[Blog] L’Indépendance de notre pays : une nouvelle ère ?

Le 12 mars 1968 marque l’Indépendance de notre pays. Aujourd’hui, 57 ans après, dans le sillage des élections du 10 novembre 2024, peut-on croire en l’émergence d’une nouvelle ère, qui serait même plus significative que le passage au statut de République du 12 mars 1992 ?

1.    Peace, Justice and Liberty

Contrairement à 1968, ou même à 1992, il y a un sentiment d’unité nationale qui est plus prononcé partout dans le pays, au-delà des différentes classes sociales. Il est même assez fort parmi les jeunes qui s’identifient davantage comme des « Mauriciens ». Certes, le 60-0 historique du 10 novembre était aussi un vote sanction, pour ne pas dire de dégout vis-à-vis de l’ancien régime, beaucoup plus qu’il incarnait une adhésion à l’alliance qui gouverne aujourd’hui. Mais en réagissant aux révélations de Missier Moustass à travers le dernier scrutin comme elle l’avait fait, une large masse silencieuse définissait aussi ainsi ce qui pouvait unir tout un peuple. 
Nous sommes liés par une vision, des valeurs et une volonté commune qui se résume parfaitement dans les paroles de notre hymne national. Jean George Prosper avait trouvé les mots justes, mais le mérite revient également au Comité qui devait choisir sa soumission pour en faire ce qui est l’un des plus beaux textes pour un hymne national. Le Motherland nous unit, car qui parmi nous n’est pas sensible à la « sweet », « beauty » et « fragrance » de ce pays ? Le rêve d’un seul peuple et une seule nation se construit chaque jour autour de notre foi inébranlable dans la paix, la justice et la liberté comme piliers de notre vivre-ensemble. « Beloved God » est invoqué dans le Motherland, une prière qui reflète cette croyance en Dieu qui est si visible dans notre pays. Cela ne l’empêche nullement d’être un État séculier démocratique comme l’affirme notre Constitution. 

2.    Souveraineté

Au-delà de la politique partisane où un élan d’unité dépassant les tentatives de divisions communalistes a finalement primé lors des dernières élections, il y a aussi, depuis peu, un attachement à notre souveraineté qui s’exprime beaucoup plus ouvertement. Le combat pour la cause des Chagos ne date pas d’hier, mais les récents développements tant juridiques que diplomatiques ont ramené un peu de fierté à notre identité de « Morisien » au sein d’un village global soumis à tant de bouleversements géopolitiques. N’est-ce pas une autre victoire de notre revendication de souveraineté sur les Chagos lorsque nous entendons le mot « lease » mentionné dans la conférence de presse à la Maison Blanche tenue par Trump et Starmer ? Fierté aussi, sans tomber dans aucune arrogance, en tant qu’Africain lorsque nous avançons vers la fin de la décolonisation du continent, tout au moins théoriquement. 

Nous ne pouvons nier également le fait que face aux pressions du quotidien, exacerbées par un contexte économique post-électorale difficile, beaucoup de nos compatriotes ne sont pas conscients, ou même interpellés, par rapport au retour des Chagos à notre souveraineté. D’où la facilité avec laquelle certains, y compris des politiciens, se laissent berner par l’appât de quelques milliards de roupies comme location pour la base de Diego Garcia. Mais la cause Chagossienne demeure un élément potentiellement fédérateur pour le peuple mauricien tout entier. Il faut rappeler ici l’intérêt que soulève la perspective d’un développement océanique durable sur notre zone économique exclusive de plus de 2,3 millions km2, dans le contexte de la création d’un vrai État-océan d’une superficie marine mille fois celle de ce qui existe comme terre ferme. Une nouvelle ère est possible même si ce sera difficile lorsque nous réalisons la visée de quelqu’un comme Trump qui se régale à l’idée d’un bail de 140 ans sur une partie de notre souveraineté. Nous existe-t-il d’autre alternative que la résistance ? Même l’Europe, le Canada, le Royaume-Uni et d’autres alliés des USA l’ont compris…

3.    Etoile et la Clé

Il se peut que l’épreuve de la lutte pour notre souveraineté soit ce ciment dont nous avons besoin pour construire non seulement la nation de demain, mais aussi pour nous transformer en une vraie Etoile et Clé de l’océan Indien. Les visites d’État de Modi et de Macron programmés prochainement doivent être des vitrines pour le monde entier de découvrir que Maurice peut devenir l’un des meilleurs endroits pour vivre sur une planète où les crises et les incertitudes sont partout ailleurs. En attendant, probablement, un Premier ministre britannique officiellement chez nous, un événement qui n’est jamais arrivé dans le passé. Les cyniques diront qu’ils y verront aussi le fléau de la drogue qui fait rage, la sécheresse qui sévit ou encore toute une panoplie de problèmes que nous ne connaissons que trop. Ils n’ont pas tort, mais n’y a-t-il pas aussi chez nous une détermination à changer pour le meilleur la situation où nous sommes aujourd’hui ?

Il y a des jeunes qui partent et croient que l’herbe est plus verte ailleurs, mais n’y a-t-il pas autant ceux qui demeurent et qui sont persuadés que, par la Grâce divine, leur destin est dans leurs mains ? Quelques années après l’Indépendance, mais aussi tant de fois dans l’histoire depuis le départ des Hollandais qui pourtant avaient donné à Maurice son nom, notre pays a su se réinventer. Rien n’est impossible si nous œuvrons ensemble « lamin dan lamin » misant sur nos qualités, nos acquis et sur les faveurs que Dieu nous a données, du sourire mauricien à notre sens de débrouillardise en passant par la beauté naturelle de notre pays.

Avec la victoire 60-0, tout en reconnaissant et respectant le fait qu’il y a ceux qui n’ont pas voulu un changement, l’occasion est unique afin de mettre en chantier une nouvelle République. Le mini-amendement constitutionnel et autres reformes proposées avant les élections ont eu le plébiscite populaire, mais il faut aller plus loin dans la transformation pour de bon de nos institutions. Dans le respect de la démocratie, il faut au plus vite engager toutes les parties concernées dans un processus large visant à faire entrer le pays concrètement de plain-pied dans la deuxième moitié du millénaire.