Economie

Boni de fin d’année : dépenser judicieusement

En cette fin d’année, les salariés disposent d’un boni et de leur salaire. Le risque de mauvaise utilisation du premier est grand. Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), considère que l’essentiel est de faire un budget.

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Suttyhudeo Tengur : «Planifiez vos dépenses»

Suttyhudeo Tengur fait ressortir qu’il y a beaucoup de facteurs qui expliquent comment un salarié, qui a reçu son salaire et un boni pendant le mois de décembre, peut se retrouver en difficulté pendant le mois de janvier.

Le président de l’APEC explique que l’évolution fait que les Mauriciens dépensent beaucoup d’argent lors des fêtes de fin d’année. « Avant, les familles se réunissaient autour d’un repas à la maison. Ce qui ne coûtait pas très cher. Aujourd’hui, les sorties dans les restaurants, les séjours dans les hôtels ou encore les voyages à l’étranger sont très prisés. Et cette nouvelle façon de fêter nécessite un budget ».

Un autre facteur : la flambée des prix en décembre, selon le président de l’APEC. « Pendant les fêtes, les commerçants affichent une hausse de prix. Les consommateurs doivent examiner les prix pour éviter de se faire arnaquer. Avec le boni de fin d’année en poche, les salariés ont tendance à dépenser sans compter et c’est ainsi qu’ils se retrouvent sans argent en janvier ».

Il recommande un planning. « Les salariés doivent établir ce qu’ils vont faire de leur argent. Comme on est tenté d’acheter beaucoup de choses en décembre, on doit ménager ses dépenses. En faisant un budget, les gens sauront combien ils peuvent débourser pour les fêtes et combien ils peuvent économiser pour janvier », souligne-t-il.

« On est souvent tenté d’acheter des choses, dont on n’a pas vraiment besoin. Il faut savoir dire non. Les choses que nous voulons acheter doivent être utiles. Il faut savoir résister à la tentation. Ce n’est pas parce qu’on dispose d’un 13e mois qu’il faut tout dépenser. Il faut aussi éviter la vente à tempérament et les crédits à zéro dépôt. Si en décembre, il n’y a rien à payer, en janvier il faudra mettre la main à la poche », conseille-t-il.

Jayen Chellum : «La frénésie des achats mène au surendettement»

Les commodités sur lesquelles les Mauriciens dépensent plus sont les produits alimentaires, les cadeaux, les vêtements, les articles électroménagers et des appareils électroniques comme les téléphones cellulaires, les tablettes, entre autres. La rénovation de la maison, les consommations au restaurant, un séjour à l’hôtel, au campement ou même pour les voyages sont aussi d’actualité.

« Pendant la période des achats pour les fêtes, ce sont à l’évidence les hypermarchés et les grandes surfaces qui sont les plus grands gagnants. Car une frénésie d’achats s’empare des Mauriciens », souligne Jayen Chellum, le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM).

Il est d’avis que l’euphorie des fêtes laisse, par la suite, un goût amer. Il ajoute qu’une famille sur quatre s’endettera pendant les deux derniers mois de l’année. « Toutefois, aucun chiffre n’est disponible concernant le montant de la dette de ménages. Car ces chiffres varient », avance-t-il. Selon lui, la frénésie des achats mène au surendettement.

Il conseille d’effectuer des achats à crédit judicieusement et de tenir compte les conditions de paiement et sa capacité à payer. « Évitez à tout prix d’acheter de manière impulsive. Achetez l’essentiel », termine Jayen Chellum.


Fin d’année sans 13e mois

Alors que certains employés attendent le boni avec impatience, d’autres à l’instar de ceux qui travaillent à leur propre compte ne connaissent pas le 13e mois. Si certains arrivent à se préparer pour gérer les dépenses de cette période festive, d’autres entrepreneurs ont du mal à s’en sortir.

Farook Sadoolla, 55 ans, commerçant

« Pour moi, cela ne change rien et les affaires vont un peu mal en ce moment. Les clients se font rares, car il y a beaucoup de personnes qui sont en voyage. Je dois trouver de l’argent pour payer le boni des employés, je dois trouver plus d’argent pour la rentrée scolaire. Je dois aussi investir dans le business que je viens de lancer. »

Kevin Ramkissoon, 32 ans, commerçant

« Pour nous, le seul moyen de nous en sortir c’est de maximiser nos profits pendant le mois de décembre. Je dois payer mes trois vendeurs et pour y parvenir, je dois faire les arrangements à partir octobre. Je sais que le mois de janvier, ce sera encore plus difficile par rapport aux ventes. Il est malheureux que les entrepreneurs n’aient pas le soutien des banques et de la SMEDA. On promet tant de choses aux entrepreneurs, mais rien n’est fait dans la réalité. Ainsi, je dois bien planifier pour ne pas faire faillite.»

Simla Dookee, 47 ans, entrepreneure

« J’ai deux employés que je dois payer prochainement. C’est difficile de trouver cet argent, quand on est une petite entreprise. J’ai déjà fait les nécessaires durant l’année pour m’en sortir. Je fais ce travail depuis plus de 30 ans et je suis conscient du fait que je n’ai pas de 13e mois comme les salariés. J’ai économisé pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille en cette période de l’année.»

Reaz Cassimsaib, 37 ans, commerçant

« Je dois faire des heures supplémentaires pour gérer mon business qui existe depuis dix ans. Pendant le mois de décembre, je travaille sept jours sur sept. J’ai deux enfants et je dois par tous les moyens trouver de l’argent pour la rentrée. Je ne peux pas employer des vendeurs, car je sais que je ne pourrai pas les payer pendant ce mois. Seul, j’essaye de vendre le plus de marchandise », explique-t-il.

