Le jugement attendu pour ce lundi 16 octobre par le Privy Council est perçu comme un moment décisif de la confrontation politique intense entre l’opposition parlementaire et le gouvernement. Les enjeux sont considérables pour les deux camps, et le verdict influencera incontestablement la dynamique politique de Maurice.
Depuis les élections de 2019, l'opposition parlementaire et le gouvernement sont engagés dans une bataille juridique, avec des implications politiques importantes. L'utilisation répétée de pétitions électorales pour remettre en question la légitimité de l'Alliance Morisien, composée du Mouvement socialiste militant (MSM) et de ses alliés, a marqué un nouveau niveau d'opposition.
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Les observateurs politiques soulignent que c'est la première fois que l'opposition pousse aussi loin ses efforts pour contester la légitimité d’un gouvernement. Bien que par le passé, il y ait eu des allégations d'irrégularités dans les élections générales, le recours aux pétitions électorales et les critiques portées sur l'intégrité des autorités, notamment le bureau du Commissaire électoral, marquent une escalade notable dans cette confrontation politique. Le gouvernement ainsi que bureau du Commissaire électoral ont quant à eux adopté la même ligne depuis 2019 et ont insisté sur le fait que les critiques de l’opposition relèvent de la pure démagogie, voire d’une hystérie politique sans précédent.
Le jugement attendu pour le lundi 16 octobre est susceptible de marquer la fin d'une âpre confrontation politique entre le gouvernement et l'opposition parlementaire. Il est donc incontestable que les enjeux sont d'une importance cruciale pour les deux camps politiques. La question de savoir qui a le plus à perdre lundi dépendra en grande partie du contenu du jugement. Si ce dernier favorise le gouvernement en maintenant sa légitimité, l'opposition pourrait subir une perte significative de crédibilité. En revanche, si le jugement donne raison à l'opposition en remettant en question la légitimité du gouvernement, cela pourrait ébranler la position du gouvernement en place et sa stabilité politique. En fin de compte, le résultat aura un impact considérable sur la dynamique politique du pays, mais il est difficile de déterminer avec certitude qui sera le plus affecté sans connaître le verdict.
L'observateur politique et historien, Jocelyn Chan Low, souligne que le Mouvement militant mauricien (MMM), qui a toujours respecté le verdict des urnes par le passé, a franchi une nouvelle étape en contestant la légitimité du gouvernement. « Au cours des quatre dernières années, l'opposition a souvent critiqué le processus électoral en utilisant l'argument "eleksyon kokin," mais c'est la première fois que le MMM s'engage aussi profondément dans cette voie. En cas de jugement favorable au gouvernement lundi, l'opposition risque de perdre sa crédibilité, car elle a poussé ses contestations à un niveau inédit », dit-il.
Jocelyn Chan Low souligne également que l'opposition parlementaire a persisté dans ses allégations de trucage des élections, malgré le fait que plusieurs pétitions électorales aient échoué et que le leader du Parti travailliste (PTr), Navin Ramgoolam, ait finalement renoncé à sa contestation. Il estime que l'opposition pourrait être confrontée à un problème majeur pour se rétablir en cas de revers devant le Privy Council.
Malgré ces observations, l'historien souligne que, en cas de jugement favorable pour le gouvernement, cela ne doit en aucun cas servir de prétexte pour négliger l'amélioration de l'organisation et du déroulement des élections en 2024. Il insiste sur le fait que, quelle que soit l'issue du jugement, il est essentiel de rester vigilant. « Certaines pratiques électorales doivent être examinées et améliorées. Les lacunes observées lors des dernières élections, en particulier en ce qui concerne l'enregistrement des électeurs, doivent absolument être corrigées pour garantir que les élections se déroulent de manière libre et équitable. Cela met en évidence l'importance de maintenir l'intégrité du processus électoral, indépendamment du résultat du jugement », insiste-t-il.
L'avocat Ravi Rutnah partage la perspective que l'opposition ne peut se permettre d'erreur en ce qui concerne le jugement attendu lundi. Il souligne que les attaques systématiques de l'opposition après les élections générales de 2019, ainsi que le discrédit porté sur les institutions telles que le bureau du Commissaire électoral, ont mis l'opposition dans une position délicate. Il est d'avis que le contestataire Suren Dayal a peut-être mal interprété certains éléments juridiques.
Ravi Rutnah explique que Suren Dayal s'est appuyé sur le jugement rendu contre Ahsok Jugnauth pour corruption électorale afin de porter l'affaire devant le Privy Council. « Cependant, après avoir suivi les débats au Privy Council, j’estime que les Law Lords n'ont pas semblé être d'accord avec l'argumentation de l'avocat de Suren Dayal. Lors des interrogations des Law Lords, l'avocat de Suren Dayal a eu du mal à répondre de manière convaincante, en particulier pour distinguer entre une corruption électorale et une promesse électorale figurant dans un manifeste électoral », dit-il.
L'avocat Penny Hack souligne qu'un jugement favorable en faveur du gouvernement ne signifie pas nécessairement une victoire incontestée pour le MSM et ses alliés. Il rappelle que malgré la campagne de l'opposition contre le déroulement et l'organisation des dernières élections générales, il existe d'autres préoccupations importantes dans l'esprit des Mauriciens, telles que les problèmes liés à la drogue, la situation de l'ordre public et les affaires de corruption. « Un jugement favorable du Privy Council en faveur du Premier ministre, Pravind Jugnauth, ne changera pas nécessairement la volonté de la population en faveur d'une meilleure gestion du pays ».
Penny Hack souligne également qu'il ne faut pas supposer que les Law Lords se limiteront à trancher en faveur du gouvernement ou de l'opposition. Il est possible qu'un jugement soit nuancé, avec des recommandations fortes visant à améliorer le processus électoral à Maurice. En fin de compte, il met en avant l'idée que le jugement pourrait être un point de départ pour des réformes électorales importantes plutôt qu'une fin en soi.
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