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[Blog] Silence, on exécute à Gaza !

Par Jean-Mée Desveaux, 3 décembre 2023

Si le problème de la Palestine est un problème existentiel, ce n’est pas seulement parce que nous assistons à ce qui présage indubitablement  la disparition de ce qui reste de ce peuple qui a souffert stoïquement depuis trois quarts de siècle sur son sol. Ils sont 5.5 millions à Gaza et au West-Bank sur les 14.3 millions éparpillés, souvent sous des tentes, de par le monde. Ce problème est existentiel pour chacun de nous parce que nous sommes aux premières loges à assister, sans lever le moindre doigt, à l’éradication de ce peuple méprisé et de leur territoire réduit en peau de chagrin.

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Je m’étais longtemps demandé quelle position j’aurais prise si j’avais vécu dans les années trente, lors de l’exécution systématique des Juifs européens par l’infecte régime Nazis. Quelle attitude adopter face à une machine inexorable qui, de facto, transforme notre silence en lâcheté, quelles qu’aient pu être les dispositions morales et philosophiques que nous pensions être les nôtres jusque-là.

Il existait bien sûr une solution qui pouvait séduire les âmes bien trempées, car on y risquait sa peau, celle de son conjoint, si ce n’était de toute sa famille : joindre le maquis et aider la résistance ! Les nombreux Mauriciens qui ont arpenté les rues de Paris auront sans doute remarqué ces centaines de plaques murales qui jonchent les murs à la mémoire des résistants abattus sur place sans autres formes de procès par la Gestapo durant l’occupation de la France par l’armée allemande. Ces hommes et ces femmes servent aujourd’hui de bouclier à l’honneur de la France et sauvent la face aux « résistants de la dernière heure » et à tous ceux qui, au moment crucial où on embarquait les victimes comme du bétail sur les camions en destination des chambres à gaz allemandes ou polonaises, détournaient le regard ou changeaient de trottoir. Mais, qu’on se le dise : quoi qu’on fasse, cette tare demeure de façon indélébile, quelle que soit sa tolérance personnelle à la mauvaise foi.

Ici, cependant, s’arrête toute comparaison entre ces deux génocides. Les lobbies qui encadrent immanquablement les nouveaux bourreaux ont mené une campagne savamment orchestrée au niveau international pour que toute sympathie avec les victimes d’aujourd’hui soit immédiatement accompagnée d’opprobre et de lourdes sanctions pénales à travers l’Europe et le monde occidental. Les rôles et les valeurs sont inversés. Comme dirait l’autre, « Fair is foul and foul is fair » . L’Occupant est encensé, alors que lui opposer la moindre résistance devient du terrorisme. Les défendre se transforme en « apologie du terrorisme » qui entraîne de lourdes charges pénales si ce n’est l’emprisonnement . « Tsahal », à qui référence est faite comme à une entité domestique bienveillante et une force héroïque, attire l’admiration. Aujourd’hui, quand c’est Israël qui tue, persécute, exécute et torture à sa guise près de six millions (chiffre fatidique) de Palestiniens, toute critique s’apparente à une tendance toxique, appendage d’un Islamogauchisme intolérable.

Exagération ? Voyons voir. Un préfet français qui a eu le courage d’énoncer une vérité de la Palice selon laquelle Israël est le seul pays au monde où on ne torture pas durant le Sabah, se vit démettre de ses fonctions de façon instantanée. Plusieurs Américains qui ont récemment osé « like » le sarcasme du Facebook de The Onion sur le toupet de ces Palestiniens qui ont omis de faire les éloges d’Israël pendant leurs dernières heures d’agonie ont, eux aussi, été démis de leurs fonctions.

Mais cela va jusqu’au niveau national. Avant qu’ils ne soient honteusement désavoués par leurs institutions nationales, le gouvernement de Rishi Sunak et celui d’Emmanuel Macron avaient tout bonnement interdit toute manifestation populaire en faveur de La Palestine durant le « carpet bombings » israélien de Gaza que ‘Tsahal’ retournait à « l’âge de pierre ». Oubliées la Magna Carta et la Charte de la liberté d’expression sacrosainte où dessiner le prophète Mohamed représentant un chien devient un droit fondamental et inaliénable de  tous Français et Française. 

De plus, quand on organise une grande marche pour protester contre les excès commis à Gaza, ce n’est pas contre la disproportionnalité excessive entre l’acte et le carnage aveugle de la rétribution de l’armée israélienne. On ne marche pas pour protester contre le fléau du racisme ou de l’islamophobie qui menace de faire tache d’huile dans l’Hexagone, mais contre l’antisémitisme, la seule cause qui vaille la peine qu’on se déplace. Cette mentalité discriminatoire se traduit en pratique à travers l’exemple du Franco-Israélien Giliad Shalit, citoyen français à double nationalité qui, en bon Israélien, joignit « Tsahal » pour se faire la main aux armes et se fit malencontreusement capturer par le Hamas. La France, les USA et Israël remuèrent ciel et terre pour le libérer au bout de cinq ans en grande pompe et festivités. Serait-ce trop insolent de s’enquérir sur le nombre d’années de villégiature carcérale qui aurait accueilli le compatriote Franco-Palestinien de M Gilad Shalit à son retour en France après avoir accompli son devoir patriotique au sein du Hamas en se battant contre l’armée d’occupation de la Palestine ?


