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Le cyclone Garance a plongé La Réunion dans le chaos, balayant tout sur son passage : toitures, routes, espoirs… Entre vents violents, pluies diluviennes et coulées de boue, l’île s’est réveillée sous le choc. Parmi les sinistrés, des Mauriciens racontent l’enfer de ces quelques heures où tout a basculé. Témoignages d’une catastrophe qui laissera des traces, bien au-delà des débris.
Le vent a tout balayé. Les toits, les souvenirs, et jusqu’au sommeil des habitants... Le cyclone tropical intense Garance a laissé une empreinte indélébile sur l’île de la Réunion. Des vents dévastateurs, des pluies torrentielles et des coulées de boue ont bouleversé le quotidien des habitants. Parmi eux, des Mauriciens installés sur l’île témoignent de cette nuit d’enfer, entre angoisse, chaos et solidarité.
Sephora, une Mauricienne installée à Sainte-Suzanne depuis 2015 avec son conjoint réunionnais Stéphane, revit encore le cauchemar. Les murs qui vibrent, l’eau qui s’infiltre et le vent qui rugit comme une bête affamée. « Nous avons été les premiers à ressentir les fortes rafales du cyclone », dit-elle, encore sous le choc.
Fausse accalmie
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D’abord, une fausse accalmie. Jeudi soir, la Préfecture de La Réunion, à Saint-Denis, déclenche l’alerte rouge à 19 heures. La consigne est claire : plus personne dehors. Mais à l’extérieur, il ne se passe rien ; seuls un vent léger et une pluie fine se manifestent. « Rien ne laissait présager l’enfer qui allait s’abattre sur nous », raconte Sephora.
Même au réveil, le vendredi matin, le silence règne encore. À 10 heures, tout bascule brutalement. L’alerte violette est déclenchée. Sephora sent la catastrophe arriver. D’abord un grondement sourd se fait entendre, puis arrivent les secousses. Les baies vitrées commencent à trembler. Un pan de carrelage sur la terrasse s’écroule sous la force des rafales dépassant les 200 km/h. L’eau s’infiltre partout. « On se retrouve contraint de placer un lit contre la porte pour faire bloc contre la pression de l’eau et la contenir », se souvient-elle.
Dehors, le vent arrache la toiture en tôle d’un garage voisin, projetant la structure en travers de la route. Dans la maison, il faut essuyer, calfeutrer et vérifier que tout tient encore debout. « On avait la tête partout. La sécurité était partout. Et pourtant, l’enfer n’a duré que quelques heures », confie-t-elle.
Au lendemain du passage de Garance, La Réunion est méconnaissable : routes éventrées, arbres déracinés et poteaux électriques couchés comme des fétus de paille. « L’île s’est réveillée sous le choc », dit Sephora. La Réunion paie un lourd tribut : quatre morts à déplorer.
Mais très vite, chacun se met à la tâche. « On est attristés pour ceux qui ont perdu la vie. Malgré la douleur, malgré les pertes, la solidarité est intacte. À Sainte-Suzanne, comme partout ailleurs sur l’île, on s’entraide. On ramasse. On répare. On partage. Ici, il y a une solidarité dans la détresse. On tente de reconstruire, autant les maisons que les esprits. On est en état de choc, mais on avance », explique Sephora.
Jacques Roquelaure, président de la Fédération franco-mauricienne et attaché au consul honoraire de Maurice, Younous Ravat, a lui aussi vécu l’angoisse. Il parle d’une voix posée, mais le poids des dernières heures se lit dans ses silences. « J’ai vécu ça normalement, comme un cyclone », commence-t-il par dire presque machinalement, comme une habitude héritée de son île natale Maurice, où Firinga et Gervaise ont jadis marqué les esprits.
Mais très rapidement, il nuance ses propos : « Celui-là… Celui-là était différent. » Depuis Saint-Paul, situé dans l’Ouest de l’île, il voit le chaos s’installer en quelques heures à peine. « Tout est allé très vite », dit-il. « L’alerte violette a été levée à midi, mais c’est à ce moment-là que nous avons vraiment ressenti la fureur de Garance dans l’Ouest », explique-t-il.