 


Ce qu’ils feront de leurs bonis...

Sunil Shamlall, fonctionnaire

« Dès que j’aurai mon boni le 21 décembre, je vais acheter les manuels scolaires. Je n’ai pratiquement rien à économiser après l’achat des uniformes et d’autres accessoires. Cela a toujours été ainsi depuis que mes enfants sont petits. »

Joane Chelamootoo, cleaner

« J’ai quatre enfants et j’utilise toujours mon boni pour l’achat des matériels scolaires. De plus, il y a les dépenses additionnelles pour les fêtes et l’aménagement de la maison. En janvier, je dois me débrouiller pour joindre les deux bouts. »

Priya Soopramanien, General Accountant

« J’utilise mon boni pour m’offrir un voyage en Inde. Mon mari est d’origine indienne et il travaille là-bas. C’est la deuxième année consécutive que je fais cela. Je ne sais pas s’il m’en restera pour faire le shopping. »

Avijeet Dhunnoo, employé secteur privé

« Contrairement aux années précédentes, je ne compte pas faire de très grosses dépenses pour les fêtes de fin d’année. J’ai prévu cette fois d’économiser, car j’envisage de continuer mes études supérieures. J’ai mes économies pour tout de même acheter des cadeaux.»

Ash Mandary, technicien

« Mon épouse et moi faisons attention à nos dépenses, surtout quand nous aurons notre boni de fin d’année. Moi, je m’occupe de la rénovation de la maison et des cadeaux pour les proches. Tandis que mon épouse s’occupe des provisions, de l’achat de vêtements et de matériels scolaires.»

Sanish Dookhit, serveur

« Je m’efforce d’économiser une partie de mon boni. On ne sait jamais ce que nous attend durant l’année. Il faut toujours prévoir les urgences et grâce à cet argent, je peux me permettre de faire des économies qui sont difficiles avec mon salaire. »

Désiré Ahkee, chauffeur

« Normalement, j’utilise une grosse partie de mon boni pour acheter les matériels scolaires pour mes trois enfants. Quand on est parent, c’est pratiquement la même chose chaque année. Mais j’en profite également pour payer un produit acheté à crédit. »

Hadia Heetun, Customer Care

« J’économise la moitié de mon boni chaque année et l’autre moitié est consacré au shopping de fin d’année. J’ai un enfant de trois ans et j’estime qu’il est important de mettre un peu d’argent de côté pour parer à toute éventualité. »

Harish Mohun, chauffeur de magasin

« Cette année, je compte faire très attention. Je vais dépenser avec parcimonie, car je suis issu de la classe moyenne. Je dois limiter mes dépenses. Parce que le mois de janvier est long. Je pense à faire des économies, car j’ai des choses que j’aimerais bien faire.»

Tanuja Bhujun, apprentie esthéticienne

« J’achèterai des vêtements, de nouvelles chaussures et des produits esthétiques. Je suis trop jeune pour donner des cadeaux aux autres. Donc, je vais mettre de côté de l’argent pour les dépenses en mois de janvier.»

Vandana Sunkur, réceptionniste

« Je mettrai une bonne partie de mon boni de côté, au cas où en janvier il nous manquerait quelque chose. De plus, j’ai déjà planifié pour les achats de cadeaux. J’ai déjà acheté les produits alimentaires pour le mois de janvier.»


Rs 10 milliards pour le privé

« Dans le privé, une somme de Rs 5 milliards est dépensée mensuellement en termes de salaires par le secteur privé. Avec le bonus de fin d’année, une somme de Rs 10 milliards est déboursée », indique Pradeep Dursun, Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius.

« Le bonus de fin d’année, selon la loi, doit être versé cinq jours avant le Noël. Les entreprises font de leur mieux pour y parvenir », ajoute-t-il.

Le 13e mois des gros salaires

Osman Badat, CEO de Baines Trust Mauritius, fait ressortir que les 13e, 14e et 15e mois sont utilisés pour la consommation et l’investissement.
Concernant la consommation, Osman Badat note que les voyages à l’étranger et les séjours à l’hôtel sont maintenant bien ancrés dans les mœurs mauriciennes pour ceux qui en ont les moyens. « Impossible de trouver une chambre d’hôtel ou une villa en cette fin d’année. J’en ai moi-même fait l’expérience. C’est rempli jusqu’à la première semaine de janvier », fait-il ressortir. Même chose pour les voyages à l’étranger, surtout cette année, avec l’ouverture en partie de l’accès aérien.

« J’ai des employées qui ont fait la queue une demi-journée pour une place sur Air Asia ! Déjà c’était facile avec les trois vols journaliers d’Emirates. Beaucoup des gens voyagent en cette fin d’année. Comme touristes, mais aussi pour faire du shopping en Asie et à Londres pour profiter des Christmas sales », dit-il.

En plus, il y a les cadeaux. « Le marketing marche très fort. De nos jours, ce sont les iPhone et MacBook. Il faut un budget assez important », fait-il ressortir.

Au sujet des investissements, il indique que la plupart des groupes bancaires et sociétés d’assurances offrent une palette de plans d’investissements et les agents connaissent bien leurs clients.

« Il y a aussi une demande de plus en plus importante pour les produits spécifiques. Certaines personnes investissent dans l’immobilier comme un appartement ou un campement. L’immobilier en ce moment est plus attrayant c’est “risk-free”, pas de risque de taux de change, ça donne un retour en termes de loyers et une plus-value en moyenne de 8-10 % annuellement. Pour les experts, certains titres boursiers “sous-évalués” peuvent être attrayants. C’est plus sur le court terme, car les investissements boursiers demandent un suivi de plus près », explique-t-il.

 

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