
Le premier Budget du nouveau gouvernement qui sera présenté ce jeudi 5 juin sera scruté avec attention. Le gouvernement, qui s’est engagé à rompre avec les pratiques du passé, veut réorienter la croissance vers l’investissement. Entre ambitions réformatrices, contraintes budgétaires et attentes sociales, cet exercice marque un test crucial pour une équipe appelée à rétablir la confiance et poser les jalons d’une relance durable.
Ce jeudi 5 juin, le gouvernement présente son premier budget depuis son entrée en fonction l’année dernière. Une échéance politique et économique attendue avec attention, dans un contexte dans lequel l’équipe au pouvoir s’est engagée à opérer une rupture avec les politiques précédentes. Au cœur du discours : une volonté de passer d’une croissance tirée par la consommation à une dynamique centrée sur l’investissement. Mais derrière les ambitions affichées, les défis sont nombreux.
Dès son arrivée au pouvoir, l’équipe gouvernementale a pris soin de dresser un état des lieux détaillé à travers un rapport intitulé State of the Economy. Ce document, rendu public à peine quelques semaines après l’installation du nouveau régime, a brossé un tableau sans complaisance de la situation économique. Endettement élevé, déséquilibres structurels, vulnérabilités accrues aux chocs externes : la base sur laquelle repose le budget 2025-2026 n’est pas des plus stables.

Lors du coup d’envoi des consultations prébudgétaires, Dhaneshwar Damry, junior minister aux Finances, a insisté sur l’importance du dialogue dans l’élaboration de ce budget. « Ce n’est pas facile de plaire à tout le monde. Le rapport State of the Economy a donné une indication de la situation. C’est le moment de faire des choix dans le présent pour un pont vers l’avenir », a-t-il indiqué. Selon lui, chaque budget, durant les cinq à venir, aura une fonction bien définie.
Nouvelle direction économique
Un des objectifs du gouvernement est de réorienter la croissance mauricienne. Depuis plusieurs années, celle-ci repose en grande partie sur la consommation, soutenue par des mesures sociales élargies. Cette formule, bien que stimulante à court terme, montre ses limites, notamment en termes de durabilité financière.
Le gouvernement souhaite désormais repositionner le développement économique autour de l’investissement. Ce qui implique un réexamen en profondeur de la structure économique actuelle, ainsi qu’un environnement plus favorable à la création de valeur à moyen et à long terme.
Azim Currimjee, observateur économique et managing director de Quality Beverages Ltd, insiste sur l’importance de jeter les bases dès ce premier budget. Selon lui, « la direction à prendre dans les années à venir doit permettre de dynamiser l’économie, sans négliger les défis internes et externes ». Parmi ces derniers figurent les mouvements géopolitiques, les politiques douanières internationales et les implications du dossier Chagos sur la perception du pays comme destination d’investissement.
L’état des finances publiques
La question des finances publiques domine les discussions. Un analyste économique appelle à une remise en ordre budgétaire. Pour lui, l’heure est venue de « revoir les politiques sociales proposées par le précédent gouvernement », tout en contenant les dépenses.
Il met également en lumière la nécessité de revoir le fonctionnement de la fonction publique, souvent critiquée pour sa lourdeur administrative et ses duplications de services. « Relancer l’économie est aussi primordial. Ce sera un moyen de réduire la dette et de stimuler les revenus de l’État », estime-t-il.
La transition d’un modèle basé sur la consommation vers un modèle porté par l’investissement n’est pas simple. Elle nécessitera des choix ciblés, des incitations appropriées et une amélioration de l’environnement général pour les investisseurs.
Croissance à reconstruire
Azad Jeetun, économiste, abonde dans le même sens. Selon lui, les cinq dernières années n’ont pas permis une relance économique effective. Il s’agit plutôt d’une phase de récupération post-pandémie. Ce budget, affirme-t-il, doit être celui d’un nouveau départ.
Il plaide pour une diversification du secteur agricole, un encouragement au secteur de l’exportation, ainsi qu’une stimulation du secteur manufacturier. Ces axes devraient permettre, selon lui, de générer de l’emploi et de stabiliser les prix, tout en réduisant le déficit de la balance commerciale.
Concernant les dépenses publiques, Azad Jeetun appelle à une réduction des charges inutiles et à une réforme du système fiscal. Il soutient l’idée d’un impôt progressif. « Taxer les hauts revenus pour soulager les plus bas permettra de réduire les inégalités », ajoute-t-il.
Marge de manœuvre réduite
Le gouvernement fait face à des contraintes budgétaires importantes. La marge de manœuvre est limitée, comme le reconnaît Roshaan Kulpoo, président de l’United Pay Ltd. Il dresse une liste d’attentes variées de la part des citoyens : soutien à l’économie, réduction de l’inflation, mesures en faveur du logement social et aide aux emprunteurs immobiliers.
Pour Roshaan Kulpoo, il est également crucial de stabiliser les prix, à travers des dispositifs comme le Price Stabilisation Account. « Le budget 2025-26 est crucial, car il prouvera s’il existe une volonté réelle de réformer, de réduire l’importation, d’encourager la production locale et d’accompagner les PME. »
Il mentionne aussi la nécessité de lutter contre les fléaux qui minent le tissu social et économique, comme la corruption, le blanchiment d’argent et la drogue. Pour lui, ces problématiques doivent être intégrées dans une approche globale visant à restaurer la confiance.
De la parole à l’action
Le discours de rupture porté par le gouvernement devra se matérialiser par des mesures concrètes. Le moment est propice à la prise de décisions difficiles, comme le souligne un analyste. « Le début d’un mandat est le meilleur moment pour engager les réformes. Si rien n’est fait maintenant, les difficultés seront plus lourdes à porter plus tard », avance notre interlocuteur.
La cohérence entre les engagements de campagne et la réalité budgétaire sera scrutée. Certains engagements pourraient être revus, en fonction des contraintes économiques, à en croire notre interlocuteur. Le gouvernement devra alors faire preuve de pédagogie pour expliquer ses choix, en insistant sur le rôle de chaque citoyen dans l’effort collectif.
Réformes, investissements et vision à long terme
La situation économique actuelle requiert des réformes dans plusieurs domaines. L’économie verte est citée par plusieurs observateurs comme une voie d’avenir. Pour Azim Currimjee, il faut valoriser l’environnement comme un levier de croissance. La connectivité du pays, les accords commerciaux et les secteurs comme le tourisme, la finance ou le BPO nécessitent aussi des plans d’action ciblés.
Selon les économistes interrogés, une meilleure lisibilité de la balance de paiements du pays est indispensable. La transparence sur l’état des finances publiques permettra de restaurer la confiance et de mieux orienter les investissements.
Justice sociale
Au-delà des chiffres, la justice sociale est une thématique mise en avant par le Premier ministre et le junior minister aux Finances. Le budget devra concilier rigueur économique et solidarité. Mais les moyens sont limités. Pour Azad Jeetun, « le gouvernement a déjà beaucoup fait dans le passé pour le social. Il ne faut pas aller plus loin dans ce sens sans les ressources nécessaires ». Il évoque une meilleure distribution via le système fiscal et une hiérarchisation des priorités.
Test politique et économique
Le Budget 2025-2026 est bien plus qu’un exercice comptable. Il constitue un test pour le gouvernement. Sa capacité à marier ambitions et contraintes, à naviguer entre attentes sociales et rigueur budgétaire, sera décisive pour la suite du quinquennat. Les observateurs s’accordent à dire que ce premier budget pourrait définir le ton des prochaines années. S’il marque une vraie inflexion, il pourrait poser les jalons d’un redressement économique progressif. À défaut, disent-ils, les critiques sur le manque d’actions concrètes ne manqueront pas.
Budget lié à la performance
Le gouvernement a confirmé la réintroduction du système de budgétisation lié à la performance dans l’élaboration du budget national. Cette approche, qui met l’accent sur les résultats concrets plutôt que sur les moyens engagés, devrait marquer un tournant dans la gestion des ressources publiques.
Lors d’une intervention à ce propos, le Premier ministre a reconnu que ce modèle ne suscite pas toujours l’adhésion au sein des ministères. Il a indiqué qu’« aucun ministre n’est vraiment favorable à la performance-based budgeting ». « Le budget du ministère de la Santé est de Rs 18 milliards, mais beaucoup se tournent vers le privé. Cette situation doit susciter des questions sur les performances du système public », a-t-il déclaré. Il a insisté sur la nécessité de rendre chaque ministère redevable, avec un suivi assuré par le Prime Minister’s Office.
Pour certains observateurs, ce changement peut améliorer la gestion publique. Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC Mauritius, estime que la relance de ce mode de budgétisation est un signal positif. Elle permettrait, selon lui, d’augmenter la transparence et la reddition de comptes dans la gestion des fonds publics.
Préparatifs du Budget 2025-2026 : Réforme économique et coopération public-privé