Toitures arrachées, routes inondées, arbres déracinés…
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Les images sont gravées dans sa mémoire : toitures arrachées, routes inondées, arbres déracinés… Si l’Est et le Nord – Sainte-Suzanne, Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Denis – sont les plus durement touchés, l’Ouest n’est pas épargné par les inondations. « Pas de conditions cycloniques directes ici, mais l’eau… l’eau était partout », soupire-t-il.
Pourtant, dans ce chaos, un élan de solidarité émerge. Celui qui, à chaque catastrophe, ressurgit comme un instinct. « L’État, les collectivités et la population… Tout le monde est là, prêt à aider. Il y a des protocoles certes, mais aussi et surtout une entraide naturelle », souligne Jacques Roquelaure.
Dans le courant de la semaine, la fédération fera le point sur la situation. Aucun Mauricien n’est signalé en détresse pour le moment, assure-t-il. « Si cela avait été le cas, les autorités nous auraient informés et nous aurions déjà réagi », précise-t-il.
« Effroyable »
Sila vit à Saint-Denis depuis trente ans. Des cyclones, elle en a vu passer. Mais Garance restera gravé dans sa mémoire. « C’était vraiment effrayant », murmure-t-elle, comme si le vent hurlait toujours dans sa mémoire. Les rafales, la pluie, le tonnerre, les éclairs et puis cette boue qui a tout submergé.
Entre 11 heures et 14 heures, l’île a basculé. « Un torrent de boue sur les routes. Tout s’est passé en quatre heures. C’était effroyable. Même les pompiers et la police étaient à l’arrêt. Il y avait trop de rafales », raconte-t-elle.
Elle mesure encore le silence qui a suivi le chaos, celui des rues désertées, des arbres arrachés et des toitures éventrées. « Belal était déjà fort, mais celui-là… » souligne-t-elle. Heureusement, le confinement imposé par la préfecture a limité les dégâts humains. « Le préfet a bien fait d’imposer les restrictions », fait-elle ressortir, regrettant toutefois que quatre vies aient été emportées. « C’est tellement triste… » confie-t-elle.
Pour rappel, environ 17 000 Mauriciens et leurs descendants vivent à La Réunion.
Jonathan Boyer : « L’île est totalement défigurée »
Partout, les stigmates du cyclone Garance : routes éventrées, éboulements massifs, poteaux électriques arrachés… Jonathan Boyer, père de deux enfants, décrit une île en état de choc. « La Réunion est totalement défigurée. Des routes détruites, la route du littoral impraticable à cause des éboulements et celle de la montagne également coupée. Les trois axes principaux permettant de traverser l’île sont bloqués. Chacun doit rester dans son secteur », explique le Réunionnais.
Les régions du nord-est, notamment Saint-Benoît, Sainte-Suzanne, Saint-Denis et Saint-André, figurent parmi les plus touchées. L’électricité et l’eau courante manquent encore dans de nombreux foyers. Pourtant, Jonathan Boyer garde espoir. « Les Réunionnais sont habitués aux cyclones. On sait faire face aux difficultés d’après-tempête. La Réunion, aujourd’hui à genoux, se relèvera. Ce n’est qu’une question de jours », assure-t-il. En attendant, tous interpellent les autorités, espérant une réhabilitation rapide des voies de circulation.
Quatre vies emportées par le cyclone
Les rafales ont hurlé, la mer s’est déchaînée et au matin, l’île de la Réunion comptait ses morts. Le bilan humain est lourd : quatre personnes ont perdu la vie. À Saint-Denis, une femme a été emportée par les flots en furie. Un homme, lui, a péri dans l’incendie de sa maison, provoqué par une défaillance électrique. À Trois-Bassins, dans l’Ouest, une autre femme a succombé à une coulée de boue meurtrière chez elle. Samedi matin, un quatrième corps a été retrouvé, écrasé sous un arbre déraciné par les vents. Partout, les stigmates de la tempête : routes éventrées, maisons noyées, quartiers défigurés. Et des familles qui tentent d’absorber l’inacceptable. L’alerte est levée, mais la douleur, elle, demeure.
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