
Navin Ramgoolam dévoile ce jeudi un budget très attendu, dans un contexte économique préoccupant. Entre déficit commercial creusé, dette publique record et marges de manœuvre réduites, les choix fiscaux du gouvernement seront scrutés avec attention.
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Le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, présente ce jeudi 5 juin, à 17 heures, le Budget 2025-2026 au Parlement. Selon des informations recoupées de sources proches du dossier, plusieurs options ont été examinées au cours de l’exercice préparatoire. Mais mercredi soir, la plus grande discrétion régnait encore autour du contenu final des mesures budgétaires.
Parmi les options qui auraient été sur la table de travail au ministère des Finances figure une possible révision de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), introduite en septembre 1998 à un taux initial de 10 %, puis relevée à 12 % et ensuite à 15 %. Selon les éléments disponibles, il a été question d’augmenter la TVA à 17,5 % sur certains produits jugés non essentiels ou relevant du segment du luxe. A contrario, une baisse sur des produits de grande consommation aurait également été envisagée, dans un souci d’alléger le fardeau fiscal des ménages à faibles revenus.
D’autres mesures fiscales ont également été discutées dans le cadre de cet exercice budgétaire. L’éventualité d’un alourdissement de la taxation sur certaines catégories de véhicules, notamment les berlines de luxe, aurait été mise sur la table. De même, des réflexions auraient porté sur la possibilité d’imposer davantage les entreprises les plus profitables, dans une logique de redistribution et d’équité fiscale.
La philosophie consistant à faire contribuer davantage les hauts revenus n’aurait pas été écartée non plus. Des ajustements au niveau de l’impôt sur le revenu (Income Tax) ont été évoqués, sans qu’aucune orientation précise ait pour l’instant filtré.
À quelques heures de l’échéance, l’ensemble de ces options demeure au stade d’hypothèses. Le discours que prononcera Navin Ramgoolam, ce jeudi, apportera les premiers éléments concrets sur les choix retenus par le gouvernement pour affronter les défis économiques, sociaux et environnementaux de l’année à venir.
Marges de manœuvre restreintes
Toutefois, la marge de manœuvre semble faible, car plusieurs données macroéconomiques interrogent, voire inquiètent. Des chiffres récemment évoqués dans le débat public donnent un aperçu plus sombre de la situation économique que ce qui a parfois été avancé jusque-là.
D’abord, le déficit commercial pour 2024 serait bien plus important qu’annoncé. Alors que certaines estimations faisaient état d’un déficit de l’ordre de 1,4 milliard de dollars américains (Rs 64,12 milliards selon le taux de change du jour), des données actualisées indiquent que celui-ci s’élèverait en réalité à environ 4,4 milliards USD (Rs 201,52 milliards).
Autre indicateur clé : les réserves extérieures brutes, affichées à 8,7 milliards USD (Rs 398,46 milliards) à fin avril 2025, masquent une réalité plus complexe. Une fois déduits les emprunts à court terme de la Banque de Maurice (1,7 milliard USD), les dépôts en devises et les soldes de trésorerie des banques commerciales auprès de la Banque centrale (1,6 milliard USD soit Rs 73,28 milliards), ainsi que les opérations de swap sur l’or (0,3 milliard USD soit Rs 13,74 milliards), les réserves nettes s’établiraient à un niveau bien plus modeste, avoisinant les 5 milliards USD (Rs 229 milliards). Dans ce contexte, la flexibilité entre un déficit commercial de 4,4 milliards USD (Rs 201,52 milliards) et des réserves nettes à peine supérieures offre très peu de marge de manœuvre.
Sur le plan des finances publiques, la dérive budgétaire est également notable. Le déficit fiscal pour l’exercice 2024-2025, hors fonds spéciaux, avait été initialement fixé à Rs 27 milliards. Ce chiffre a été révisé à Rs 48 milliards dans le State of the Economy Report de décembre 2024. Selon les dernières estimations, il atteindrait désormais Rs 65 milliards, soit environ 9 % du produit intérieur brut (PIB). En excluant les mesures prises par le nouveau gouvernement en décembre 2024 – notamment l’octroi d’un 14e mois de salaire à ceux touchant moins de Rs 50 000 et la baisse des prix des carburants – pour un coût estimé à Rs 10 milliards, le déficit atteindrait tout de même près de Rs 55 milliards, soit le double de l’estimation initiale.
En ce qui concerne la dette du secteur public, elle est estimée à Rs 645 milliards, soit environ 90 % du PIB. Ceci fait que le Fonds monétaire international (FMI) classe Maurice au 6ᵉ rang des pays les plus endettés parmi 45 pays d’Afrique subsaharienne.
Un Conseil des ministres spécial prévu ce jeudi
Un Conseil des ministres spécial se tiendra ce jeudi 5 juin, lors duquel les membres du gouvernement seront informés des grandes lignes de l’exercice budgétaire. Ce « Cabinet meeting », convoqué exceptionnellement dans la matinée, précédera la présentation officielle du Budget. Comme le veut la tradition, les grandes orientations économiques et sociales y seront discutées à huis clos avant d’être rendues publiques devant l’Assemblée nationale.
Les débats budgétaires débuteront, quant à eux, le mardi 17 juin. Ils devraient s’étendre jusqu’à la fin du mois, avec une possible prolongation jusqu’au début de juillet, selon le rythme des interventions parlementaires. Ce temps de débat permettra à l’opposition et à la majorité de se prononcer sur les choix du gouvernement, tout en scrutant les arbitrages opérés entre les différents ministères.
L’agenda parlementaire s’annonce donc chargé dans les semaines à venir, avec en toile de fond des enjeux politiques majeurs. En effet, ce Budget est le premier exercice financier piloté par Navin Ramgoolam depuis son retour à la tête du gouvernement. Il est également perçu comme un test important de sa capacité à répondre aux attentes sociales tout en assurant la viabilité des finances publiques.

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