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Budget 2019-20 : Entre ‘game changers’ et déceptions

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Après la présentation du budget en début de semaine, les réactions sont mitigées. Pravind Jugnauth est-il venu avec les bonnes mesures pour pallier les problèmes dans divers secteurs de notre économie ? Pour nos experts, c’est mi-figue, mi-raisin.

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Secteur textile : des mesures à hauteur des problèmes ?

Pour

Ahmed Parkar, Directeur-Général de Star Knitwear : «Le gouvernement admet qu’il y a problème»

ahmedIl y a de très bonnes mesures annoncées pour le secteur manufacturier. Notamment, aider les entreprises en difficulté, les facilités pour l’exportation, le fret et tant d’autres. Le gouvernement a reconnu que le secteur manufacturier a des problèmes. Malgré sa marge de manœuvre limitée, le ministre des Finances est venu avec plusieurs solutions. Cela démontre sa volonté d’aider le secteur, qui reste un pilier important de notre économie.

Il faut désormais travailler avec tous les acteurs concernés, dont la MEXA, pour que ces mesures soient mises en œuvre le plus tôt possible. Déjà, le secteur a des problèmes, il est impératif de prendre des mesures palliatives tout de suite. Si on tarde, il y aura d’autres conséquences.

Le gouverne-ment a aussi pris note que c’est une industrie durable et est prêt à l’aider. Particulièrement pour préserver les emplois. En général, les mesures prises assureront la pérennité du secteur. Toutefois, on a toujours besoin de plus, comme miser sur un marketing plus féroce.


Contre

Beas Cheekhooree, du conseil de la MEXA : «Nous n’arrivons pas à saisir les opportunités»

beasLes mesures annoncées sont timides et loin des attentes de l’industrie manufacturière dans son ensemble. C’est le sentiment général des opérateurs. L’intention de relance est perceptible, mais les moyens proposés sont faibles.

Dans son ensemble, le secteur manufacturier fait face à des défis énormes. Une combinaison des facteurs exogènes et endogènes érode notre compétitivité. La contribution du secteur manufacturier au PIB avoisine les 13 %. L’investissement dans les secteurs productifs chute d’année en année. Nos marchés d’exportation traditionnels rétrécissent à une vitesse alarmante. Nous faisons face à un déficit de main-d’œuvre appropriée pour ajouter de la valeur réelle à nos produits, tant pour le marché local que pour l’exportation. Nous sommes à la merci de la main-d’œuvre étrangère, qui coûte de plus en plus cher aux entreprises.

Par contre, les opportunités sont là et c’est dommage que nous n’arrivions pas à les saisir. Les bouleversements géopolitiques génèrent le chaos, mais ouvrent en même temps des perspectives nouvelles. Nous avons besoin d’un écosystème manufacturier tourné vers les nouvelles technologies, avec de nouvelles idées susceptibles d’attirer l’investissement étranger et local. Il nous faut développer une économie robuste et moderne.


François de Grivel, industriel : «Pas beaucoup d’amélioration»

francoisLe budget n’a pas apporté beaucoup d’amélioration pour le secteur manufacturier, ni pour l’économie en général. Il donne l’impression d’être plus électoraliste qu’autre chose. Les dépenses sont réelles et importantes. On ne voit pas vraiment la relance de l’économie.

On s’attendait à un vrai dynamisme, mais on n’a rien constaté de la sorte. Il n’y a pas de création d’emplois et de richesse. Seul le climat social connaîtra des améliorations. J’espère que les choses vont aussi s’améliorer sur le plan économique. Sinon, je suis vraiment inquiet. J’espère vraiment, pour nous tous, qu’il y aura un meilleur dynamisme.


Tourisme au ralenti  : le PM a-t-il saisi les enjeux ?

Pour

Bissoon Mungroo, président de l’Association des hôtels de charme : «On a les outils pour aller de l’avant»

bissoonLes  mesures annoncées sont favorables. à commencer par le budget marketing de la MTPA, qui a été augmenté. Nous ne pouvons plus rely sur les marchés traditionnels, qui sont saturés. Il faut l’émergence de nouveaux marchés, comme l’Europe de l’Est et la Chine. La promotion de notre île sera un atout.

