on a raté les tests de dépistage, quels sont les signes auxquels il faut faire attention et qui peuvent indiquer qu’on a peut-être un cancer ?
Les signes varient d’un cancer à l’autre. Prenons celui de l’aérodigestif, là on aura la voix qui est rauque, on arrive difficilement à parler. On peut avoir une dysphagie (difficulté pour avaler) ou un ulcère (ou aphte) qui ne guérit pas ou encore des ganglions au niveau du cou qui ne partent pas même après avoir pris des antibiotiques.
Un autre exemple, dans le cas d’un cancer du poumon, la personne aura des difficultés à respirer et aura du sang dans le crachat. Cela peut être accompagné d’une perte de poids inexpliquée au bout de quelques mois.
Pour le cancer du sein, on peut observer une boule dans le sein ou sous les aisselles dont on n’arrive pas à expliquer ou bien il y a des décharges par les mamelons. Et quand on n’a pas fait attention à tous ces signes et que la maladie est arrivée à un stade avancé, on peut ressentir des douleurs de l’os et des vertèbres dont on ne comprend pas la provenance. Et quand on fait le test, on réalise que c’est dû au cancer du col de l’utérus ou de la thyroïde qui s’est déjà métastasé dans l’os. Ce qui veut dire qu’on peut encore diagnostiquer le cancer tardivement à travers les douleurs beaucoup trop fortes à tenir qui vont inciter le malade à aller voir son médecin.
Quels sont les autres principaux types de cancer à Maurice ?
Il y a le cancer colorectal qui est attribué à la consommation de la viande rouge qu’il faut diminuer, car cela ne facilite pas le transit intestinal. Il faut manger beaucoup de fibres, afin de pouvoir aller à la selle régulièrement. Ce cancer peut être de cause génétique également. Il y a des personnes qui ont des polypes qui peuvent devenir des cellules cancéreuses.
Le cancer semble aussi être un sujet tabou pour certains et une fatalité pour d’autres. Est-ce que c’est toujours le cas ?
C’est encore tabou, mais cela a diminué. Auparavant, il n’y avait pas beaucoup de traitement, ce qui fait qu’au bout d’un certain temps la personne mourrait avec un cancer. Il y a aussi la perception que la chirurgie faisait répandre le cancer. Ce qui est faux tout comme on n’est pas condamné à mourir si on a un cancer. On devrait être plus ouvert. On ne subit pas une punition non plus quand on a cette maladie. C’est une maladie chronique comme beaucoup d’autres.
Un tiers des cas va être guéri et les personnes vont vivre longtemps ; un tiers va aller immédiatement sur des soins palliatifs et un tiers sera chronique c’est-à-dire que la personne va vivre avec la maladie pendant quelques années. On ne meurt pas systématiquement du cancer, mais cela dépend du type, du stade, de sa progression et de son agressivité. Il y a des cancers qui sont malheureusement très agressifs, ce qui fait qu’on n’a pas le temps de faire quoi que ce soit comme pour la leucémie. Puis il y a le cancer du pancréas qui est très difficile à soigner.
À quel moment parle-t-on de rémission ou de guérison ?
C’est au bout de cinq ans de traitement qu’on parle de rémission. Le premier traitement peut être en différentes modalités qui s’enchainent. Après cela, il y a un suivi pendant six mois. Et chaque année qui passe, le risque que le cancer revienne diminue graduellement. Le risque est plus élevé durant la première année. La maladie peut revenir au bout de dix ans, mais c’est rare.
Quelques causes du cancer
Certains types de cancer peuvent être les conséquences du mode de vie. Selon le Dr Hemoo, à Maurice le style de vie est sédentaire. Ajouté à cela il y a les facteurs de risque. Par exemple, une femme qui n’a pas allaité son bébé au sein à plus de risque d’avoir un cancer du sein. Le risque d’avoir ce type de cancer est aussi plus élevé chez les femmes qui se marient tard ou qui ont leur premier enfant tard. Celles qui ont leurs règles très tôt ou qui font leur ménopause tardivement sont plus à risque également tout comme celles qui n’ont pas enfanté.
En ce qu’il s’agit des hommes, à partir de l’âge de 60 ans, une personne sur trois aura le cancer de la prostate. Cela passe à un sur deux à partir de 70 ans. Mais dans bien de cas cela n’est pas diagnostiqué, parce que la personne n’a aucun problème de santé apparent et il ne sait pas qu’il a un cancer. Certains cancers comme celui de la prostate surtout, sont très indolents. C’est ainsi que le patient peut mourir d’une autre maladie que celui du cancer de la prostate. Ce type de cancer commun chez l’homme est le résultat de l’âge, mais aussi de l’hérédité. On dit aussi que les hommes qui sont très actifs sexuellement ont moins de risque d’avoir le cancer de la prostate. On a vu également que le cancer du sein est plus commun chez les femmes ménopausées. Il y a aussi le fait que les cellules ne se réparent pas. Quand on est jeune, les cellules se réparent très vite. Et une fois qu’on vieillit, elles ne se réparent pas aussi vite et pas aussi facilement.
Le soleil est aussi un facteur de risque pour le cancer et les cellules peuvent être fatiguées des effets des rayons ultraviolets du soleil ou encore de la pollution de l’air et la quantité de fumée des véhicules qu’on respire. Il y a aussi les effets des détergents ou des pesticides qui peuvent être présents dans les fruits et les légumes que nous consommons. Il y a un taux qui est nocif et qu’on ne doit pas dépasser. Le risque d’avoir un cancer augmente aussi avec l’âge.