Mais il y a mieux en ce qu’il s’agit de parti pris international en faveur d’Israël. Les USA, le pays qui ne peut se permettre le luxe de donner aucune couverture médicale à sa population de 50 millions d’indigents qu’on laisse mourir sous les ponts, peut cependant se permettre d’octroyer, bon an mal an, la coquette somme de 3.8 $ milliards d’aide militaire à Israël, le seul pays de la région doté de la bombe atomique et seul pays au monde à partager les bombardiers les plus sophistiqués  des USA. Pris de panique par le récent refus de Hamas de retourner à la niche, rejoindre l’autorité palestinienne devant les exactions de l’occupant en Cisjordanie et Gaza, les USA ont démontré leur solidarité indéfectible à Israël en lui fournissant 15 000 bombes de plusieurs tonnes et en lui octroyant une nouvelle aide militaire de $14 milliards. L’Amérique a par ailleurs opposé trois vétos  au Conseil de Sécurité pour donner libre cours à la fureur et la haine génocidaire d’un Israël assoiffé de sang palestinien. 

Le secrétaire d’État, Anthony Blinken, qui se confirme d’extraction juive, a jugé qu’Israël avait le « devoir de se défendre ». Il avait précédemment rejeté toute mesure de boycott BDS contre Israël qui n’était pas, selon ses critères moraux, un envahisseur. Ce très proche collaborateur de Joe Biden gobe toutes les statistiques que lui passe Israël et qu’il répercute en public, comme le fait du reste son patron dont l’autre proche conseiller est Mons Chuck Schumer, Président du Sénat américain. Ces messieurs n’auront jamais la grandeur d’âme, ni l’objectivité d’un Bernie Sanders. Mais Israël a compris le message 5/5. Le signal est donné pour le bombardement débridé de Gaza suivi d’attaques meurtrières en Cisjordanie où les colons armés jusqu’aux dents en profitent pour expulser et tuer encore plus de voisins palestiniens gênants et les exproprier. Les statistiques qui découlent de ce fait sont périmées aussitôt publiés :

15 000 civils morts en trois semaines, broyés sous les bombardements meurtriers des chasseurs israéliens. 1 200 Israéliens tués durant l’attaque du Hamas, dont 300 soldats qui défendirent chèrement leur peau en neutralisant 1 500 combattants du Hamas lors de l’affrontement initial. Un enfant tué et deux autres blessés toutes les 10 minutes. 6 500 enfants massacrés parmi les civils précités. 900 enfants avec des jambes et des bras estropiés par une merveille de bombe, ingénieuse à souhait, qui en explosant, projette horizontalement des disques aiguisés en acier ressemblant à des CD à 200 km/h.

32 enfants morts dans leurs incubateurs à cause du manque de courant et d’oxygène, des centaines d’autres exilés en Égypte.
80 médecins tués ainsi que 202 infirmiers et aide-soignants.

108 professionnels de l’équipe des Nations Unies sur place sacrifiés (leurs collègues ne seront du reste plus admis sur le territoire, car le patron des Nations Unies a osé faire le lien causal entre les événements du 7 octobre et les 75 ans d’occupation et 17 ans de blocage hermétique de Gaza devenu la plus grande prison à ciel ouvert du monde.

60% des maisons détruites et 50 000 familles ayant perdu leurs demeures.

Crime de guerre des plus barbares : plus de 36 hôpitaux et autres institutions sanitaires mis hors service dans le nord et centre de Gaza, éventrés par les bombes et rendus inutilisables par des chars d’assaut qui les assiègent et leur tirent dessus. Une centaine de patients survivants éjectés manu militari de leurs salles de soins intensifs. Les milliers de sans-abris ayant pris refuge dans les couloirs des hôpitaux subissant le même sort. 

Un millier de malheureux emprisonnés sous les décombres de leurs habitations détruites sans aucun espoir d’être secourus.
73 journalistes tués bien souvent intentionnellement par des snipers israéliens.

Plus d’une trentaine d’écoles des Nations Unies, où s’agrégeaient des milliers de sans-abris, gommées de la surface de la terre.  

5,500 femmes qui devront accoucher dans la rue durant le mois prochain avec la certitude de complications obstétriques dues au stress causé par les bombardements.