La décision d’augmenter le nombre de vols est également salutaire. Mettre l’accent sur le Kenya nous aidera car l’Afrique, c’est l’avenir. Nous devons exploiter ce potentiel avant qu’il ne soit saturé. Il n’y a pas de doute que ce budget nous donne les outils pour aller de l’avant. Les idées sont bonnes. Il suffit de faire un rebranding de la destination mauricienne. Tout en gardant notre image et notre service haut de gamme.


Ganessen Chinappen : «Les secteurs clés pas oubliés»

ganessenGanessen Chinappen est l’un des économistes qui trouvent que le budget présenté par Pravind Jugnauth est idéal dans la conjoncture actuelle. Le Premier ministre et ministre des Finances a prôné la discipline fiscale.

Résilience de l‘économie

Le Budget 2019-2020 est ancré dans la continuité des précédents budgets de ce gouvernement. Le Premier ministre (PM) a été financièrement responsable et a décidé de prôner la discipline fiscale. Ce qui est une bonne chose ; dans l’optique des prochaines élections générales, le PM aurait pu facilement faire exploser la caisse de l’état avec des mesures extrêmement populaires. Mais il savait que sa marche de manœuvre était restreinte et a su intelligemment cibler les différents groupes de notre société avec des initiatives sociales, avec une pensée spéciale pour les plus démunis et nos aînés. Il n’a pas non plus oublié les secteurs clés. Des initiatives économiques ont été offertes aux petites et moyennes entreprises. La création d’une nouvelle catégorie d’entreprises, le Mid-Market Entreprises (MME’s), pour les compagnies ayant un Turnover de 50 à 250 millions de roupies est aussi le signe du vœu de booster le secteur. Ce budget prône également l’exportation.

Autre mesure importante : la promotion des produits locaux. Ne pas être trop dépendant de l’importation, mais prôner l’autosuffisance. Les gros pays exportateurs ont commencé à valoriser leurs produits locaux. Nous devons en faire de même.

Responsabilité du PM

Sur le plan géopolitique, nous vivons en ce moment une guerre commerciale entre les états-Unis, la Chine et l’Inde. La globalisation est maintenant chose du passé. Ces pays se tournent vers le nationalisme et referment leur économie, en prônant la production pour le marché local. On est obligé de suivre le pas.

Pravind Jugnauth a dû prendre en compte notre énorme dette commerciale. Il a trouvé l’équilibre entre mesures sociales et gestion des dépenses, afin de ne pas augmenter cette dette. Cette prudence financière est appréciable, car le PM a été responsable, en évitant de dilapider les fonds publics. Le souci majeur reste notre population vieillissante : dans les prochaines 3-4 années, nous allons avoir 300 000 retraités à Maurice, soit 21 % de la population, qui attendront de recevoir leur pension. Il faudra impérativement avoir une réforme structurelle conséquente. Cependant, un dernier budget pour un gouvernement n’est pas le moment pour le faire.

Les  Game Changers

Les Game Changers sont des réformes structurelles pour un secteur de notre économie. De telles décisions doivent être présentées lors des trois premiers budgets d’un gouvernement. Par exemple, il y a eu le Negative Income Tax, suivi du salaire minimum et maintenant on annonce un Portable Retirement Gratuity Fund. Pour moi, les nouvelles mesures concernant les TIC visant à emmener plus d’expertise dans ce domaine, ainsi que les mesures pour faciliter davantage le business à Maurice, seront des Game Changers. L’annonce d’un nouveau Public Private Partnership Act est aussi très intéressant pour encourager l’investissement privé.


Contre

Sen Ramsamy, Managing Director of Tourism Business Intelligence : «On ne profite pas de la présence des 1,4 M de touristes sur notre île»

senLe Premier ministre a de belles intentions pour le développement du pays. Le budget est socialement bien, mais pour le tourisme, il y a un manque de vision et de créativité.

Les derniers chiffres de Statistics Mauritius démontrent que les arrivées touristiques sont en baisse pour les cinq premiers mois de l’année. C’est inquiétant. Les revenus en devises étrangères, le taux d’occupation dans les hôtels  et les dépenses moyennes des touristes sont aussi en baisse.

