Theresa May, 62 ans, qui, au bord des larmes, a annoncé ce vendredi sa démission, fait une sortie sans gloire après avoir échoué à mettre en oeuvre un Brexit pour lequel elle n'avait pas voté mais qui a phagocyté son mandat.
La voix étranglée par l'émotion, Mme May a précisé qu'elle démissionnerait de ses fonctions de cheffe du Parti conservateur - et donc du poste de Premier ministre le 7 juin, en regrettant «profondément» son impuissance à mettre en oeuvre le Brexit.
Son arrivée comme cheffe du gouvernement en juillet 2016, au lendemain du référendum qui a décidé de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, avait pourtant rassuré les Britanniques.
Qui mieux que cette fille de pasteur, sans charisme mais à la réputation de bûcheuse, pour conduire le Royaume-Uni, sorti meurtri et divisé de la campagne référendaire, à travers une des périodes les plus délicates de son histoire?
Mais trois ans plus tard, et alors que le pays aurait dû initialement quitter l'UE le 29 mars, il continue de se déchirer, avec un parlement qui n'arrive pas à se mettre d'accord sur ses futurs liens avec l'UE et une population toujours divisée.
La tâche de détricoter plus de 40 ans de liens avec l'UE n'avait rien de facile, souligne Simon Usherwood, politologue de l'Université de Surrey, interrogé par l'AFP. «Quiconque dans sa position aurait rencontré de grandes difficultés», ajoute-t-il, estimant cependant que Mme May «n'a pas vraiment eu la meilleure approche» en choisissant de ne s'appuyer que sur son Parti conservateur, en particulier sa branche la plus déterminée à couper tout lien avec l'UE.
Pour son confrère Tim Bale, professeur de sciences politiques à l'université Queen Mary de Londres, elle a péché «par refus de réalisme», en refusant une «approche transpartisane», en particulier après son échec aux élections générales de 2017, qu'elle a convoquées galvanisée par de bons sondages mais qui lui ont coûté sa majorité absolue. Elle a été dès lors contrainte de s'allier avec le petit parti unioniste ultra-conservateur nord-irlandais DUP, qui a dicté ses exigences sur le Brexit.
Depuis, ballotée de crise en crise, elle a assisté à la décomposition progressive de son gouvernement avec plus de trente démissions, deux motions de défiance dont l'une de son propre parti, et trois rejets par les députés de l'accord de divorce qu'elle a fini par conclure avec Bruxelles en novembre.
«Maybot»
«C'est elle qui a rendu le job impossible», tranche Tim Bale. «Difficile d'imaginer quelqu'un qui aurait faire pire qu'elle».
Les éditorialistes ne sont guère plus tendres avec celle qu'ils surnomment «Maybot», une contraction de «May le robot», pour sa froideur lors de ses interventions publiques, au cours desquelles elle répète souvent mécaniquement le même discours.
Début avril, la dirigeante a fini par tendre la main au principal parti d'opposition, le Parti travailliste, pour trouver un consensus. Mais le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a rompu les discussions la semaine dernière, mettant en avant son autorité affaiblie, outre leurs divergences.
Comble du reniement pour celle dont le Brexit a constitué l'agenda presque unique, elle a dû organiser des élections européennes.
«L'Histoire ne retiendra pas d'elle une image favorable», estime Simon Usherwood, soulignant le «peu de résultat à son actif».
Ce n'est pas faute d'ambition pour cette femme qui derrière sa timidité apparente rêvait dès l'adolescence de faire de la politique et de devenir la première femme chef de gouvernement du Royaume-Uni.
Margaret Thatcher lui souffle ce titre, mais elle devient la première femme secrétaire générale du Parti conservateur de 2002 à 2003. A ce poste, elle s'illustre lors d'un discours en appelant les Tories, alors marqués très à droite, à se débarrasser de leur image de «nasty party» («parti des méchants»).
Après avoir soutenu David Cameron dans sa conquête du parti en 2005, elle hérite du portefeuille de l'Intérieur lorsqu'il arrive à Downing Street en 2010. Elle reste six ans à ce poste exposé, dans lequel elle s'illustre par sa gestion ferme de l'immigration.
En 2016, elle lui succède. Après s'être prononcée du bout des lèvres pour le maintien dans l'UE, elle épouse immédiatement le résultat du référendum et affirme : «Désormais nous sommes tous des Brexiters».
AFP
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