3 000 palestiniens arrêtés en Cisjordanie depuis  le 7 octobre (en sus des centaines d’autres tués par les colons armés) ce qui rend totalement saugrenus les échanges de prisonniers qui deviennent instantanément dérisoires puisque les geôles israéliennes se remplissent, aussitôt les anciens locataires remis « en liberté ». Cela ne devrait pas nous étonner dans le seul pays au monde où un enfant qui jette des pierres aux soldats de l’occupation encourt jusqu’à 20 ans de prison devant une cour militaire, s’il n’est pas tué sur le champ par un soldat qui n’aura aucun compte à rendre sur l’« incident ».

Dans ce kaléidoscope de meurtres atroces, on ne peut éviter d’arrêter un instant le regard sur ces héroïques pilotes israéliens qui orchestrent ce massacre. En plus des 15 000 Palestiniens abattus de sang-froid dans ce « carpet bombing » qui rase tout sur son passage, près de 70 otages israéliens ont succombé à leur frappe fratricide, dont récemment une mère, un enfant et un bébé de la même famille. Il est utile dans ce contexte de se rappeler que dans le sillage de la première guerre du Golfe en Irak dans les années 80, les pilotes américains avaient brandi la menace d’une mutinerie, refusant de tirer lâchement dans le dos des milliers de soldats irakiens en fuite, une tâche qu’ils considéraient ignominieuse pour leur profession. Il faut croire que le recrutement pour se joindre à cette profession chez « Tsahal » depuis, requiert une obéissance aveugle quel que soit le sale boulot qu’on leur assigne, même si c’est de leur « propre sang ». 

Dans ce même ordre d’idées, les « innocent bystanders » que nous sommes ne pouvons écarter le soupçon que n’était-ce la pression de la rue en Israël, Benjamin Netanyahu aurait refusé toute pause au carnage des Palestiniens afin de déclencher une boucherie de tous les otages israéliens (par leurs propres munitions) et ainsi déclencher en Israël et aux USA une fureur vengeresse ingérable et insensible à tout appel aux considérations humanitaires. Les Palestiniens seraient incontestablement conçus comme des bêtes et mériteraient d’être traités comme telles. Dès lors, nonobstant les objections de l’Égypte, inféodée aux USA par le petit milliard d’aide militaire annuel qui lui permet de rester l’armée la plus puissante au Moyen-Orient après Israël, en deux tours de mains, ce qui resterait des 2.2 millions de Palestiniens entassés à la barrière de Rafah auront le choix d’être évaporés sous les bombes américaines de Tsahal ou s’installer en permanence dans le désert du Sinaï ou encore rejoindre les millions de leurs compatriotes de par le monde. Gaza, où même Ariel Sharon se cassa les dents en 2005, deviendrait alors la côte d’Azur d’Israël sur la Méditerranée. Qui sait ? Bibi pourrait se refaire une virginité politique ?

Est-ce là de la géopolitique fiction bâtie sur ce territoire de 40 par 13 km ? L’identification d’une « safe zone » où les civils palestiniens pourraient y mettre leur famille en relative sécurité a été jusqu’ici un jeu sadique du haut commandement israélien. Les militaires israéliens ont d’abord forcé les Gazaouis de quitter le nord et le centre de Gaza pour le sud sous la menace d’un bombardement incessant. 1.1 million de Palestiniens furent ainsi transférés du nord au sud de Gaza en empruntant des routes ‘sécurisées’ qui étaient très souvent elles-mêmes pilonnées. La concentration de la population qui avait été jusque-là de 6 500 habitants par kilomètre carré atteignît ainsi les 13 000 par km². Puis ces « oasis de sécurité » furent à leur tour sujets au « carpet bombing » forçant une population en panique à se déplacer une nouvelle fois, cette fois vers Rafah, la frontière avec le Sinai, territoire égyptien. 

Ensuite, Rafah, devenue elle-même la cible de lourds bombardements, ce que les organisations internationales d’aide ont surnommé « un jeu de bataille navale » a été mis en place avec une carte détaillée de tout le territoire numéroté en petits carrés d’un ou deux kilomètres carrés. Le hic est qu’alors que Tsahal était censé donner une indication sur les carrés qu’il fallait fuir, aucune indication ne fut donnée où se réfugier en sécurité. Un autre petit problème mineur est que les cartes papiers jetées depuis des avions contiennent des QR codes numériques qui ne peuvent être décryptés sur un téléphone portable dans un territoire où l’internet et l’électricité ne sont plus que de lointains souvenirs. En dernier lieu, le commandement militaire israélien demanda au 1.9 million de déplacés de se réfugier dans la « safe zone » de Al Mawasi qui mesure 1 km de large par 14 km de long ! Imaginez une bombe dedans.

Si ce n’est pas un foutage de gueule magistral de toutes les instances humanitaires internationales et du leadership de chaque pays qui n’a pas rompu ou suspendu ses relations diplomatiques avec l’État juif, un lâche ou un hypocrite, cela lui ressemble étrangement.

 

  • defimoteur

     

 

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