
Le « means test », une enquête consistant à vérifier les revenus et les biens d’une personne pour déterminer si elle a droit à une aide ou à une prestation sociale, revient au-devant de l’actualité dans le cadre de l’application de la réforme des pensions. Cela bien que ce système ait été au centre des polémiques dans les années 50 et en 2004.
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1950 à 1958
Maurice a connu plusieurs expériences du « means test ». Le premier a débuté de 1950 à 1958 et excluait les 20 % à 25 % de personnes âgées les plus riches. « Ce premier test était le plus coûteux et le plus impopulaire, car il était coûteux à administrer et entraînait une violation de la vie privée », rapporte Larry Willmore dans un rapport des Nations Unies intitulé « Universal Pensions in Mauritius: Lessons for the Rest of Us » publié en avril 2003.
Ces 3 problèmes majeurs à l’époque
1. Une humiliation pour de nombreux seniors
« Une enquête était menée. En gros, les gens devraient prouver qu’ils étaient pauvres. C’était humiliant pour beaucoup », se rappelle Jocelyn Chan Low, historien et politologue. « C’était une atteinte à la dignité des seniors. Les économistes sont bien au courant de cela », ajoute-t-il.
2. Un système propice aux abus et à la corruption
Le « means test » était à l’origine de beaucoup d’abus, explique Jocelyn Chan Low. L’officier, qui menait l’enquête, décidait qui avait droit ou non à une pension. « Ce qui a donné lieu à des cas d’abus et de corruption, qui ont même été évoqués à l’Assemblée », souligne-t-il.
3. Une « prime à la malhonnêteté »
Jocelyn Chan Low qualifie le « means test » de « prime à la malhonnêteté ». « Une personne honnête qui déclarait ses revenus ne touchait pas la pension, tandis que ceux opérant dans l’informel et dissimulant leurs gains pouvaient percevoir la pension. Ce n’est pas moralement justifiable. Cela incitait les gens à ne pas déclarer leurs revenus et à être malhonnêtes », explique notre interlocuteur.
1965 à 1976
Le second « means test », qui a duré de 1965 à 1976, excluait uniquement que les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu, soit 5 % au maximum de la population âgée. « Ces deux ‘means tests’ ont permis de réaliser des économies budgétaires, mais ils ont également envoyé des signaux faussés aux travailleurs. Les deux tests ont découragé les travailleurs à faible revenu d’épargner pour leurs vieux jours ou de continuer à travailler, même à temps partiel, au-delà de l’âge normal de la retraite », peut-on lire dans le rapport des Nations Unis de 2003.
2004
En 2004, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale tirent la sonnette d’alarme : le système de pension universelle, le Basic Retirement Pension (BRP), devient financièrement insoutenable à long terme. Le gouvernement de l’époque – une coalition MMM/MSM avec Paul Bérenger comme Premier ministre et Pravind Jugnauth aux Finances – propose une réforme de pension reposant sur un « means test ».
Le barème proposé à l’époque
• Revenus inférieurs à Rs 18 000 : pension versée dans son intégralité
• Revenus entre Rs 18 000 et Rs 23 000 : pension partielle
• Revenus supérieurs à Rs 23 000 : aucune pension
2008
Sous le gouvernement travailliste, l’âge de la retraite est relevé de 60 à 65 ans. Cependant, l’âge de l’éligibilité à la pension universelle est resté fixé à 60 ans. En mai 2008, Navin Ramgoolam avait annoncé le maintien du principe universel de la pension de vieillesse. « Tous, riches comme pauvres, continueront à en bénéficier, à la seule condition qu’ils aient 60 ans ou plus », avait-il déclaré, tout en défendant le relèvement progressif de l’âge légal de la retraite à 65 ans.
2025
Dans son premier Budget, l’Alliance du Changement annonce que l’âge d’éligibilité à la pension universelle sera progressivement relevé de 60 à 65 ans. Face à la vive contestation suscitée par cette mesure, le Premier ministre Navin Ramgoolam a annoncé le lundi 16 juin 2025 la création de deux comités. Le premier sera chargé « d’examiner les possibilités d’aide aux personnes âgées de 60 à 65 ans travaillant dans des secteurs aux conditions difficiles, ainsi qu’aux femmes au foyer éligibles à travers un « means test ». Le second comité étudiera les formes de soutien à apporter aux personnes inaptes au travail pour raisons de santé.
Les résultats
- Sur environ 110 000 bénéficiaires du BRP en 2004, seules 4 000 ont été jugées non éligibles selon les nouveaux critères. « Ils avaient imposé un barème qui a soulevé de nombreux problèmes, mais n’a généré que très peu d’économies », souligne l’historien Jocelyn Chan Low.
- Cette réforme impopulaire devient un enjeu électoral majeur. Le Parti travailliste s’y oppose fermement et en fait un levier politique efficace, contribuant à sa victoire aux élections générales de 2005.
- Le « means test » est par la suite aboli.
La modalité imposée
En 20o4, les retraités étaient invités à remplir des formulaires détaillés, déclarant tous leurs revenus, y compris loyers, intérêts et dividendes. Toute fausse déclaration pouvait entraîner des sanctions pénales, soit une peine d’emprisonnement.
Les inquiétudes de Jocelyn Chan Low
L’historien redoute un retour aux dérives des années 50 liées à l’instauration du « means test ». « La question du barème est centrale. En 2004, celui proposé avait suscité de vives réactions », rappelle-t-il. Il s’interroge aussi sur le risque d’extension de cette logique sélective à d’autres services publics comme la santé ou l’éducation.
IL A DIT
En 2004
Lors d’une Private Notice Question (PNQ) dans le cadre des débats budgétaires, Navin Ramgoolam, à l’époque Leader de l’Opposition, voulait savoir si l’« affluence test » appliqué aux pensions des veuves, invalides et orphelins, ainsi qu’aux subventions sur des frais d’examens du SC et du HSC sera volontaire ou obligatoire et quelles seraient les modalités pour le distinguer d’un « means test ». Il avait alors évoqué l’expérience humiliante du Poor Law des années 1950, où les demandeurs devaient prouver leur pauvreté pour bénéficier d’un soutien social.
Au Parlement le mardi 17 juin
Navin Ramgoolam, Premier ministre : « Plusieurs pays développés ont adopté deux des trois mesures suivantes : a) l’extension de l’âge de la retraite à 65 ans et plus ; b) l’introduction d’un élément contributif dans le système avec des exemptions pour les bas revenus ; c) l’adoption des systèmes de pensions de vieillesse à travers le « means test », afin d’allouer les ressources publiques de manière plus efficace et équitable et de cibler les personnes dans le besoin. »

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