Les consultations prébudgétaires en vue du Budget 2025-2026 se sont achevées le 8 mai. Cette ultime journée a vu la participation d’organisations professionnelles clés, réunies à Port-Louis pour une rencontre dirigée par le ministre délégué aux Finances, Dhaneshwar Damry.
Face à Business Mauritius, à la Mauritius Export Association, à l’Association of Mauritian Manufacturers et à la Mauritius Chamber of Commerce and Industry, Dhaneshwar Damry a réaffirmé la volonté du gouvernement de proposer un budget axé sur les réformes. Il a insisté sur l’importance d’un dialogue ouvert avec les acteurs économiques pour « poser les bases d’un environnement économique favorable aux investissements et à la génération de revenus en devises ».
Le Budget 2025-26 devrait inclure des mesures destinées à stimuler la croissance, à renforcer l’attractivité économique, à soutenir la création d’emplois et à intégrer une dimension durable. Le ministre a souligné que cette démarche s’inscrit dans la continuité du rapport « State of the Economy » qui a servi de fondement à la vision économique du nouveau régime.
Anil Currimjee, président de Business Mauritius, a pour sa part salué cette orientation. Il a rappelé que le contexte mondial impose des choix stratégiques et une coordination renforcée. « Ce budget marque le début de la mise en œuvre de la vision du gouvernement. Il doit permettre à Maurice de redevenir un acteur influent dans la région », a-t-il fait observer.
Pour y parvenir, Business Mauritius recommande de renforcer la compétitivité des industries exportatrices, d’investir dans la formation et le développement de la main-d’œuvre. Il préconise aussi de promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat et d’intégrer les défis climatiques dans les stratégies économiques. La connectivité – portuaire, numérique et financière – est évoquée comme un levier incontournable.

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