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[Blog] Le feu communal : allumage interdit !

En à peine une semaine, l’actualité locale a été marquée par trois controverses liées au milieu socioreligieux. Dieu merci, tout départ de feu de nature communale, si jamais il y a eu, a été maîtrisé. À l’approche des élections générales, il faudra demeurer très vigilant. Revenons sur ces trois polémiques, car il n’est pas dit que nous sommes hors de danger.

USD 6 M

Il ne s’agit pas d’un autre épisode de « L’homme qui valait six millions de dollars », mais d’une donation de ce montant du gouvernement saoudien. Rendons à César ce qui lui appartient, car si jamais ce geste de générosité se concrétise, nous le devons à notre Steve Austin de la diplomatie avec le monde arabe. Toutefois, les procédures administratives ne sont pas aussi rapides que cet homme bionique en matière de déclarations. Certes, la pandémie avait ralenti le dossier, mais il n’était pas clair à quoi exactement servirait cette donation. Le téléphone arabe a fini par provoquer une fâcheuse controverse lorsqu’il a été insinué que l’argent aurait atteint les coffres du parti au pouvoir. 

La polémique s’est intensifiée outrageusement quand la rumeur a voulu qu’un imam aurait été convoqué par un comité disciplinaire, suite aux pressions du gouvernement sur la principale association socioreligieuse musulmane du pays. L’accusation est sérieuse, car généralement, les imams sont libres et responsables de leurs propos. Affirmer que les autorités contrôlent leurs discours revient à imputer que la liberté religieuse est bafouée et que les chefs religieux ne sont que des pantins. Heureusement, en bons pompiers, les porte-paroles du pouvoir sont montés au créneau pour catégoriquement nier la rumeur autour de toute malversation alléguée. L’homme qui apportait six millions de dollars s’est aussi lavé de tout blâme. Le fait que l’imam n’ait subi aucune sanction a aussi aidé à calmer la situation. 

Il demeure toutefois de voir où iront finalement les 6 millions de dollars. Il est compris que la construction de nouvelles mosquées, comme prévue initialement, n’est plus à l’agenda. Si la rénovation a toujours été mentionnée comme objectif du don saoudien, il importe de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus avec des dépenses inutiles. L’éducation dans les madrasas, y compris avec des cours en ligne qui répondent aux attentes modernes, et l’entretien des cimetières auraient pu être prioritaires. Bref, n’aurait-on pas mieux investi ces millions dans des institutions comme le Muslim Family Council, non pas pour qu’il ait un bâtiment neuf mais pour qu’il soit équipé de ressources nécessaires, y compris dans l’éducation, la sensibilisation et l’encadrement ? Ce que la communauté, et le pays a vraiment besoin, serait-ce des lieux de cultes quasiment luxueux ou plutôt, on dirait, des centres de réhabilitation professionnels pour nos enfants toxicomanes ? À bon entendeur…

Concert Spirituel

Autre polémique, la publicité autour d’un concert chrétien dit « spirituel » avec des images qui ne laissent aucun doute sur le soutien possible à un parti politique. L’interprétation qu’il y ait là une ingérence directe d’une institution religieuse suprême, qui se proclame neutre, dans la politique politicienne ne peut être évitée. Ce ne serait nullement un scandale si le poids de cette instance sur le plan national, même mondial dans le monde chrétien, était perçu comme insignifiant. Le risque était toutefois que certains pourraient penser que c’était un vrai appel, au nom du Seigneur venant du plus haut lieu, aux adhérents à la foi chrétienne afin de supporter un parti politique spécifique.

La probabilité que ceux qui ne sont pas de la même religion se divisent politiquement prend une autre dimension lorsque les autorités religieuses de la plus grande importance s’en mêlent. Les conséquences peuvent être désastreuses dans un pays pluri-religieux comme le nôtre. Heureusement, sans tarder, les responsables de l’institution chrétienne sont venus de l’avant pour se dissocier de la publicité controversée. Ils ont officiellement souligné leur devoir d’indépendance et leur neutralité vis-à-vis de la conduite de la politique partisane. En bon pompier, l’établissement a rappelé à ses prêtres qu’ils ne peuvent pas s’engager activement en politique. Une attitude aussi prompte et sans ambiguïté ne peut que consolider le vivre-ensemble mauricien.

Rann nu later

Dernier exemple, l’interpellation des membres de Rann nu later, collectif qui revendique la restitution d’un terrain dans le triangle de Réduit à une fédération socioreligieuse tamoule. Au-delà de la récupération politique, vraie ou fausse, autour de ce contentieux qui dure depuis trop longtemps, ce qui a choqué beaucoup ce sont les images des forces de l’ordre empoignant quatre individus pour les embarquer dans les voitures de police. La violence n’y était pas en soi que dans son aspect physique, mais bien dans sa dimension psychologique presque subliminale. Les Mauriciens n’aiment pas ce qu’ils ont vu, les ramenant à l’esprit ce qui se passe ailleurs, beaucoup plus dramatique. Cette brutalité pernicieuse marque subtilement les esprits même si les policiers impliqués n’ont pas outrepassé leurs limites. 

Lorsque les « victimes » sont perçues comme d’une communauté distinctive, toutes les autres communautés se sentent également mal à l’aise. Même si aucune religion n’est visée, il ne faut pas arriver à ces images qui ont été diffusées sur les réseaux sociaux en directe et, ensuite revues encore et encore. Dans ce cas précis, l’impact est néfaste parce que beaucoup de gens ont vu dans une mauvaise situation, une posture indélicate même, pas seulement un homme qui était leur professeur, un autre un ami qu’ils connaissent bien, ou encore un autre un travailleur social respecté, mais aussi pour certains un proche ou un voisin parmi la police.

À l’origine, il ne s’agissait probablement pas d’un rassemblement illégal, car il y avait moins de onze personnes et cela devrait être des citoyens qui s’exprimaient pacifiquement comme on a pu le voir en d’autres circonstances. Heureusement, en bon pompier, la police a cru bon libérer ensuite les quatre manifestants. Le feu s’est calmé, pour un moment au moins, laissant la justice suivre son cours.

La campagne électorale sera-t-elle pour nous comme sous l’influence d’un cyclone, où nous devrons prendre toutes les précautions, nous barricader contre tous les dangers du feu communal ? Les pompiers seront-ils toujours là, à chaque départ de feu ? À défaut de pouvoir enfermer préventivement les pyromanes, devrons-nous savoir les identifier d’avance afin de s’en méfier ? Ne faut-il pas également sensibiliser tout le monde aux menaces des réseaux sociaux lorsqu’ils servent comme du pétrole lampant pour ce feu ? Ceci dit, il faut rester serein puisque, comme les cas susmentionnés le démontrent, il y a une volonté de dépasser nos différences, de faire prévaloir le bon sens et de vivre en paix, qui fait surface à chaque fois. Jusqu’ici. Nous devons être plus forts que les forces de division. Dieu nous protège.
 

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