En deux ans, ce secteur florissant est devenu un secteur en crise, alors que les concurrents dans la région font de belles récoltes. Pour moi, les problèmes fondamentaux n’ont pas été ciblés. On augmente le budget de la MTPA à Rs 535 M pour la promotion, avec l’accent sur les pays scandinaves, tandis que les Maldives n’ont dépensé que Rs 150 M pour la promotion de leur île et ont eu plus d’arrivées et de recettes ! Le budget prévoit également Rs 180 M pour booster le trafic des passagers du Kenya et de Shanghai vers Maurice. Si le gouvernement envisage d’offrir un subside, cela a déjà  failli dans la passé. Toutefois, le projet d’extension de l’aéroport pour recevoir 8 millions de touristes par an est intéressant, avec un parking pour 22 avions gros porteurs. Car il faut attirer davantage de compagnies à desservir Maurice.


Éric Ng : «Aucun ‘Game Changers’»

ericL’économiste Eric Ng voit, lui, le revers de la médaille. Selon lui, le budget 2019-2020 ne vient nullement donner un nouveau souffle à notre économie, qui est restée stagnante depuis plusieurs années. Il prend à témoin la croissance, qui est restée presque la même, malgré plusieurs exercices budgétaires.
Résilience de l‘économie

Selon lui, l’exercice 2019-2020 n’est, en aucun cas, un budget tourné vers le futur. Le budget ne se concentre d’ailleurs aucunement sur notre économie et sur les problèmes immédiats auxquels nous devons faire face.

Il s’agit là d’un budget purement électoraliste. L’augmentation de la pension de vieillesse, les 1 000 roupies forfaitaires aux fonctionnaires, les incentives au secteur privé... C’est un budget avec pour ligne de mire les élections générales. Ce budget ne répond en rien aux attentes de trois secteurs en difficulté : le sucre, le textile et le tourisme. Il ne va pas apporter une croissance de plus de 4 %. Il ne va en aucun cas consolider les secteurs « traditionnels ». Il y a, certes, quelques mesures, mais elles sont insuffisantes.

Ces quelques mesures sont plutôt palliatives à très court terme et ne vont en aucune manière rendre notre économie plus résiliente. L’exemple est, évidemment, la décision relative au secteur sucre : on propose, avec une one-off measure, de donner 25 000 roupies aux planteurs pour chaque tonne de sucre jusqu’à un total de 60 tonnes, après quoi il n’y a pas de vision à long terme. Ce n’est que maintenant que le gouvernement demande l’assistance de la Banque mondiale afin que l’institution internationale propose une stratégie pour rendre le secteur de la canne à sucre viable dans les moyen et long termes.

C’est le même constat pour le secteur du textile : il n’y a aucune vision. Et ne parlons pas du tourisme ! Le Premier ministre ignore nos marchés traditionnels, pour se concentrer sur la Chine et les pays scandinaves. La priorité aurait été de nous occuper des problèmes qui provoquent la baisse des arrivées touristiques en provenance de ces marchés traditionnels.

En gros, nous observons des mesures réchauffées, qui se répètent d’année en année, des mesures cosmétiques qui ne répondent nullement aux besoins de notre économie.

Responsabilité du PM

Le budget n’est pas responsable économi-quement. Au niveau économique, il n’a pas su donner l’espoir aux acteurs concernés. Il y a, certes, des mesures qui sont des palliatifs, mais elles deviendront obsolètes après les prochaines élections générales. Le PM aurait pu jouer cartes sur table et dire que certaines mesures ont été élaborées purement dans un but électoraliste.

Les  Game Changers

Pour éric Ng, le budget 2019-2020 comporte beaucoup de répétitions des anciens budgets. On essaie vraiment d’identifier des Game Changers dans le dernier exercice, mais on n’en voit aucun. La réponse est simple, il n’y a aucune réforme structurelle claire et nette. Il n’y a aucune réforme en ce qui concerne notre système de pension. Avec une population vieillissante, cela aurait dû être la priorité du gouvernement. Où se trouve la réforme pour le secteur sucre ? Rien, il n’y a rien. Ce budget a été l’occasion pour Pravind Jugnauth de venir donner des subventions ici et là pour faire « labous dou ».

 

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