Faits et chiffres
Le nombre de cancer est en hausse à Maurice. Selon le Cancer Registry, il y avait 2 500 nouveaux cas en 2015. Le nombre de décès liés au cancer a également augmenté.
Selon le « Non Communicable Disease Report » de 2015 du ministère de la Santé, le cancer est un problème majeur à Maurice. Il est attribué au vieillissement de la population, mais aussi à son mode de vie.
13,3 % des décès enregistrés en 2015 étaient dus au cancer, ce qui fait de cette maladie la troisième cause de mortalité à Maurice. À Rodrigues le pourcentage était de 14,3 %. Le « National Cancer Registry Report » de 2015 indiquait que sur les 2 489 nouveaux cas de cancer enregistré, 1 082 hommes et 1 407 femmes étaient touchés. Une caravane mobile sillonne le pays pour des tests de dépistage pour le cancer du sein et du col de l’utérus à l’intention des femmes âgées de 30 à 60 ans.
Les Tableaux 1 et 2 montrent les types de cancers les plus communs.
Aliments à éviter
Les viandes rouges et les huiles hautement saturées et les fast foods sont à éviter ou à être consommés avec modération. Il faut favoriser la consommation d’aliments riches en fibres et les légumes forts en couleur (rouge, jaune, vert) et qui sont riches en antioxydant. Cela aide à réparer les cellules qui sont tout le temps agressées naturellement. La pollution est à éviter. La cigarette est à proscrire.
Prévention
Primaire : C’est l’ensemble de mesures à prendre pour éviter la maladie. Les campagnes de prévention organisées par le ministère de la Santé visent à inciter la population à ne pas fumer par exemple ce qui réduit les risques d’avoir un cancer de 90 %. En évitant le tabagisme et l’alcoolisme, les risques d’avoir un cancer aérodigestif (bouche, gorge, poumon) sont réduits également. Le principe est appliqué pour les autres maladies non transmissibles (hypertension, diabète). Ce qu’il faut faire c’est manger cinq fruits et légumes tous les jours, pratiquer une activité physique comme la marche pendant au moins trente minutes.
Secondaire : La prévention secondaire s’adresse à des personnes à risque. Il vise à réduire la mortalité liée au cancer comme celui du sein, du col de l’utérus et colorectal.
Tertiaire : Ce type de prévention s’adresse directement au malade, afin qu’il s’abstienne de tout comportement à risque. Par exemple si un patient souffre d’un cancer aérodigestif, on lui demande d’arrêter de fumer et de ne plus consommer de l’alcool. mente aussi avec l’âge.
Traitements
Il y a trois types de traitements : la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. En ce qu’il s’agit de la chimiothérapie, il y a tout ce qu’il faut pour soigner les malades. Très peu de pays ont cet avantage indique le Dr Hemoo. Elle précise également que nous bougeons de la chimiothérapie vers l’immunothérapie. Dans la chimiothérapie on utilise des produits chimiques qui sont des molécules. Avec l’immunothérapie ces molécules vont cibler spécifiquement le type de cancer qu’on veut détruire. « C’est moins nocif et il y a moins d’effets secondaires, c’est mieux toléré et cela donne de meilleurs résultats également », dit-elle.
Pour le Dr Hemoo, Maurice est assez privilégié d’avoir ces divers types de traitements pour lutter contre le cancer. Et malgré la quantité de patients, les oncologistes prennent quand même le temps de parler aux familles des traitements disponibles ajoute-t-elle. Mais les gens ne sont pas assez conscients de cela, dit-elle. Elle reconnaît que le manque d’espace et les infrastructures dépassées sont des problèmes. Cependant le ministère de la Santé fait des efforts pour améliorer le service avec l’hôpital dédié au traitement du cancer qui est en voie de concrétisation. Les patients seront certainement mieux lotis. La salle d’attente sera plus confortable et il y aura plus de lits ce qui fait qu’il devrait y avoir moins de temps d’attente.
Remèdes
Les réseaux sociaux sont envahis de conseils pour lutter contre le cancer et évoquent ce que la médecine ne dit pas selon eux. Parmi les « remèdes » proposés contre le cancer, il y a le safran et le corossol. Selon le Dr Hemoo, le safran est connu pour être un bon antiseptique et anticancéreux tout comme le corossol. « Ils peuvent être bons, mais on ne peut pas dire aux gens de ne pas faire leur cure de chimiothérapie en même temps », souligne-t-elle. Elle considère que ce type de produit peut avoir des effets contre le cancer, mais qu’il faut suivre son traitement médical. Elle ajoute que des tests cliniques ont démontré que la chimiothérapie est efficace comme traitement contre le cancer. C’est une évidence. La dose est donnée en fonction de l’âge, du poids et de la hauteur de la personne. Partout dans le monde on utilise le même protocole.
Vaccin
Certains cancers sont liés à certains virus et bactéries. Le Human Papilloma Virus (HPV) 16 et 18 par exemple provoque le cancer du col de l’utérus ainsi que le cancer des voies aériennes (bouche et le tube digestif). Le vaccin contre ce virus, introduit l’année dernière par le ministère de la Santé, est recommandé aux filles avant les premières relations sexuelles. Il fait partie du programme de vaccination national. Selon le Dr Hemoo, ce vaccin a démontré son efficacité dans les pays où il a été introduit avec une diminution de ce type de cancer.
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