L’Alliance Morisien, l’Alliance nationale et le Mouvement militant mauricien ont réussi leur coup, ou presque. Les mesures prioritaires présentées semblent avoir fait mouche. Mais sont-elles toutes réalisables ? En l’absence d’une échéance, il est difficile de savoir quand ces mesures vont-elles entrer en vigueur, font remarquer Jocelyn Chan Low et Faizal Jeerooburkhan.
Si les mesures prioritaires présentées par l’Alliance Morisien, l’Alliance nationale et le Mouvement militant mauricien (MMM) peuvent convaincre, leur mise en pratique suscite des interrogations. Comment vont-elles être financées ?
L’observateur politique, Jocelyn Chan Low, fait remarquer qu’il y eu une surenchère de la part des principaux blocs en lice pour les élections générales, surtout en ce qu’il s’agit de la pension de vieillesse. En sus, des 15 mesures de l’Alliance Morisien, on est passé aux 20 du MMM et aux 21 de l’Alliance nationale. « Chacun veut faire un peu plus que l’autre, sans donner de grands détails comment il va mettre en pratique ces mesures », note-t-il.
Crise financière
Selon Faizal Jeerooburkhan, aussi observateur politique, il manque l’aspect économique dans les différents programmes. « Les partis ne disent pas comment ils vont financer et mettre en pratique les mesures qui ont été annoncées et surtout comment ils vont mettre l’économie sur les rails. Des mesures sociales ont été énumérées, mais elles dépendent de la santé de l’économie », estime-t-il.
Faizal Jeerooburkhan ajoute qu’il y a de nombreux fléaux qui guettent la société (pauvreté et insécurité, etc.) et que personne n’en fait mention. Rien non plus en ce qu’il s’agit de la dette publique, qui est élevée, et concernant le rétablissement de la balance de paiement.
Jocelyn Chan Low fait le même constat. Les mesures énumérées tentent de faire oublier les menaces qui pèsent sur l’économie mauricienne, selon lui. « Tous les économistes s’accordent à dire que 2020 sera une année difficile avec la crise financière et la récession mondiale », fait-il observer.
Une baisse de la croissance est attendue et cela aura un impact indéniable sur notre économie qui est déjà fragilisée avec les secteurs sucrier, touristique et financier en berne, estime notre interlocuteur.
Ajouté à cela, la dette publique est élevée et la dette privée est forte, selon Jocelyn Chan Low. Il est ainsi d’avis que les différents manifestes électoraux masquent les problèmes et ne disent pas comment le pays va faire face aux différentes crises mondiales. « On fait beaucoup de cadeaux, mais on ne dit pas comment on va créer la richesse », poursuit-il.
Mise en pratique
« Comment va-t-on développer l’économie bleue et verte ? Comment faire face aux changements climatiques et aux changements économiques avec le Brexit et les conflits dans certains pays ? » demande, pour sa part, Faizal Jeerooburkhan.
Pour lui, au lieu de faire des propositions faramineuses, telle l’allocation aux chômeurs, il aurait été mieux d’encourager l’entrepreneuriat et d’annoncer les mesures pour la création d’emploi. « Je ne suis pas en faveur de donner un poisson à quelqu’un qui a faim. Il faut lui apprendre à pêcher. »
Selon lui, l’allocation chômage est une façon d’encourager l’assistanat et à rendre les gens paresseux et dépendants. Il trouve ainsi cette surenchère à laquelle s’adonnent les principaux blocs politiques tout à fait démesurée.
« Où va-t-on trouver l’argent pour financer tout cela ? » dit-il. Pour lui il ne suffit pas de dire qu’on va réduire les dépenses ou les salaires des ministres. Il faut des mesures plus concrètes. }
« Le développement économique a été relégué au second plan avec la présentation de mesures pour obtenir les faveurs de l’électorat », dit-il.
Mais la population n’est pas dupe affirme, Faizal Jeerooburkhan. Pour lui, les électeurs doivent profiter de l’exercice de porte-à-porte des candidats pour leur demander des garanties et des précisions sur la mise en pratique des mesures énoncées dans leur manifeste électoral.
Surenchère
Comme lui, Jocelyn Chan Low constate que les différentes mesures proposées vont amadouer l’électorat. Pour ce dernier ces « cadeaux » sont des « appâts ». « Ce n’est pas cela une élection. Il faut un débat sérieux. C’est la première fois qu’on assiste à ce genre de surenchère. » Selon lui, le détonateur a été l’annonce des Rs 13 500 comme pension de vieillesse. Avec une population que Jocelyn Chan Low qualifie d’individualiste et matérialiste, les politiciens ont surfé sur la vague en caressant l’électorat dans le sens du poil et en répondant à ses aspirations.
Cette situation découle aussi, selon lui, à une lacune dans notre législation qui fait que les politiciens peuvent annoncer n’importe quelles mesures, alors qu’il aurait fallu disqualifier ceux qui font des annonces démesurées. Sinon nos campagnes vont se résumer à de la surenchère. |
« Où est le projet de société dans tout cela ? »
Alors que la planète fait face aux changements climatiques et que Maurice fait partie des pays les plus vulnérables, le sujet n’a été qu’effleuré selon Faizal Jeerooburkhan dans le programme des principaux blocs politiques.
Pour lui, des décisions doivent être prises dès à présent par rapport à l’érosion de nos plages, par exemple. Les manifestes électoraux ne font pas tous mention, selon lui, de la formation des jeunes dans certains corps de métier spécifiques, par exemple, la plomberie ou la mécanique, qui leur permettraient de lancer des petites et moyennes entreprises. Aucune mention également concernant le ciblage de la pension de vieillesse, alors que nous connaissons un vieillissement de la population.
Partage équitable
Mais pour pouvoir mettre en application toutes les propositions des manifestes électoraux des différentes formations politiques, le point central demeure, lui, la relance de l’économie.
« Il faut s’assurer qu’il y ait une croissance de plus de 5 %. » Pour lui, tout doit être mis en œuvre pour réduire l’écart entre les riches et les pauvres.
« Les riches ne devraient pas s’enrichir davantage ni les pauvres s’appauvrir, car cela va créer l’insécurité au sein de la population », dira Faizal Jeerooburkhan. Il préconise ainsi un « partage équitable de la richesse » qui devrait faire partie du programme proposé à la population.
L’observateur politique conclut en faisant ressortir que « l’argent pour réaliser les promesses proviendra de la poche de la population », car « rien n’est gratuit ». Il dit craindre ainsi une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée et une dévaluation de la roupie, ce qui affectera la population.
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