
Le Rapport ENR 2025 se veut une boussole pour le secteur financier mauricien, en renforçant la lutte contre la criminalité financière, tout en rassurant les investisseurs et en traçant la voie vers un avenir plus sûr et compétitif.
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Le ministère des Services financiers et de la Planification économique a publié en mai 2025 la deuxième édition de l’Évaluation Nationale des Risques (ENR) en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Ce rapport très attendu offre une analyse approfondie des menaces les plus pressantes et constitue un outil essentiel pour le secteur des services financiers à Maurice, en particulier dans le cadre de la conformité LBC/FT (Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), de la stabilité financière et de la gestion des risques.
Comme l’a souligné Jyoti Jeetun, ministre des Services financiers et de la Planification économique, ce rapport s’inscrit dans un ambitieux plan gouvernemental visant à dynamiser l’économie, avec un rôle de premier plan attribué au secteur financier : il représente 13,4 % du PIB national, génère plus de 17 000 emplois et rapporte environ 15 milliards de roupies en recettes fiscales.
Sa pertinence pour le secteur des services financiers
Maurice, ayant précédemment fait l’objet d’une surveillance renforcée par le Groupe d’action financière (GAFI) et ayant été inscrite sur la liste grise, accorde désormais une importance cruciale à la conformité LBC/FT. Le Rapport ENR 2025 joue un rôle clé en appuyant diverses instances, notamment les autorités de régulation – la Financial Services Commission, la Banque de Maurice et la Gambling Authority – dans leurs activités de supervision et d’élaboration de politiques. Ces autorités adapteront certainement leurs stratégies de supervision afin de mieux cibler les risques de criminalité financière les plus critiques.
Quant aux détenteurs de licences, ils ont le devoir majeur de renforcer leur dispositif de gestion des risques, en identifiant les menaces et vulnérabilités propres à leur environnement opérationnel selon les conclusions du rapport. Cela implique une révision de la procédure d’intégration des clients, de la surveillance des transactions et du signalement des opérations suspectes, en tenant compte des typologies et risques sectoriels identifiés.
En tant que professionnel du secteur : « J’encourage fortement les détenteurs de licences à intégrer les constats et priorités nationaux dans leurs cadres internes d’évaluation des risques afin de mieux se préparer. Votre approche fondée sur les risques doit être réajustée, tout en tenant compte des recommandations du GAFI. »
Son impact sur les investisseurs intéressés par Maurice
La confiance des investisseurs est renforcée grâce à ce rapport, notamment pour ceux qui envisagent d’investir à Maurice dans les secteurs de la fintech et des services financiers. Il rassure les investisseurs étrangers sur la capacité du pays à gérer efficacement les risques liés à la criminalité financière, réduisant ainsi les risques de « derisking » à l’échelle mondiale. La réputation du marché est ainsi améliorée, le gouvernement affichant son engagement envers la transparence, la conformité et les standards internationaux – éléments cruciaux pour consolider la position de Maurice comme centre financier de renom.
L’évaluation nationale des risques s’inscrit dans une stratégie plus large visant à renforcer l’intégrité du système financier et à préparer Maurice à l’évaluation de l’ESAAMLG prévue pour 2027.
Par ailleurs, il convient de rappeler que ces évaluations impliquent de nombreux acteurs des secteurs public et privé, notamment l’Unité de Renseignement Financier, les régulateurs, la Commission des Crimes Financiers, la Mauritius Revenue Authority, la police, ainsi que d’autres opérateurs multisectoriels. La collaboration public-privé est renforcée grâce à des initiatives conjointes de déclaration, d’application des lois, et au partage de renseignements et de typologies.
La principale différence entre l’évaluation précédente et la nouvelle
Une amélioration significative a été observée : le rapport actuel propose une ventilation sectorielle beaucoup plus détaillée, mettant en lumière les vulnérabilités propres à chaque secteur et proposant des stratégies d’atténuation ciblées. Je note également que le rôle croissant des technologies financières est mis en avant, à la fois comme source de nouveaux risques mais aussi comme levier d’innovation. Le rapport souligne l’importance de la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, illustrant une approche globale plus intégrée.
Les principaux défis et axes d’amélioration, selon le rapport
Il est reconnu que certaines inefficacités administratives persistent. Un autre point faible réside dans le manque de professionnels qualifiés dans des domaines spécialisés tels que la fintech. Par exemple, depuis l’adoption de la loi sur les actifs virtuels et les offres de jetons initiaux (VAITOS Act) en 2021, très peu de professionnels se sont aventurés dans ce domaine. La loi VAITOS 2021 ainsi que la finance durable représentent donc des défis pour le développement du secteur. C’est ici que la formation continue et le renforcement des capacités d’experts prennent tout leur sens. Attirer et fidéliser des talents qualifiés est essentiel pour répondre aux besoins évolutifs du secteur bancaire et financier.
Autre constat : une dépendance excessive au dollar américain. Cette dépendance est perçue comme une vulnérabilité, et une diversification des expositions en devises est recommandée pour limiter les risques liés aux fluctuations des taux de change.
Mot de la fin
Le rapport étant accessible au public, il y a un « appel à l’action » urgent. Mon message aux institutions financières : « Vous êtes désormais outillées pour adopter des mesures proactives et fondées sur les risques afin de garantir intégrité, résilience et compétitivité. » Le Rapport ENR 2025 est une feuille de route stratégique et joue un rôle déterminant dans la préservation du statut de l’île en tant que centre financier international de confiance. En identifiant et en évaluant les menaces présentes, le rapport fournit une base solide pour la prise de décisions et la planification stratégique. En s’attaquant aux faiblesses identifiées et en tirant parti des opportunités, Maurice peut encore renforcer sa position de leader en Afrique dans le domaine des services financiers internationaux.
Tariq Caramtali, expert en conformité réglementaire

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